Rencontre avec le collectif Collages Lesbiens, créé fin décembre dernier, qui organise, le 25 avril à Paris, une marche lesbienne, inspirée des Dyke Marches, lancées par les Lesbian Avengers. Le cortège, qui revendiquera entre autres, l’ouverture d’une PMA gratuite et sans conditions, s’élancera à 14h de la place du Châtelet, avant de rejoindre la place de la République, où seront organisées des prises de paroles. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro 85 de Jeanne Magazine.

Vous avez créé le collectif Collages Lesbiens pour « reprendre la rue ». Pouvez-vous nous expliquer comment ce groupe a pris vie et quels en sont les objectifs, les principes et les actions ? La coordination des collages lesbiens a été créée fin décembre 2020 par un groupe de lesbiennes. Comme son nom l’indique, l’objectif initial était de coordonner des groupes de militant.es lesbiennes qui effectuaient des collages sur les murs de plusieurs villes en France : Strasbourg, Lyon, Rennes, Paris… Via un seul compte pour chaque réseau social, la coordination permettait de donner de la visibilité aux actions de collages. Les collages sont notre moyen d’expression et d’activisme privilégié. Les slogans sont réfléchis collectivement et reflètent nos positions politiques. Par ce moyen, on fait entendre la voix des lesbiennes, souvent invisibilisées, on se réapproprie l’espace public, qui peut être brutal pour nous en raison de plusieurs oppressions systémiques : sexisme, validisme, lesbophobie, transphobie, racisme… ; on se positionne aussi parfois en soutien d’autres mouvements sociaux ou événements. (…)

Le 26 avril marque la Journée internationale de la visibilité lesbienne et votre groupe a justement l’ambition « d’occuper l’espace et de rendre visible la parole lesbienne ». Comment qualifieriez-vous cette visibilité et son évolution ? En quoi diriez-vous qu’elle est encore indispensable aujourd’hui ? L’invisibilisation des lesbiennes est constitutive de la lesbophobie. Nos existences sont effacées de l’histoire, qui retient de fallacieuses « amitiés très fortes ». Les lesbiennes sont aussi effacées du paysage politique : à ce jour, la France n’a connu que deux députées ouvertement lesbiennes de toute l’histoire de la République. Pendant très longtemps, les artistes et sportives lesbiennes en France se comptaient sur les doigts d’une main : Amélie Mauresmo, Muriel Robin, Catherine Lara. Les lesbiennes racisées, trans, handicapées sont doublement, triplement ou quadruplement invisibilisées. Récemment, la scène publique semble un peu plus accueillante pour les lesbiennes. Mais un peu seulement. Certes, Hoshi est nommée aux victoires de la musique, mais elle a été harcelée en ligne à deux reprises depuis. Certes, Fatima Daas publie son premier roman et est invitée à en faire la promotion, mais la complexité et la nuance de sa parole et de ses écrits sont effacées derrière une polémique islamophobe. Sans être historiennes, nous pouvons dire que cette visibilité est plus qu’insuffisante, et que notre militantisme et nos luttes sont encore et toujours urgentes.

Le groupe organise également une marche lesbienne le 25 avril à l’image des Dyke Marches qui ont lieu ailleurs dans le monde. Quels sont les messages que vous souhaitez véhiculer et les revendications que vous souhaitez formuler ? Organiser cette Marche lesbienne rejoint notre principal moyen de lutte : prendre la rue et la redonner aux lesbiennes. Dans un contexte de débats autour du projet de loi bioéthique et une lesbophobie et transphobie institutionnalisées, il était primordial pour nous d’apporter nos revendications dans la rue la veille de la journée de visibilité lesbienne, pour défendre nos droits, nos vies et nos familles. Le texte de loi bioéthique est débattu à l’Assemblée et au Sénat depuis plus d’un an et demi, loi votée au rabais sous la pression de lobbies réactionnaires tels que La Manif Pour Tous. La parole des lesbiennes est totalement absente dans ce débat sur l’ouverture de la PMA. Nous, lesbiennes, féministes, refusons de voir nos droits bafoués et nos voix réduites au silence. Nous exigeons, entre autres, la PMA anonyme par défaut, gratuite et remboursée pour tous-tes, sans conditions. Pouvoir donner ses ovocytes à sa compagne grâce à la méthode ROPA* (*partage du parcours de la Fécondation In Vitro entre les deux mères, comme en Belgique). Pouvoir conserver ses gamètes lors d’une transition de genre dans TOUS les centres de conservation (CECOS) et pouvoir les utiliser dans le cadre d’une PMA pour TOUS les couples. La possibilité de choisir et de pouvoir avoir accès à l’appariement si nous le désirons. Nous dénonçons donc un racisme médical qui empêche les lesbiennes racisées de construire des familles qui leur ressemblent, en raison d’un manque de gamètes en provenance de donneur-euse-s non blanches, réalité connue que les pouvoirs publics continuent d’ignorer. Nous exigeons donc la mise en place de campagnes de recrutement actives de la part des CECOS, de dons qui prennent en compte l’origine des donneurs, sur tout le territoire : ces campagnes devront prendre en compte toutes les communautés, dans un cadre public, afin que nos projets d’enfants soient accessibles à toutes et ne soient pas un marché. Nos luttes ne se limitent pas à la parentalité, c’est pourquoi nous défendons les intérêts matériels et moraux de toutes les lesbiennes.

(…)

Retrouvez Collages Lesbiens sur Twitter / Instagram

Retrouvez l’intégralité de la rencontre avec Collages Lesbiens dans le numéro 85 de Jeanne Magazine.

Parce que c’est un combat de tous les jours de faire exister durablement un magazine 100 % lesbien et que seul votre soutien financier est décisif pour la pérennité de votre magazine 100 % indépendant, nous vous invitons dès aujourd’hui à vous abonner, à acheter le magazine à l’unité, à commander votre exemplaire papier du premier hors-série ou encore à vous faire plaisir dans la boutique de Jeanne !