Chez les Leblanc on n’en connaît de nom qu’un, Maurice, le créateur d’Arsène Lupin. Mais ici, dans cette famille, je demande la petite dernière. La jeune Georgette, Georgette Leblanc. Une demoiselle à la vie romanesque, telle la madame Bovary qu’elle adore tant. Celle qui n’a jamais voulu être modestement cataloguée comme «  la sœur de…  ». Une audacieuse scandaleuse défrayant la chronique mais qui, bien cachée derrière son intellectuel frère, n’en reste pas moins une grande dame du monde artistique et littéraire. Amie de Colette et de Cocteau. Tantôt femme de lettres, tantôt actrice et talentueuse cantatrice. C’est aussi une femme libre et audacieuse qui mérite tout autant de visibilité que Maurice. Extrait de l’article publié dans le numéro 104 de Jeanne Magazine.

Marie Blanche Georgette Leblanc naît le 8 février 1869 dans la ville de Rouen. Elle est la fille d’Emile Leblanc et de Blanche Brody, des bourgeois rouennais très aisés proches du bovaryste Gustave Flaubert. Georgette possède une grande sœur, Jeanne, en plus d’être la sœur cadette de Maurice Leblanc, de 5 ans son aîné. C’est donc dans cette famille fortunée et stricte que va grandir la petite Georgette. Sous l’autorité de son omnipotent père, elle est élevée tout comme sa sœur, dans l’intransigeante éducation féminine du 19è siècle. Celle de la bonne fille de famille au comportement vertueusement probant, afin de devenir une épouse et mère parfaite tout en se pliant à l’autorité du père, puis, de l’époux. Une éducation qui, pour l’époque, a de véritables enjeux sociétaux, politiques et religieux. Afin de contrer cette tutelle paternelle, et de gagner rapidement son indépendance, Georgette décide d’épouser à 17 ans un magistrat espagnol, qu’elle quitte dédaigneusement dès les noces consommées.

Après ce mariage raté, la jeune demoiselle de 18 ans, rêvant de liberté et souhaitant par-dessus tout s’échapper de sa condition, s’exile à Paris où elle y retrouve son frère. Et c’est par passion romantique pour le théâtre et la poésie qu’elle se lance corps et âme dans le monde de l’art lyrique et de l’Opéra.
Elle commence sa carrière de chanteuse entre la capitale et la ville de Bruxelles, où elle y interprète le plus souvent les premiers rôles féminins, comme dans l’une de ses premières prestations dans L’Attaque du Moulin (opéra écrit par Emile Zola), présentée à l’Opéra Comique au cours de l’année 1893. On dit d’ailleurs d’elle dans la presse, comme dans le journal Le Réveil en septembre de cette même année, que « cette dame, épouse récemment divorcée, d’un magistrat, a été entraînée au théâtre par une vocation irrésistible. On dit des merveilles de sa voix, et de son tempérament dramatique ». En effet, Georgette va irrévocablement pousser la chansonnette un petit peu loin (c’est le cas de le dire !) et va finir par s’imposer comme une soprano de premier plan, de par son extrême beauté, et de par sa voix louée pour sa joliesse, sa puissance et son expressivité. A posteriori, elle va jouer une variété de rôles dans certaines des pièces de théâtre et opéras les plus célèbres, comme Carmen de Bizet.

Entre-temps, Mme Leblanc, également passionnée de littérature et de philosophie, fait la connaissance de l’écrivain et poète belge Maurice Maeterlinck, à travers ses livres. Très vite, elle éprouve en le lisant une troublante fascination. Dès lors, elle souhaite terriblement faire la connaissance de ce curieux auteur. Cela sera chose faite, et tous deux se mettront en ménage à partir de 1895. Georgette devient alors la muse de Maurice. Mais leur union placée sous le signe du concubinage suscite le scandale de leurs familles respectives, très puritaines et conservatrices.

Côté carrière, Georgette enchaîne les représentations. On la retrouve encore une fois à l’Opéra Comique de Paris en 1897 dans Sapho de Charles Gounod. Et c’est à travers les pages de La Vie Heureuse en décembre 1906 que l’on voit la cantatrice oser dire des femmes que « La raison chez la femme n’est point sans harmonie secrète de couleurs, de lignes et de proportions  ;… et quand on la voit s’enrouler autour de son corps les longs plis de sa robe, elle reconnaît ici la courbe sinueuse, lente, mais certaine de sa force féminine. ». Elle semble ainsi se décrire elle-même à travers ses lignes, ne trouvez-vous pas ?

Côté littérature, elle publie Un pèlerinage au pays de Madame Bovary, La mort de Tintagiles ou encore Le choix d’une vie en 1904. Roman quasiment autobiographique, racontant l’histoire d’une femme de bonne société, une bourgeoise, devenant le mentor, que dis-je, le pygmalion d’une paysannesque demoiselle aux allures simples. Ce que vivra réellement Georgette avec Mathilde Deschamps, la gouvernante et amie du couple Leblanc-Maeterlinck. Amie ? Plutôt amante pour notre Georgette, comme nous l’explique Maxime Benoit-Janin, dans sa biographie Georgette Leblanc (1869-1941). Bien que ce livre (Le choix d’une vie) soit écrit de sa main, Georgette n’échappe pas à la condition des femmes écrivaines de son époque, à l’instar d’une Colette pour ne citer qu’elle. Et, même si sur ses ouvrages le nom Mme Materlinck est mentionné, cela n’est utilisé par le couple d’auteurs que comme simple stratagème commercial. Les deux comparses n’étant pas mariés. D’ailleurs leur relation durera 23 ans, avant qu’ils ne se séparent, ou plutôt que Maurice ne quitte Georgette pour l’actrice Mlle R. Dahon en 1918.

Suite à sa rupture avec Maurice, Georgette commence à écrire ses mémoires décrivant sa relation avec Maeterlinck et sa vie en dehors de la scène (Ce qui deviendra plus tard le livre intitulé Souvenirs 1895-1918 en 1931). Elle décide également de reprendre sa vie en main, de changer d’air et s’envole ainsi pour l’Amérique à la suite d’un contrat, comme nous l’explique Mr. Jacques Brindejont-Offenbach (littéralement le petit-fils du compositeur Offenbach) dans les pages du journal Le Gaulois : « Lorsqu’il y a bientôt deux ans, Mme Georgette Leblanc accepta de partir pour l’Amérique, elle avait signé un contrat par lequel elle s’engageait à chanter […] à New-York, son imprésario l’accueillit en lui annonçant une brillante série de deux représentations par jour. » (Le Gaulois, 27 mai 1923).

En ce début des années 1920, Georgette, alors accompagnée aux États-Unis par l’une ses amies du nom de Mathilde Serrure, fait la rencontre de Margaret Anderson. En ces temps, Margaret est une figure lesbienne et féministe américaine.

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Par Naïs Nolibos – @mdamenana

L’intégralité de l’article est disponible dans le numéro 104 de Jeanne Magazine.

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