Le collectif Panzy se revendique des « écologies queer », un mouvement qui veut lier lutte pour les minorités de genre et d’orientation sexuelle, et pour l’environnement. Extrait de la rencontre avec deux de ses membres : Margaux et Cy, publiée dans le numéro de mars de Jeanne Magazine.  Propos recueillis par Mathilde Bouquerel

Votre collectif s’est créé en 2015, pendant la mobilisation autour de la COP21 à Paris, sous le nom de LGBTI pour le climat. Comment ça s’est passé ?
Cy : Au moment de la préparation de la Marche mondiale pour le climat, je faisais partie de la Coalition Climat 21 (Ndlr : Rassemblement d’associations, collectifs et individus constitué en 2014 qui affirmaient : « Les négociations qui se tiendront dans le cadre de la COP21, si elles sont une étape nécessaire, ne seront pas suffisantes pour sauver le climat »). J’ai notamment participé à un week-end de mobilisation fin février 2015 et quelque chose m’a interpellée. Pendant les réunions, la question de la présence des minorités n’était abordée que sous l’angle du genre (la participation des femmes), par un groupe de féministes qui avaient toutes une soixantaine d’années et pas du tout défriché les thématiques queer. C’était très frustrant parce que j’avais l’impression d’une invisibilisation, d’autant qu’il y avait beaucoup de LGBTI dans le milieu de la justice climatique. Je me suis rendu compte que le simple fait de parler de sexualité et d’orientation de genre n’allait pas de soi. Peu après, j’ai rejoint les bases d’un groupe qui s’appelait LGBTI pour le climat que j’ai aidé à se développer. C’est ce groupe qui a abouti à la création d’une sorte de Pink Block (Ndlr : Cortège safe et festif fait pour protéger et accueillir les minorités de genre et d’orientation sexuelle dans les manifestations, actions de désobéissance collective, etc.) au sein de la Marche, puis à un premier événement

Vous citez souvent le mouvement Queers for the Climate aux Etats-Unis comme étant l’une de vos inspirations. En quoi ?
Cy : On était juste après les attentats du 13 novembre, dans un contexte sécuritaire où les rassemblements de plus de dix personnes étaient interdits. Il fallait trouver une stratégie pour contourner la répression contre les manifestants et activistes, et l’humour est un bon moyen pour ça. Et puis on cherchait une façon de faire descendre les gens dans la rue sans que ce soit une énième manifestation où ils marchent en criant des slogans. Il fallait que ce soit quelque chose qui apporte humainement aux participant.e.s, qu’ils et elles relâchent une pression, s’amusent. C’est pour ça que la démarche des Queers for the Climate nous a plu. Ils avaient constitué un groupe de queer et de Radical Faeries (Ndlr : Groupe fondé par l’activiste gay américain Harry Hay qui mêle réflexion sur la sexualité, en particulier homosexuelle, spiritualité et retour à la nature) au sein de la marche pour le climat de New-York et c’était super festif : ils étaient déguisés, ils chantaient et dansaient. Et puis il y avait une bonne dose d’humour dans leur cortège. Le groupe s’est dissout assez vite, il n’avait été formé qu’en vue de la marche. Mais ils avaient jeté les bases de notre démarche : la convergence des luttes, le côté performance, l’humour.

En 2016, vous changez votre nom en « Panzy », un jeu de mot entre un nom de fleur : pansy, la pensée en anglais, et une insulte homophobe : panzy, l’équivalent de tapette. Pourquoi ?
Margaux : « LGBTI pour le climat » était à la fois trop restrictif, parce qu’une partie des membres du groupe de ne se reconnaissent pas dans l’acronyme LGBTI, et trop large, parce « pour le climat » ne veut pas dire grand-chose. On voulait quelque chose qui soit ouvert, qui puisse être approprié de plusieurs manières, et aussi d’un peu marrant, un peu provoc. Et puis on trouvait ça bien d’avoir une fleur comme emblème.
Cy : Il y avait aussi le Pansy Project de Paul Hartfleet. Cet artiste gay britannique prend en photo des pensées qu’il a plantées dans des lieux publics, en mémoire des victimes LGBTI de la violence et/ou du Sida. Son travail a même été exposé au Point Éphémère.

Il est assez frappant de constater à quel point une grande proportion de LBT sont végétariennes, circulent à vélo, etc. Et inversement, une grande partie des militantes écolo sont sensibles aux questions LGBTI et de genre. Pourquoi selon vous ?
Margaux : C’est une vaste question, qui ouvre sur des domaines comme l’écoféminisme, qui s’est intéressé à ces intersections. La réponse que j’aurais tendance à donner c’est que les femmes ont été habituées, socialisées dès l’enfance à prendre soin des autres, parce que nous avons des éducations genrées. C’est-à-dire qu’on valorise ce qu’on appelle le « care » chez les femmes, tandis que la performance et la compétition seront valorisées chez les hommes. Lorsqu’on politise cette tendance, on se rend compte qu’un monde où on fait attention les un.e.s aux autres, c’est mieux. Et cela s’applique alors aussi à la préservation de l’environnement. C’est là que le mouvement queer a un rôle important à mon avis : en contribuant à défaire les oppositions binaires hommes / femmes, il rejoint l’écoféminisme dans la lutte contre tout un tas de hiérarchies sociales et culturelles : féminin/masculin, queer/hétéro, racisé.e/blanc, nature/culture, etc.

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Retrouvez l’interview en intégralité dans le numéro de mars de Jeanne MagazineN’oubliez pas qu’en vous abonnant à Jeanne, vous permettez à votre magazine 100% lesbien de continuer à vous proposer plus que 80 pages de contenu exclusif chaque mois !