Quelle belle idée ! Pauline Paris vient d’adapter en musique les poèmes de Renée Vivien. L’occasion de redécouvrir la poésie lesbienne de celle qui fut surnommée « Sapho 1900 » ou encore « la Muse aux Violettes », et qui a exposé au monde son amour des femmes. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro 84 de Jeanne Magazine.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Je m’appelle Pauline Paris. Je suis autrice-compositrice et interprète de chansons. J’ai commencé la musique à quinze ans en composant à la guitare et en allant chanter mes textes dans les bistrots parisiens. C’est principalement dans ces lieux que j’ai construit et construis aujourd’hui encore, ma culture musicale, et que j’y fais mes rencontres artistiques. J’ai sorti quatre albums (Sans sucre s’il vous plaît, Le grand jeu, Carrousel, Treize poèmes) et je tourne mon set en France et en Allemagne. Parallèlement, je suis comédienne dans des spectacles musicaux jeune public (Marlaguette et Michka). Avec Simon Bensa, nous en avons écrit les chansons parues sur deux albums. Côté essai journalistique, avec ma co-autrice Léa Lootgieter et notre illustratrice Julie Feydel, nous avons sorti le livre Les dessous lesbiens de la chanson en décembre 2019.

Pouvez-vous revenir sur la genèse de votre livre-disque et sur ce qui vous a inspirée pour adapter les poèmes de Renée Vivien ? En 2017, j’étais invitée par Hélène Hazera pour participer à son émission Chanson Boum. Après l’enregistrement, nous avons pris un verre et elle m’a parlé de Renée Vivien, la grande poétesse saphique du début du XXè siècle. Je ne connaissais pas. Elle m’a dit qu’il fallait absolument mettre ses poèmes en chanson. Cela m’a intriguée. Après l’avoir quittée, j’ai googlé “Renée Vivien, poèmes” et j’ai commencé à lire tous ses vers qui s’affichaient. J’étais étonnée de voir à quel point ils étaient mélodiques. De plus, j’ai été frappée de découvrir qu’à cette époque, une poétesse avait osé parler de son amour pour les femmes avec autant de clarté. J’ai moi-même mis beaucoup de temps à écrire des chansons ouvertement lesbiennes. Renée Vivien disait ouvertement ce que j’avais toujours dit secrètement. Enfin, j’ai senti une rage face à cette injustice : pourquoi l’avait-on oubliée ? Pourquoi n’en avoir jamais entendu parler à l’école entre Verlaine et Baudelaire ? Pourquoi ne la retrouvait-on pas dans les encyclopédies de poésie ? Parce qu’elle n’avait pas eu d’enfants pour assurer sa mémoire ? Parce qu’elle était morte trop jeune ? Parce qu’elle était ouvertement lesbienne ? Son destin résonnait en moi et cela m’a donné envie de reprendre le flambeau pour mettre en lumière son œuvre, cent dix ans plus tard. (…)

Surnommée «Sapho 1900» ou encore «la Muse aux Violettes», la poétesse qui fut entre autres amante de Natalie Barney a exposé au monde son admiration pour la poésie de Sapho, et son propre amour des femmes le long de 12 recueils de poèmes et 7 ouvrages en proses. Comment avez-vous choisi les 13 poèmes qui composent votre album ? Ce qui est enrichissant quand on reprend toute une vie d’œuvres déjà existantes, c’est que tout est là, il suffit de piocher. J’ai choisi les poèmes selon les thèmes qui me touchaient le plus et il me tenait à cœur qu’ils soient variés afin de ne pas tomber dans une certaine redondance et de pouvoir ainsi aborder des styles musicaux différents. Par exemple, en découvrant Fraîcheur éteinte, j’y ai tout de suite perçu un orgasme entre deux femmes. D’où l’idée d’une bossa nova avec une montée musicale allant “jusqu’aux Dieux” dans le refrain. Violettes d’Automne, j’y vois la rupture amoureuse et douloureuse dont il ne reste que des souvenirs flétris. Parle-moi, c’est ce moment intime et doux de confidences sur l’oreiller. Face à Sans Fleurs à votre Front…, j’ai eu l’impression que Renée Vivien, touchée par une vision, s’adressait directement à moi, à nous, à celles et ceux qui l’ont oubliée aujourd’hui. Et une strophe m’a fait penser à la lutte LGBTQ+ : “O mes chants! nous n’aurons ni honte ni tristesse / De voir nous mépriser ceux que nous méprisons… / Et ce n’est plus à la foule que je m’adresse… / Je n’ai jamais compris les lois ni les raisons…” Pour moi, c’est un texte très militant. Chanson pour mon ombre, j’y entends le désarroi et la solitude face à soi-même. J’ai choisi The Fjord Undine car Renée Vivien était d’origine anglaise et c’était donc un aspect de sa personnalité que je voulais faire ressortir. Ayant moi-même un accent français assez prononcé, j’ai demandé à ma belle-sœur anglaise, Kate Bousfield-Paris, de dire le texte. Pour L’éternelle Tentatrice, tout est dit dans le titre ! Dans Lassitude, j’y vois la résignation et le désir de mourir… (…)

Vous êtes également la coautrice des Dessous lesbiens de la chanson, un livre qui met en lumière 40 titres qui abordent l’homosexualité féminine. Que pensez-vous de l’évolution et de l’émergence des artistes ouvertement LBQ au sein de la scène musicale actuelle ? Je pense que c’est une très bonne nouvelle ! Et il faut que cela continue ! J’étais ravie de voir aux Victoires de la Musique 2020, Hoshi et la puissante interprétation de sa chanson Amour Censure, Aloïse Sauvage, Suzane, Pomme, Angèle… toutes ces femmes reconnues qui prennent leurs goûts en main et n’hésitent pas à vivre leurs vies personnelles et artistiques comme elles l’entendent. Il y a davantage de fluidité et de liberté face à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre dans les jeunes générations. Il faut continuer de les préserver en les chantant dans nos textes et en les montrant dans nos clips et nos prestations scéniques. (…)

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Treize poèmes par Pauline Paris (Quart de Lune / ErosOnyx)

Retrouvez l’intégralité de la rencontre avec Pauline Paris dans le numéro 84 de Jeanne Magazine.

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