Sarah, doctorante en sociologie travaille sur la visibilité des lesbiennes dans l’espace public à Paris. En octobre dernier, avec Clémence, une amie illustratrice et graphiste, elle a lancé le projet Paye Ta Gouine, un espace décliné sur Tumblr, Facebook et Instagram qui recueille et archive les témoignages de toutes formes de violences vécues par les femmes dès lors qu’elles ne sont pas identifiées comme hétéros pour mieux les dénoncer. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro de décembre de Jeanne Magazine.

Comment avez-vous eu l’idée de créer un tumblr dénonçant les violences subies par les lesbiennes ? L’idée est née du constat criant de l’invisibilité des lesbiennes dans la société. Invisibilité dans les médias ou la culture, mais aussi dans la recherche académique. J’en avais assez de l’appropriation collective dont les lesbiennes sont l’objet (il suffit de taper le mot « lesbienne » sur Google…). Assez du silence sur les violences qu’elles vivent, de leur non-reconnaissance et de leur non-condamnation. Force est de constater le déni d’existence auquel nous faisons face. Alors que SOS Homophobie publie un rapport annuel sur l’homophobie depuis 2000, seuls deux rapports ont été menés sur la lesbophobie… À partir de cet état des lieux, de mon expérience en tant que lesbienne et des premiers résultats de ma recherche j’en suis venue à la conclusion suivante: qu’elle s’exprime en famille, entre ami·e·s, au travail ou dans la rue, la violence ordinaire fait partie du quotidien de chacune d’entre nous. C’est une violence pernicieuse qui peut s’exprimer de manière frontale de la part d’inconnu·e·s à travers une insulte, une interpellation, un crachat ou un coup. Mais elle peut aussi revêtir une forme plus anodine et venir de proches, de médecins, de collègues sous la forme d’une blague de mauvais goût, d’une remarque déplacée, d’une question intrusive ou d’un jugement. Décliné sur Tumblr, Facebook et Instagram, Paye Ta Gouine s’inscrit dans lignée de Paye Ta Shnek et des autres plateformes participatives qui dénoncent les violences sexistes. À la seule différence : à la violence sexiste voire misogyne que les lesbiennes vivent en tant que femmes, s’imbriquent des violences hétérosexistes qu’elles expérimentent en tant que lesbiennes ou juste en tant que non-hétérosexuelles. (…)

Avez-vous reçu de nombreux témoignages pour l’alimenter ? Un mois et demi après la création de Paye Ta Gouine, nous avons reçu une centaine de témoignages provenant principalement de France et de Belgique. Le soutien est important, nous comptons actuellement un peu plus de 1100 abonné·e·s sur Instagram et un peu plus de 650 sur Facebook. Recevoir autant de témoignages est révélateur de l’étendue des violences vécues par les lesbiennes encore aujourd’hui. Mais c’est paradoxalement très encourageant car cela révèle un besoin de prendre la parole pour se réapproprier un vécu dans une démarche d’empowerment. Enfin, l’afflux de témoignages et de remerciements qu’on reçoit soulignent la nécessité d’une plateforme comme Paye Ta Gouine en tant qu’espace de parole et de partage d’expériences. Oui nous sommes gouines. Oui nous vivons des violences et nous ne sommes pas seules, nous luttons et mettons en lumière ce que nous vivons.

Avez-vous vous-même été victime de remarques lesbophobes ? Oui, comme toute lesbienne qui a été visible à un moment, soit par la parole, par mon apparence ou par des marques d’affection, j’ai vécu des agressions verbales : dans la rue ou le métro lorsque je tenais la main de mon amie, en terrasse de café quand je l’ai embrassée, chez le médecin qui m’a demandé si j’utilisais des objets pendants mes rapports, au travail où un collègue m’a demandé comment je faisais l’amour… La liste est encore longue. Moi-même j’ai mis du temps à considérer certaines remarques comme des violences, notamment lorsqu’elles venaient de mon entourage. (…)

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payetagouine.tumblr.com

Retrouvez l’interview en intégralité dans le numéro de décembre de Jeanne MagazineEn vous abonnant à Jeanne, vous permettez à votre magazine 100% lesbien de continuer à vous proposer 80 pages de contenu exclusif chaque mois !