De retour à l’Assemblée nationale, l’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, mesure phare du projet de loi bioéthique examiné en deuxième lecture, a été adoptée le 29 juillet. Cette PMA élargie sera remboursée par la Sécurité sociale, cependant, les députés ont de nouveau rejeté la PMA post-mortem, l’ouverture de la PMA aux hommes transgenres et le don d’ovocytes dans un couple de femmes (technique dite de la ROPA). Rencontre avec la députée de l’Allier ouvertement lesbienne Laurence Vanceunebrock qui répond aux questions de Jeanne Magazine. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro 77 de Jeanne Magazine.

Comment avez-vous vécu cette deuxième lecture du projet de loi bioéthique à l’Assemblée et notamment les discussions autour de l’ouverture de la PMA à toutes les femmes ? Suite à la déception ressentie à l’issue de la loi Taubira en 2013 et les promesses vaines du président Hollande, notamment concernant l’extension de la PMA à toutes les femmes et le sujet corollaire de la filiation, et suite aux demandes réitérées du président Macron d’aborder ces discussions dans la bienveillance et le respect des opinions des uns et des autres, j’ai été assez rapidement consternée par les propos tendancieux et homophobes proférés à l’égard des pros PMA pour toutes. En ce qui me concerne, si certains sujets, pourtant essentiels, n’ont pas été votés, il n’en reste pas moins que je ressens une certaine fierté d’avoir posé dans l’hémicycle l’amorce de débat sur la ROPA, la filiation des familles transgenres, entre autres.

Quelles étaient vos attentes et vos appréhensions avant cette deuxième lecture ? Les sénateurs ayant fait le choix de revenir sur les dispositions que nous avions entérinées en première lecture, et ainsi s’imaginaient-ils les avoir enterrées, ils nous ont permis d’y retravailler en deuxième lecture. Ceci nous a aidés à préciser certains amendements et d’offrir la possibilité, par exemple, pour les familles composées bien avant la loi du mariage pour tous, dès cette loi promulguée, de faire bénéficier aux enfants de ces familles homoparentales d’une filiation digne de ce nom.

PMA post-mortem, ouverture de la PMA aux hommes transgenres, appariement et don d’ovocytes dans un couple de femmes, toutes ces mesures étaient très attendues par la communauté. Que pensez-vous de leur rejet par les députés ? Il me semble évident que bon nombre de députés n’ont pas une connaissance réelle de ces sujets et que cela induit des craintes, parfois légitimes, comme pour la PMA post-mortem qui touche à quelque chose d’éminemment intime, la mort de l’autre. Cependant, cela pose la question majeure des familles transgenres qui existent déjà et à qui il a été refusé d’être reconnues comme telles alors que l’Etude Myosotis menée par Agnès Condat et David Cohen sur le développement psycho-affectif des enfants conçus par PMA dont le père est transgenre a montré que l’identité de genre des parents n’a pas d’impact sur l’épanouissement des enfants. La transidentité ne représente pas une entrave au développement classique d’un enfant. En ce qui concerne le rejet de la ROPA, je suis complètement stupéfaite que cette disposition n’ait pas remporté un plus grand consensus. Cette technique a cet avantage indéniable de permettre l’utilisation d’un ovocyte du couple pour enfanter en cas de souci d’infertilité, ce que font d’ailleurs les couples hétérosexuels quand ils procèdent au recueil du sperme du conjoint. Et à l’heure où l’on peut s’inquiéter d’une pénurie de gamètes, la ROPA permet justement de ne pas puiser dans les « réserves » communes d’ovocytes. Enfin, il ne s’agit en rien d’un don, puisque ce sont les gamètes du couple, alors que c’est l’argument avancé par l’opposition, et notamment les Républicains qui y voient un « glissement » vers la GPA, mais il n’en est absolument rien. Je le répète, il s’agit d’utiliser un gamète du couple pour le couple, pour la conception d’un enfant au sein du couple. Mais nul n’est plus sourd qui celui qui ne veut pas entendre.

