Après avoir rencontré Sarah Waters pour la sortie de son dernier roman Derrière la porte, Jeanne Magazine a interviewé Val McDermid pour Lignes de fuite, son nouveau thriller. Val McDermid est l’auteure de vingt-cinq best-sellers, déjà traduits en trente langues et vendus à plus de dix millions d’exemplaires dans le monde. Elle a remporté de nombreux prix, dont le Diamond Dagger Award pour l’ensemble de sa carrière, qui compte trois séries policières aux héros récurrents distincts : Lindsay Gordon, une journaliste lesbienne, Kate Brannigan, une détective privée, le Dr Tony Hill, profiler, et l’inspectrice Carol Jordan. L’auteure, qui vit avec sa conjointe et leurs trois chats à Manchester, a accordé une interview à Jeanne Magazine dans laquelle elle nous parle de Lignes de fuite son nouveau thriller, et aussi de féminisme et de visibilité lesbienne. Extrait de l’interview publiée dans le numéro d’avril de Jeanne Magazine. 

Lignes de fuite commence au moment où votre héroïne, Stephanie Harker, franchit les contrôles de sécurité d’un aéroport et voit son fils se faire kidnapper. D’où vous est venue cette envie d’écrire sur ce sujet ? J’ai une prothèse au genou, qui fait systématiquement  sonner les alarmes des aéroports. Quand cela m’arrive aux Etats-Unis, on me conduit alors dans une pièce en plexiglas jusqu’à ce qu’un agent vienne me contrôler.  Un jour, alors que je voyageais avec mon fils, âgé de  six ou sept ans à l’époque, et qui  n’avait pas eu l’autorisation de m’accompagner, je me suis demandée : « Comment pourrais-je faire arrêter quelqu’un qui kidnapperait mon fils, alors que dans l’immédiat, je serais considérée comme la première suspecte ? ».  

Que pensez-vous particulièrement de la visibilité lesbienne dans les séries ? Je pense qu’il ne devrait plus y avoir de programmes spécifiquement dédiés à la communauté lesbienne, mais plus de personnages LGBT intégrés dans les autres séries. Pour ma part, j’ai toujours imaginé des personnages gays et lesbiens dans mes livres, et ils sont intégrés dans le paysage social au même titre que les autres personnages. C’est ma manière de voir le monde autour de moi. Je ne souhaite pas vivre dans un ghetto, et je ne souhaite pas non plus écrire sur l’un d’entre eux. Le fait que je sois lesbienne n’est qu’une partie de celle que je suis, et je souhaite être reconnue comme un être humain dans ma totalité. Et c’est ainsi que je veux voir les personnages à la télévision : des personnages qui sont, effectivement homos, mais qui ne sont pas uniquement définis par cela.

Pouvez-vous revenir sur votre coming out ? A t-il eu un impact sur votre carrière ? J’ai fait mon coming out lorsque j’étais étudiante, cela fait maintenant 40 ans… Il est difficile de savoir si cela a eu un impact sur ma carrière. Lorsque j’étais journaliste, les gens se fichaient de ma sexualité, c’était le fait que j’étais une femme qui posait alors problème. Quand j’ai commencé à travailler pour un groupe de presse national à Manchester en 1979, il y avait 137 journalistes, et  trois seulement étaient des femmes… En tant qu’auteure, cela est probablement entré en ligne de compte à un moment ou à un autre, mais il est difficile de le savoir avec certitude. Mais une chose est sûre, c’est pour cette raison que je ne participe pas à certains grands festivals littéraires auxquels je suis invitée.

Continuez…  En effet, je ne vais pas dans des pays qui persécutent leurs propres concitoyens sur le seul motif de leur sexualité. Pour être honnête, j’ai beaucoup de mal avec l’idée que de nombreux auteurs oublient leurs convictions en échange d’un vol en classe business et d’une chambre dans un hôtel 5 étoiles.

Voilà qui est dit, et concernant le mariage entre personnes de même sexe qui est légal en Ecosse depuis février 2014, comment les Ecossais ont-ils accueilli cette loi ? Cela n’a pas causé autant de dissensions et de manifestations que chez vous en France. Notre Premier ministre fut d’ailleurs, l’un des témoins du premier mariage célébré ici, et cela a, il me semble, amélioré sa réputation.

De ce fait, comptez-vous vous marier ? Non. En tant que féministe, j’ai des problèmes avec ce que représente l’institution même du mariage et toutes les connotations patriarcales et possessives qui vont avec. Le partenariat civil est plus à mon goût.

Lignes de fuite de Val McDermid (Flammarion).

Photo Charlie Hopkison

www.valmcdermid.com

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