On a beaucoup parlé de PMA cette semaine dans les médias, mais ce sont les lectrices de Jeanne Magazine qui en parlent le mieux. Découvrez dans le numéro de septembre les témoignages de 9 couples de femmes qui  reviennent sur leur envie de fonder une famille et retracent avec nous les étapes pour y parvenir. De leur rencontre à l’adoption de leur(s) enfant(s), en passant par la conception, la grossesse et les premiers pas à l’école, ces femmes courageuses et déterminées nous racontent leur histoire.

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En couple depuis 2008 et mariées depuis 3 ans bientôt, Laura et Amandine sont les mamans de Charlie, 3 ans et demi. La « Famille matelot », comme elle se surnomme, vit dans un joli coin de Charente-Maritime au bord de l’océan. Le couple, qui au début de son parcours a hésité avec la coparentalité, a choisi la PMA en Espagne pour fonder sa famille, aujourd’hui reconnue aux yeux de la loi. Amandine nous raconte l’histoire de sa tribu.

« Tout de suite, nous avons capté en l’une et l’autre cette même vision de la vie »
Il y a des rencontres qui vous marquent et ce fut le cas. Celle de deux nanas, de 22 et 23 ans, qui désespèrent sur un site de rencontres en 2008. Nous sommes de cette génération qui se rencontre via le net et discute pendant plusieurs mois simplement par textos et Messenger. Tout de suite, nous avons capté en l’une et l’autre cette même vision de la vie. Un premier baiser le 18 novembre 2008 et le lendemain je déposais ma démission à Mc Do pour la rejoindre à une heure de route. Nous avons emménagé directement ensemble un mois plus tard. On sortait de relations complexes, c’était « ça passe ou ça passe ». Les années ont depuis bien passé ! Aujourd’hui nous sommes posées, on bosse dans l’administratif et ma chérie cherche toujours sa voie (vous savez les artistes la tête dans les nuages !). Nous sommes en pleine construction de notre nid douillet, mères, et heureuses dans le choix de vie que nous avons fait. Il faut parfois savoir saisir sa chance au bon moment. Elle fut ma chance.

« Dès le début, le désir d’enfant a été présent en nous »
Il y a 8 ans, aucun couple homo dans notre entourage n’avait la chance d’avoir un enfant. Dès le début, le désir d’enfant a été présent en nous et nous avons passé beaucoup d’heures sur le net à chercher des informations. Notamment sur le forum de l’association Les Enfants d’arc-en-ciel. Nos recherches nous ont d’abord menées vers la coparentalité. Après avoir passé une annonce et réalisé beaucoup de tri dans les mails reçus et dans les premières discussions (on a eu droit à tout, le dépressif, l’hétéro qui fantasme, l’obsédé…), il y a eu ces paroles qui vous ressemblent un peu plus. Ce visage qui vous parait être le bon pour ce projet. Des mois à parler, à échanger sur nos visions de l’éducation, de l’amour pour un enfant… puis la désillusion quand l’un des deux garçons prend la fuite au moment où tout pourrait devenir enfin réel. Car la coparentalité c’est aussi ça : plus de deux personnes qui ne sont pas toutes aussi sûres d’elles, qui ne sont pas toutes sur la même longueur d’onde. Une soirée, qui après un an d’espoir, a mis fin à cette envie de partager l’amour d’un enfant avec d’autres.

« IAD en clinique ? Insémination artisanale ? Adoption ? »
Alors nous sommes reparties dans les questionnements : IAD en clinique ? Insémination artisanale ? Adoption ? Cette dernière option, n’était pas autorisée à l’époque pour les couples homos. Nous avons écarté l’insémination artisanale via une petite annonce ou avec l’un de nos amis. L’option était trop contraignante et risquée de notre point de vue. Nous avons également mis de côté la fécondation in vitro, car nous étions jeunes, sans réel souci de santé, et le budget est très élevé et le traitement hormonal très lourd. Nous restait alors l’option de l’insémination artificielle avec donneur inconnu.

