Célébrée depuis 2008, la Journée internationale de la visibilité lesbienne a pour objectif d’honorer l’histoire, la culture et la diversité des lesbiennes et aussi de faire valoir nos droits. Cette année, le collectif des Dramagouines lance son festival culturel, festif et gratuit qui lutte contre l’invisibilisation systémique des lesbiennes. Marine et Amely nous en disent plus sur cette première édition qui se tiendra les 29 et 30 avril à la Cité Fertile, à Pantin (93).

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots et nous présenter le collectif Les Dramagouines ? Nous, c’est Marine et Amely, 33 et 32 ans, originaires de Toulouse pour la première et de Tahiti pour la deuxième. On a eu l’idée folle d’un festival grand public destiné à visibiliser et valoriser les lesbiennes ! Et autour de cette idée, un collectif mixte s’est formé, tous.tes partagent la volonté de lutter contre l’invisibilisation systémique des lesbiennes.

En quoi la visibilité lesbienne (ou l’absence de visibilité) vous a aidées dans la construction de votre identité ?
Amely : J’ai grandi à Tahiti, avec un accès médiatique limité à l’époque d’avant internet. Pour voir la première représentation lesbienne à la télé, j’ai dû attendre l’âge de 16 ans. Malgré ce manque de modèles, j’ai quand même toujours su que les garçons n’étaient pas ma tasse de thé. Mais comme je voulais éviter le conflit, je me suis efforcée d’être “discrète”. Dès qu’internet est arrivé, j’ai recherché tous les films saphiques disponibles, c’était un besoin ! Malheureusement, c’était quasiment toujours des stéréotypes, des amours impossibles et des retours “inévitables” à l’hétérosexualité. Là est l’enjeu de la représentation positive lesbienne dans les médias : rendre légitime ce qui devrait l’être. Normaliser ce qui est normal.
Marine : Je me suis construite comme une petite fille et une ado hétéro, et lorsque j’ai vécu mes premières relations lesbiennes à l’âge adulte, je me suis naturellement mise à la recherche de parcours similaires. Ils étaient rares, et pour la plupart biaisés par le regard hétérosexuel et souvent masculin, ce qui m’a donné un sentiment “d’imposture” dans mon identité queer. Si je n’existais pas dans la Culture, est-ce que j’existais tout court ? Les seules représentations réalistes à disposition, dans les médias, ou même dans l’espace public, ne rayonnent pas assez dans la société. Elles sont encore très niches, et ce serait bien que ça change ! Que les relations et les identités lesbiennes prennent enfin leur place dans la société.

Du 29 au 30 avril, vous organisez le Festival Les Dramagouines, comment est née cette idée de créer cet événement à la fois festif et militant qui célèbre les identités lesbiennes ? C’est venu de l’envie de faire bouger les lignes, mais aussi de créer un événement qui nous ressemble. Positif, inclusif, pluridisciplinaire, et fun ! Nous tenions à ce qu’il soit aussi ouvert à un public allié et bienveillant, par cohérence avec notre volonté de rayonner dans la société. Cette initiative ne prétend pas être “la solution” à tous les problèmes, il y a de quoi être en colère et nous devons lutter contre les violences et pour nos droits. Mais ce projet, c’est notre petite pierre à nous.

Quels sont les défis que vous avez rencontrés en organisant un festival spécifiquement lesbien ? Évidemment, le financement ! Notre communauté étant peu visible, précarisée, les entreprises en majorité hétéronormatives… Le combat a été long et rude ! Mais heureusement, nous avons pu compter sur des partenaires qui ont compris ces enjeux et qui nous ont apporté leur soutien. D’un autre côté, le projet a énormément fédéré les talents, les personnalités, les associations ! Il y a eu des moments très touchants de pure sororité, et du soutien d’alliés qu’on n’attendait pas ! (On pense à Actup, Wet for Her, la ville de Pantin, le département du 93… et d’autres) Sans compter le travail dingue de tout le collectif, tout ça bénévolement ! Merci à elles et à eux.

Tables rondes, concerts, speed dating, stand up, expos votre programmation est très riche. Comment l’avez-vous conçue et en quoi diriez-vous qu’elle reflète les différentes facettes de la communauté lesbienne ? Même s’il est impossible de réunir tout le monde, notre souhait était de dessiner un tableau pluriel de notre communauté, avec une vision intersectionnelle. On se devait de faire notre possible pour que chacun·e se sente représenté·e ! L’année prochaine, on vise à encore plus d’inclusivité, et on mettra en avant les disciplines qu’on n’a pas pu mettre à l’honneur cette année.
Notre communauté lesbienne est plurielle, fluide, complexe. Nous voulons faire sentir à toutes les personnes qui se sentent liées à cette identité qu’elles sont valables, et que leur parcours est valide, quels que soient leur âge, leur origine, leur identité de genre, qu’elles soient en situation de handicap ou non, mères ou non, en couple, en trouple, polyamoureuses ou célibataires !

Quelles seraient pour vous les évolutions nécessaires pour une meilleure représentation lesbienne dans les médias, la culture et la société ? La fin du patriarcat. Mais en attendant, qu’on puisse voir au cinéma des films réalisés par des lesbiennes, lire des livres écrits par des lesbiennes, que les lieux lesbiens fleurissent… bref, qu’il existe plus d’initiatives grand public qui ne soient pas obligées de se conformer au regard dominant, donc hétéronormatif ! Nous pensons que la société entière gagnerait à apprendre des parcours des minorités, y compris les parcours lesbiens, et de notre rapport au monde. C’est ce chemin-là qu’on a décidé d’emprunter.

Réservations sur my.weezevent.com/les-dramagouines-fest

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