Il y a deux ans, lorsque la loi du mariage pour tous a été votée, Jeanine a pleuré des larmes de joie. Après cinquante années de lutte pour nos droits, on mesure avec cette dame de 80 ans, qui a participé à la première manifestation du Mouvement de libération des femmes (MLF) et à la première Gay Pride organisée à Paris, le chemin parcouru pour en arriver là où nous en sommes. Pour Jeanne Magazine, Jeanine revient sur son parcours… Extraits de son témoignage publié dans le numéro de mai de Jeanne Magazine.

Fin des années 50, Jeanine a 25 ans et elle est infirmière en Angleterre
C’est à 25 ans que j’ai décidé de faire le choix de ma sexualité, mais pas ouvertement, pas tout de suite. J’ai commencé par rejoindre les premières manifs pour le droit des Femmes, où je me suis liée à un groupe de lesbiennes. Le soir, nous nous rendions dans des boites clandestines en rasant les murs. Nous avons essuyé quelques insultes des féministes, car aussi curieux que cela soit, nous devions faire face au jugement d’autres femmes, qui n’étaient pas tendres avec nous, mais, bon, nous faisions face et un jour nous fûmes  admises. Puis, petit à petit, en faisant du théâtre, j’ai commencé à assumer, à vivre avec une femme, à avoir des aventures. Je n’en ai jamais fait une vitrine, mais si la question se posait, je ne le cachais pas, mais cela arrivait rarement car les Anglais à cette époque étaient des gens très réservés, ils n’en pensaient peut-être pas moins mais ne disaient rien. A 25 ans, quand on découvre que l’on est normale contrairement à ce que l’on a toujours pensé, c’est vraiment une super façon de s’ouvrir à la vie. J’aime la vie, donc  j’ai foncé !

Début des années 60, Jeanine rentre en France
En France comme en Angleterre, ils ont longtemps cru que tout cela n’était qu’un petit remue ménage de suffragettes qui n’avaient  pas rencontré le bon loup ! On s’habillait en garçon manqué, ou en costume trois pièces, mais les lesbiennes n’étaient pas visibles. On ne parlait que des homosexuels et de la loi qui les condamnait. En 1963, quand je suis rentrée dans la compagnie d’aviation américaine TWA, cela s’est vite su, car les Américains avaient eux aussi une grande avance sur les Français ! Je n’ai jamais eu de problèmes, tout le monde savait que je vivais avec ma compagne, et tout le monde la connaissait. En revanche, en dehors du travail, nous nous faisions passer pour des colocataires. Il y avait bien quelquefois des sous entendus des voisins ou des propriétaires mais nous les ignorions, et nous vivions discrètement [Rires]. A cette époque, les féministes commençaient à peine à préparer ce qui aller éclater au début des années 70, les manifs pour le droit des Femmes, et avec ma compagne nous avons commencé à rejoindre ces groupes.

Début des années 70, Jeanine participe à la première manifestation du MLF et à la première Gay Pride organisée à Paris
En 1970, j’ai rejoins le MLF, et participé à la première manifestation, et là, j’ai rencontré le même problème qu’en Angleterre : les féministes avaient du mal à nous accepter ! Heureusement, nous savions alors, et ça c’est très Français, nous faire entendre et nous faire accepter. Oui nous étions les « camionneuses », « les mecs », les « mal baisées », mais nous étions ensemble et fortes car nous devions obtenir le droit d’exister en tant que femmes et lesbiennes ! On encaisse mieux quand on est ensemble ! Celles qui avaient le plus de problèmes c’était celles qui étaient mariées. Elles avaient peur, car les parents commençaient à savoir, et il y avait les enfants. Puis j’ai participé à la première Gay Pride. Il y avait encore peu de filles, et on s’est fait toutes cracher dessus, nous avons été insultées, on nous a lancé des seaux d’eau, et des seaux d’autre chose… mais nous étions ensemble, et ça, ça donne une pêche incroyable ! On se sentait invulnérables, et sûres de nous !

13 avril 2013, Jeanine assiste au vote de la loi du mariage pour Tous
Quand les résultats du vote sont tombés, j’ai pleuré, je suis sûre que nous étions des milliers à le faire, des larmes de joie et de victoire après plus de 50 ans de lutte ! Ensuite, j’ai regretté d’être seule, j’aurais aimé aller dès le lendemain déposer des bans ! [Rires] Moi, la dame lesbienne de presque 80 ans, qui ai lutté contre les mariages qu’on nous imposait dans les années 50-60-70, j’aurais aimé me marier parce que cela aurait été enfin mon choix !

Retrouvez le témoignage de Jeanine en intégralité dans le numéro de mai de Jeanne Magazine : n’oubliez pas qu’en soutenant Jeanne, vous permettez à votre magazine 100% lesbien de continuer à vous proposer 90 pages de contenu exclusif chaque mois !