« Nous nous sommes rendues dans une première clinique à Barcelone »
L’Espagne s’est imposée par son rapprochement géographique et le retour positif que nous en avions eu. Nous nous sommes rendues dans une première clinique à Barcelone, très connue, un voyage qui laisse plein de jolis souvenirs. Nous avions menti à notre employeur pour pouvoir nous absenter car nous n’avions que 15 jours de vacances et ces satanés follicules n’ont été matures qu’au 17è ! Nous travaillions toutes les deux au même endroit, et seuls nos collègue-amis connaissaient notre situation de couple … je peux vous dire que cela a fait parler ! C’est pour tout ça entre autre que l’accès à la PMA en France serait plus simple pour nous les couples homos. Cet essai n’étant pas le bon il a fallu repartir et quitter cette clinique de Barcelone où quand vous arrivez on vous demande votre carte avec votre numéro de client dessus… Après quelques doutes et l’effet des traitements sur son corps, ma chérie a eu besoin de se reposer. Quelques mois après on repartait vers une clinique de San Sebastian, réputée, mais ayant des dosages d’hormones très importants. Nous avons eu la chance d’être suivies en France par le service d’un hôpital public qui a fait tous nos suivis d’avant insémination (calcul des follicules par échographie) sans noter quoi que ce soit sur notre dossier pour éviter les problèmes en cas de contrôle. C’est un peu ça la France, non ? On sait que tout cela se passe, mais au lieu d’autoriser on fait comme si on ne voyait rien. Sauf que pour nous, c’est des dizaines d’appels à expliquer notre situation pour savoir si le gynéco veut bien nous suivre et nous faire les ordonnances. C’est des dizaines de refus jusqu’à ce médecin qui lui s’en fout de ces contrôles. Et là, c’est le soulagement pour la première partie. Puis après il faut se rendre à la pharmacie pour aller chercher le traitement, et cette femme qui vous regarde de manière suspecte, alors vous décidez de ne plus accompagner votre femme de peur d’être dénoncées. Surtout quand vous travaillez dans le domaine de la sécurité sociale… Puis ces prises de sang, ces échos à réaliser avant certaines heures, ces comptes-rendus à faire à la clinique avant 13 heures… Nos enfants sont désirés, qu’on se le dise ! L’ouverture de la PMA à toutes les femmes en France, c’est pour toutes ces raisons aussi qu’on la souhaite.

« Nous serons toujours redevables envers l’Espagne pour cette vie qu’elle nous a offerte »
La vie a été plutôt sympa avec nous et pour ce deuxième essai réalisé juste après le dernier mojito sur cette place espagnole. Un deuxième essai réalisé dans cette salle remplie de photos d’enfants, au cœur de cette jolie petite clinique. Nous serons toujours redevables envers l’Espagne pour cette vie qu’elle nous a offerte. Là-bas les gens sont tellement différents, tellement ouverts. J’ai été présente à chaque écho, et seule une gynéco m’a tout simplement ignorée pendant la dernière écho. C’était la première fois que nous vivions le rejet de notre projet de cette manière-là. Vous apprenez alors à serrer les dents et à pleurer qu’une fois la porte fermée. En tant que « parent social », au début il n’est pas toujours simple de trouver sa place, les gens sans le vouloir vous vexent. Il y a une période, je me souviens où tout le monde parlait de ma femme en tant que future maman et moi je passais à l’as. On pleure encore un peu, puis on échange avec sa moitié (chez nous, c’est la clef de tout le dialogue). On reprend confiance en soi et on s’impose là où les gens ont du mal à nous positionner. J’étais très présente pendant les cours d’accouchement, cela m’a aidée à prendre mon rôle réel de future maman et j’ai été acceptée et intégrée lors de l’accouchement. Les gens ont été tellement heureux pour nous à la naissance de Charlie. La confiance en vous prend du grade d’un coup. Malheureusement, ma chérie n’a plus ses parents, mais ils auraient été les plus fiers de voir qui est leur petit fils. De mon côté, Charlie a une mamie mais une relation plutôt distante, non pas du fait de mon homosexualité mais pour d’autres raisons qu’on retrouve dans toutes les familles ! On a fait des annonces textos très originales, des apéros surprises, notre annonce Facebook. Et au boulot, j’ai eu la surprise d’avoir droit à la prime de naissance pour mon enfant, du congé « accueil de jeune enfant » équivalent au congé paternité et mes collègues m’ont offert les fameux chocolats qui vont avec Charlie.

