Oksana et Virginie nous présentent le réseau Ma psy est lesbienne, créé en 2017, qui regroupe des professionnelles de la santé mentale, désireuses de proposer un espace thérapeutique sécurisant aux personnes LGBTQIA+. Aujourd’hui, composée de 12 thérapeutes réparties sur toute la France, l’association est confrontée à des demandes croissantes de suivi thérapeutique et recherche des praticiennes, lesbiennes, féministes qui pourraient intégrer l’association et offrir une réponse thérapeutique à de futures patientes. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro 90 de Jeanne Magazine.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots et nous parler de la création de l’association « ma psy est lesbienne » et de ses objectifs ? En 2017, deux thérapeutes lesbiennes font un double constat : une femme lesbienne qui ressent le besoin de faire une thérapie risque de subir, a minima une incompréhension, voire de la maltraitance de la part des praticiens. Ne pas pouvoir dire qui elle est, entraîne une errance thérapeutique et un renoncement au soin. De là est née la volonté de proposer un espace de sécurité où chacune peut être qui elle est. Une troisième psy lesbienne les a rejointes dès le début du réseau et aujourd’hui nous sommes 12. Et nous continuons à grandir ! Notre démarche est politique, militante, féministe et nous nous inscrivons dans la promotion de la santé communautaire. (…)

En quoi diriez-vous que ces dernières années ont été psychologiquement éprouvantes pour les femmes lesbiennes après des débats parfois lesbophobes concernant l’ouverture de la PMA ou ceux liés au mariage pour tous ? Pendant des décennies, les lesbiennes ont été invisibilisées et leurs difficultés n’apparaissent que marginalement au grand jour. Les luttes des années 2000-2021 ont vu les lesbiennes se mobiliser, s’exposer, revendiquer des droits et investir l’espace public. Les déferlements lesbophobes à propos de la PMA et du mariage pour tous ont entraîné des souffrances plus visibles et qui osent se dire. Mais la lesbophobie n’est pas nouvelle ! Ces dernières années et les combats menés ont permis aux lesbiennes d’oser « se dire », se montrer, se vivre. Mais cela les a aussi exposées davantage aux regards et attitudes lesbophobes de la société, au travail, dans leurs familles, dans la sphère publique. Oser se montrer peut être profondément déstabilisant et éprouvant. Subir des violences à cause de cela est d’autant plus douloureux. (…)

La relation de « sécurité » que l’on instaure avec son thérapeute implique le non-jugement et tous devraient pouvoir recevoir des personnes LGBT sans stigmatisation. Avez-vous, cependant, eu l’occasion de rencontrer des patientes qui ont eu une première expérience négative après avoir consulté un thérapeute ? Une part très importante des femmes qui nous contactent a connu une ou plusieurs mauvaises relations thérapeutiques ! Pour certaines femmes, il était difficile de poser leur situation affective et sexuelle de manière claire lors de la thérapie avec pour conséquence une perte de temps (et d’argent !), une confusion quant à leur processus thérapeutique et au final un abandon souvent vécu comme un échec. Nous avons aussi des témoignages de situations thérapeutiques beaucoup plus maltraitantes : cela s’étend de la négation du vécu lesbien (la négation étant la première violence) en passant par le célèbre : « ça vous passera quand vous rencontrerez le bon partenaire » (sous-entendu masculin). Nous avons des témoignages d’une extrême violence, relatant des propos homophobes et des tentatives de thérapies de conversion. Nous constatons que certains de nos collègues psy restent bloqués sur l’hétéronormativité, souvent de manière tout à fait inconsciente. En effet, ils questionnent trop peu le sexisme, le patriarcat, le genre… Ils travaillent avec le prisme de ce qu’Adrienne Rich nomme « l’hétérosexualité obligatoire ». Certains ne sont pas mal intentionnés, mais ils n’ont pas déconstruit leur propre homophobie, sexisme et perpétuent ainsi dans leur cabinet des préjugés. Notre association souhaite contribuer à sensibiliser les professionnels de la santé mentale aux questions LGBTQIA++. (…)

Quelles sont, selon vous, les principales différences / avantages à consulter un thérapeute qui visibilise son orientation sexuelle ? Une parole libre et écoutée ! Ne pas avoir à dissimuler ou à mentir à propos de la sphère la plus intime. Cela favorise l’alliance thérapeutique, car d’emblée nous accueillons la patiente avec cette ouverture. Je vais faire le parallèle avec la gynécologie : combien de femmes lesbiennes ont dû cacher ou détourner la question de la contraception…. Quel ennui ! Il n’y a pas de biais et en tant que thérapeutes, nous donnons aussi la possibilité aux femmes de se poser dans un espace thérapeutique qui leur ressemble. D’un point de vue politique, c’est aussi important pour nous de nous positionner et nous visibiliser justement. Nous sommes psy et lesbiennes, oui ça existe et cela fait du bien à nos patientes de le voir ! Aujourd’hui, vous êtes à la recherche de thérapeutes LBQ pour vous aider à couvrir le nombre croissant de demandes d’accompagnement thérapeutique de femmes lesbiennes. Y a-t-il des conditions particulières à remplir ? Est-ce que cette demande concerne la France entière ou certaines régions ? Nous connaissons depuis un an une augmentation considérable des demandes de thérapie (130 depuis septembre 2020) même si toutes les demandes ne débouchent pas sur un suivi : nous avons besoin de renforcer notre réseau ! Notre association réunit des femmes thérapeutes lesbiennes dans toute la France ! Les demandes sont majoritairement en région parisienne, mais les consultations en visio se sont beaucoup développées et nous les encourageons. Nous pouvons accueillir des candidatures de partout ! Pour nous rejoindre, il faut adresser un mail à mapsyestlesbienne@gmail.com, nous envoyons un questionnaire qui permet de préciser le parcours, les motivations … et ensuite nous nous rencontrons en visio ou autour d’un café !

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Retrouvez la rencontre avec Oksana et Virginie en intégralité dans le numéro 90 de Jeanne Magazine.

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