Maja Šenk, est née à Sarajevo en Bosnie-Herzégovine et vit aujourd’hui à Belgrade en Serbie. Après des études en marketing, elle a décidé de s’engager auprès des personnes LGBTI et de rejoindre Labris, une organisation de soutien et de défense des droits humains dédiée aux lesbiennes. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro de juillet de Jeanne Magazine.

Pouvez-vous revenir sur vos premiers pas dans le militantisme LGBT ? J’ai découvert le milieu associatif en 2013 à Sarajevo en intégrant le groupe Sarajevo Open Centre, qui était alors la seule association à aborder les questions LGBTI en Bosnie-Herzégovine. J’ai ensuite continué en tant qu’éducatrice de bénévoles pour l’association XY, qui luttait contre le sida-VIH grâce à un travail de prévention. Vers la fin de 2014, je me suis installée à Belgrade et j’ai entamé un stage chez Civil Rights Defenders, après quoi j’ai commencé à travailler pour Labris (…)

Deux décennies après la création de l’association, comment diriez-vous que la société a évolué concernant les thématiques propres aux femmes LBT ? 25 ans après la création de Labris, je dirai que la société serbe est toujours plutôt homophobe, conservatrice et traditionnelle. Bien sûr les femmes LBTQ sont un peu mieux acceptées aujourd’hui qu’avant, mais il y a toujours un « mais » qui traîne dans la conversation…

Le mouvement LBTQ a-t-il trouvé le moyen d’évoluer et de prendre de l’ampleur et de la visibilité ? C’est certain ! Le mouvement LBTQ a très certainement gagné une meilleure visibilité. Je dirai même que ce mouvement est plutôt important aujourd’hui, car il existe un grand nombre d’organisations différentes qui abordent les questions LGBTI, nous pouvons compter sur un nombre croissant d’alliés, nous avons pu également développer au fil des ans des partenariats avec certaines institutions et même avec le gouvernement. Mais le développement de ce mouvement a mené parallèlement à sa fragmentation. Cette division est d’ailleurs visible à Belgrade puisque la ville compte même deux Prides, l’une en juin et l’autre en septembre.

Est-il facile d’être ouvertement lesbienne en Serbie aujourd’hui ? Je pense qu’être lesbienne aujourd’hui en Serbie n’est pas bien différent du vécu des lesbiennes en Serbie il y a 20 ans. Je pense que les lesbiennes et les sujets propres aux lesbiennes sont les moins visibles au sein du mouvement LGBTI. Cela est dû au fait que nous vivons dans une société patriarcale très marquée, les lesbiennes sont considérées comme “des femmes qui n’ont pas encore trouvé le bon”. Ne soyons pas complètement négatifs, c’est sûr qu’il est un peu plus simple aujourd’hui d’être ouvertement lesbienne qu’avant. (…)

Les chiffres sont formels, on note actuellement en Europe une montée inquiétante de la violence envers les lesbiennes. Est-ce le cas également en Serbie ? La violence contre les femmes en général est en train de se développer de manière considérable aussi bien en Europe qu’en Serbie ! Cette situation est très inquiétante et préoccupante.(…)

Quels combats menez-vous actuellement en Serbie pour l’égalité des droits ? La Serbie n’a toujours pas voté de loi protégeant les couples de même sexe. Labris s’est pourtant chargé de rédiger un modèle de loi à ce sujet en 2010, nous avions pu compter sur de nombreux soutiens et une campagne médiatique pour que le débat au sein de la société puisse voir le jour, mais le manque de soutien politique pour cette loi fait qu’elle n’a jamais été votée.

Vous avez récemment obtenu une victoire précieuse contre l’homophobie dans les manuels scolaires. Pouvez-vous revenir sur cette victoire ? Cela concerne principalement les manuels scolaires en lycées pour les sujets liés à la médecine, à la psychologie et à la biologie. En effet, tous ces livres d’enseignement décrivaient l’homosexualité encore comme une maladie. Ces livres créaient pour les jeunes l’idée que la norme en matière d’orientation sexuelle était forcément celle de l’hétérosexualité, et qu’il s’agissait là de la seule possible, correcte, normale et saine option. Nous avons obtenu après une longue bataille que ces manuels véhiculant du contenu discriminatoire soient remplacés par d’autres, non discriminatoires ni homophobes. Et nous sommes heureuses de dire que ces nouveaux livres seront distribués aux élèves pour l’année scolaire 2019/2020.(…)

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