« Quand vous recevez le jugement qui a statué sur l’adoption vous vivez une deuxième naissance »
Après la naissance, arrive cette impression d‘avoir une épée de Damoclès au-dessus de notre bonheur. Car tant que l’adoption n’est pas faite, l’enfant peut perdre sa maman sociale du jour au lendemain. Une rupture qui se passe mal ou un décès soudain, c’est toute une vie qui peut s’effondrer. Il est vraiment compliqué de vivre avec ces pensées quand vous vivez un moment qui ne devrait être que du bonheur. Pour nous, qui avons eu un déménagement et des choses à gérer, l’adoption n’a eu lieu qu’en novembre 2016. Deux ans et demi à vivre avec la peur que votre fils vous soit arraché. Tout s’est passé sans qu’on ait besoin de vivre un contrôle au foyer ou une présence au tribunal. On redoutait ce moment, car malgré la loi du mariage pour tous, deux ou trois tribunaux sont redoutés et quelques couples ont fait face à des refus et ont dû continuer à se battre. Nous avons fourni un dossier avec les pièces justificatives, l’acte de non rétractation à faire chez un notaire et surtout des photos de notre vie privée (c’est compliqué de partager votre vie pour un jugement), des témoignages de nos proches et un courrier fait par chacune de nous pour prouver notre lien. Puis l’attente… encore une fois ici nous ne sommes pas dans les plus longs, 6 mois de patience, mais pour certains cela dure un an voire plus. Quand vous recevez le jugement qui a statué sur l’adoption vous vivez une deuxième naissance, ça ne change rien mais ça change tout. Concernant les frais, nous n’avons pas eu besoin d’avocat, juste les frais de notaire qui nous ont coûté 200 euros environ. Aujourd’hui je peux dire de manière officielle que je suis la maman de Charlie, et pour l’administration il a deux mamans, pour nous c’est vraiment important ! Aujourd’hui Charlie est fier de donner son nom composé de nos 2 noms. Nous portons enfin tous les mêmes noms.

« Charlie sait expliquer de lui-même qu’on est allées chercher la petite graine en Espagne »
Charlie nous appelle maman pour ma chérie et maman pour moi quand je suis sans ma femme ou Mam Di quand on est tous les trois. Il nous a donné à chacune la place que lui souhaitait. Avec ma chérie ça reste très fusionnel. Elle l’a porté et elle est celle qui aura toujours cette inquiétude pour chaque respiration qu’il aura ailleurs que sous notre toit. Elle est la « mama » de la maison comme on aime dire entre nous. Moi je suis celle qui apprend à danser sur n’importe quoi ou qui rapporte un casque de chantier pour le mini bricoleur. On adore souvent se dire qu’avec deux mères nous avons fait le plus macho des mecs. Concernant sa conception, Charlie est au courant et sait expliquer de lui-même qu’on est allées chercher la petite graine en Espagne. Dans son album il a des photos de la clinique, c’est un moment important pour nous. Il viendra avec nous, sur les traces de son histoire, quand nous mettrons en route le petit deuxième. Par contre, attention, il ne veut qu’une petite sœur et c’est moi qui doit porter la graine. On ne badine pas avec les envies de Monsieur Charlie ! Je crois que le rôle de petit mec unique au milieu de ses mamans et une petite sœur serait un idéal pour lui. On se donne rendez-vous dans un an pour ces nouvelles aventures si tout va bien ! Car être une famille homoparentale c’est avoir un désir d’enfant mais devoir penser à l’argent pour cette réussite, si ça n’était pas le cas, le petit deuxième serait déjà là depuis longtemps ! Pour Charlie, nos dépenses pour les deux essais, avec les voyages et les hébergements, se sont montées à 4000 euros environ.

