A Lagos au Nigeria, Pamela Adie est une précurseure. En 2012, elle a fait son coming out dans un pays qui criminalise les relations entre personnes de même sexe, et y co-fonde l’association Equality Hub, un espace de soutien pour les femmes lesbiennes, bies et queer. La jeune femme, qui pense fermement que raconter des histoires et des expériences de vie est un outil puissant pour promouvoir l’inclusion et l’acceptation sociale dans son pays, nous présente aujourd’hui Under the Rainbow, son documentaire qui revient sur le parcours d’une lesbienne au Nigeria. Une immersion poignante dans le quotidien que traverse une jeune femme lesbienne évoluant au sein d’une société conservatrice. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro de février de Jeanne Magazine.

En janvier dernier, vous avez célébré sur les réseaux sociaux les 8 ans de votre coming out, en déclarant que c’était l’une des meilleures décisions que vous aviez prises. Qu’est-ce qui vous avez motivée à l’époque ? J’ai choisi de faire mon coming out parce que je ne voulais pas vivre une double vie. J’étais mariée à un homme et lorsque j’ai accepté mon homosexualité, je savais que cela signifiait la fin de mon mariage. Je voulais être libre, pouvoir être moi-même, je souhaitais parler de choses qui m’intéressaient vraiment. A cette époque-là, j’ai été très inspirée par Ellen DeGeneres, car elle a tout perdu quand elle a fait son coming out et pourtant, regardez aujourd’hui où elle en est. Elle s’est relevée plus forte de cette étape. Je la regardais et j’étais convaincue que je pouvais faire la même chose. Je souhaitais inspirer, à mon tour, d’autres personnes à être plus visibles car je suis convaincue que cette visibilité permettra une acceptation des personnes LGBT dans la société nigériane. Lorsque j’ai fait mon coming out, les membres de ma famille ont été très en colère. Ils m’ont demandé de partir et de quitter le foyer familial. J’ai perdu beaucoup de mes amis ou, du moins, des personnes que je considérais comme des amis. Mon patron de l’époque a refusé de m’écrire une lettre de recommandation alors que je souhaitais changer de travail. J’ai dû passer par de très nombreux obstacles mais j’ai gagné une communauté, j’ai trouvé ma tribu. (…)

Comment cela se passe-t-il pour une lesbienne voulant évoluer librement dans le pays ? Les femmes au Nigeria n’ont pas vraiment le droit à la parole en société sur quel que sujet que cela soit. Nous sommes élevées pour être des femmes obéissantes qui se soumettent à leur mari et nous apprenons, dès le plus jeune âge, que le mariage est l’objectif ultime à atteindre. Cette mentalité est ancrée profondément et beaucoup de femmes se conforment simplement aux règles établies pour éviter que l’attention ne se porte sur elles. Ce qui aboutit trop souvent à la situation suivante : beaucoup de femmes se marient jeunes mais ont une petite amie en secret, en dehors de leur mariage. Ce n’est bien sûr pas une vie très épanouissante mais c’est une réalité pour de nombreuses lesbiennes et bisexuelles qui souvent se disent ne pas avoir d’autre choix que celui-là. (…)

Le Nigeria a voté en 2014 une loi, dictée par la charia, qui interdit les relations homosexuelles, et certains Etats du pays ont renforcé la situation déjà dramatique des personnes LGBT. Qu’en est-il aujourd’hui ? La loi Same-Sex Marriage Act (SSMPA) est toujours active. L’instauration de cette loi a été une excuse pour des comportements toujours plus violents envers les personnes LGBTQ. Nous devons faire face en permanence à des obstacles qui obscurcissent notre quotidien. En terme de loi, je dirai que rien n’a changé bien que des efforts soient fournis pour défier la loi en vigueur. J’ai moi-même amené une affaire au tribunal, puisque j’ai porté plainte contre une agence gouvernementale pour avoir refusé d’enregistrer une association que je souhaitais créer “Lesbian Equality and Empowerment Initiatives (LEEI)”. Le juge a cité la section 4 de la loi SSMPA qui interdit tout enregistrement d’association LGBT comme motif de son refus. J’ai trouvé que cela s’apparentait à une violation de mon droit de liberté de création d’association alors j’ai décidé de porter l’affaire en justice. (…)

En juin est sorti votre documentaire Under the Rainbow. Comment ce projet a-t-il pris vie dans votre esprit ? J’ai réfléchis à ce documentaire pour la première fois, il y a deux ans environ. Je souhaitais qu’il soit la mémoire visuelle de ma propre acceptation pour qu’une fois encore, cela puisse inspirer d’autres personnes dans leur parcours afin de vivre de manière plus authentique avec qui elles sont. J’ai commencé l’écriture assez rapidement et j’ai cherché des fonds pour qu’il devienne une réalité. Au fil des mois, j’ai décidé d’ajouter les histoires d’autres femmes LBQ. J’ai alors lancé un appel et quelques femmes ont répondu positivement mais aucune ne souhaitait apparaître à visage découvert pour différentes raisons. Il s’agissait avant toute chose d’un projet de visibilité, je ne souhaitais pas continuer à invisibiliser la communauté en acceptant de ne pas montrer leur visage. Cela ne correspondait pas à ce que je souhaitais de ce projet de documentaire, alors j’ai finalement opté de ne pas diffuser leurs histoires et de ne montrer que la mienne. (…)

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www.theequalityhub.com| Retrouvez la totalité de la rencontre dans le numéro de février de Jeanne Magazine.

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