« En tant que mamans, nous avons toujours cette crainte qu’il souffre de moqueries »
La rentrée des classes est une grande période de stress pour lui comme pour nous, mais pas pour les mêmes raisons. Sa maîtresse et directrice de l’école est informée puisqu’on a eu un rendez-vous d’inscription. Elle n’a pas l’air de tiquer sur notre relation, elle a dit qu’elle laisserait les enfants parler, car les sujets viennent souvent d’eux et alors si besoin elle expliquerait la situation. C’est donc plutôt une réaction positive. Mais en tant que mamans, nous avons toujours cette crainte qu’il souffre de moqueries. Charlie est un enfant qui ne tape pas, qui ne va pas attaquer, ni se défendre … Alors quand en plus le caractère de votre bonhomme n’est pas celui d’un dur à cuire, vous avez une petite appréhension. Mais on va essayer de surveiller et surtout d’être à l’écoute. Il a la chance d’être par contre un bonhomme enjoué, farceur, charmeur et cela va peut-être l’aider.

« A partir du moment où on avait un enfant il était hors de question qu’on mente sur notre vie »
Mais sincèrement pour l’instant nous vivons plus de belles réactions que l’inverse. Les gens apprécient notre famille, où nous faisons construire, nous avons déjà des retours très positifs et dans nos emplois nous avons aussi de belles réactions. Les gens sont surpris et apprécient qu’on ne se cache pas. Je crois qu’en fait la clef est là. Arrêtons autant que possible de se cacher. Pour moi, à partir du moment où on avait un enfant il était hors de question qu’on mente sur notre vie. Parfois on évite le sujet si c’est une personne qu’on ne reverra pas ou qu’on ne sent pas. Sinon, on ne se cache pas spécialement. Les gens ont besoin de voir que nous sommes des familles simples, juste comme toutes les famille hétéro. On a nos qualités, nos défauts, mais on est juste des familles en fait. Nous ne vivons pas dans des ghettos (crainte de ma mère quand elle a su que j’étais homo à la fac), d’ailleurs nous avons peu de couples homos en amis. Pas par choix mais parce que les amis ne se choisissent pas en fonction leurs orientations sexuelles tout simplement. Au final, nous sommes simplement une petite famille de 3 matelots qui vit un bonheur réel près de l’océan, entourée de l’amour qu’on s’offre tous les 3. Parfois on se fâche, parfois on boude, parfois on pleure mais le plus souvent on danse, on chante, on court, on crie, on s’enlace, on rigole à se tordre le ventre et surtout on s’aime à foison. Le rituel de Charlie si ses mamans se fâchent, leur demander de se faire un bisou : c’est si simple l’amour dans la tête d’un enfant. Si on avait un conseil à donner aux lectrices : assumez-vous, croquez la vie, osez avoir cet enfant rêvé et surtout soyez heureuses ! Trop de personnes cachent encore leur homosexualité par crainte des réactions de leurs proches, par peur du regard des autres, par peur que leurs enfants les jugent. Même si cette dernière, faut pas se mentir, on l’a toujours en nous quelque part et on croise les doigts pour que notre enfant ne nous fasse jamais ce reproche…  Et surtout n’hésitez pas à venir rencontrer d’autres familles qui ont le projet d’enfant ou qui ont déjà des enfants aux rencontres régionales de l’association Les enfants d’Arc en Ciel, c’est super pour vous et les enfants adorent se retrouver.

Retrouvez tous les témoignages en intégralité dans le numéro de septembre de Jeanne Magazine : N’oubliez pas qu’en soutenant Jeanne, vous permettez à votre magazine 100% lesbien de continuer à vous proposer 90 pages de contenu exclusif chaque mois !