En revanche, l’amendement de la députée LREM Blandine Brocard qui prévoit la remise aux candidates des « conclusions des dernières études » sur « les désordres médicaux engendrés » par la PMA a été adopté par l’Assemblée. Vous qui êtes mère de deux filles conçues par PMA, que pensez-vous de cette initiative qui a tout l’air d’une mise en garde ? Je regrette, bien évidemment l’adoption d’un tel amendement qui rappelle les messages trompeurs qui étaient délivrés par les anti-IVG aux femmes sur le point de procéder à une IVG et qui se posaient légitimement certaines questions et qui n’étaient nullement accompagnées dans leur réflexion, mais trop souvent exhortées à ne pas assumer leur droit à la libre disposition de leur propre corps. Une analepse qui va à contre-courant de l’évolution de notre société.

L’Assemblée nationale a validé la réforme de la filiation, pouvez-vous, en quelques mots, nous en expliquer les modalités ? Lors de la deuxième lecture, nous avons adopté un nouveau mode de filiation pour les couples de femmes. Il ne s’agit en rien d’une réforme de la filiation, mais de l’adaptation de celle-ci aux situations actuelles qui le nécessitent. Il est important de rappeler que jusqu’à la promulgation de cette loi, les couples de femmes doivent être mariés et procéder à l’adoption des enfants du couple pour leur offrir une filiation complète. A partir du vote de la loi, les couples de femmes devront passer par une reconnaissance anticipée de l’enfant devant un notaire, comme peuvent le faire les couples hétérosexuels non mariés. La filiation sera établie envers la femme qui accouche par sa désignation dans l’acte de naissance, tandis que la mère d’intention ou sociale le sera par la reconnaissance conjointe. Les couples de femmes qui ont eu recours à une PMA à l’étranger avant la loi, englobant ainsi les familles créées avant la loi du mariage pour tous, pourront pendant trois ans faire une reconnaissance conjointe pour établir la filiation, évidemment pour les ex-compagnes qui s’entendent. Pour les situations qui sortent de ces cadres, à savoir les couples séparés sans accord, le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti s’est engagé, à plusieurs reprises à travailler aux situations non prévues en l’état.

Visiblement à court d’arguments, lors de la discussion d’un amendement avec vous, le député LR Marc Le Fur a dénoncé l’existence de « lobby » qui était « à visage très explicitement découvert », avant d’ajouter que «  la majorité est tiraillée entre des revendications militantes et ultra de lobby surreprésentés au sein de votre majorité ». Ce à quoi vous lui avez répondu : « Si tel était le cas, je peux vous assurer que ce texte irait bien plus loin, ce qui n’est pas le cas au vu des amendements régulièrement rejetés ! » D’où viennent selon vous ces propos évoquant l’existence d’un pseudo lobby LGBT et avez-vous des regrets concernant cette deuxième lecture du projet de loi bioéthique ? Comme vous l’indiquez vous-même, les plus conservateurs d’entre nous, qu’ils soient dans l’opposition, notamment chez les Républicains ou même au sein des rangs de la République En Marche, sont à court d’arguments et tentent d’instiller dans l’opinion publique qu’il y aurait effectivement un puissant lobby LGBT au sein de la majorité présidentielle. Or, il n’en est rien, bien au contraire. Difficile de faire sa place quand on appartient à une minorité, et je ne parle pas que des problématiques LGBT. J’ai appris tout récemment qu’au sein de la présidence du Groupe LaRem, une jeune députée conservatrice avait refusé que l’on attribue quelque poste d’importance que ce soit aux minorités, qu’il s’agisse d’être LGBT, de couleur ou de confession autre que catholique. Je tairai bien évidemment de qui il s’agit. Quant à savoir d’où viennent ces propos infamants, il faut se référer à l’article 2357 du catéchisme qui, s’appuyant sur la Sainte Ecriture, présente les relations sexuelles entre les homosexuels comme des « dépravations graves, la Tradition a toujours déclaré que les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés. Ils sont contraires à la loi naturelle.(…) Ils ne sauraient recevoir d’approbation en aucun cas ». Notre société judéo-chrétienne édifiée sur de tels préceptes a entrainé, au fil des siècles, une haine de cette différence d’orientation sexuelle.

Quelle(s) mesure(s) en particulier, parmi celles prévues dans la future loi Bioéthique retiendrez-vous ? Je me félicite du remboursement de la PMA pour toutes, car il s’agit véritablement d’une mesure de justice et de solidarité nationale. Et, bien, évidemment, je suis très heureuse de la nouvelle forme de filiation mise en place pour les couples de femmes, même si elle présente quelques imperfections, notamment pour les couples en désaccord ou l’inscription à l’état civil du mode de procréation pour les enfants issus de couples de lesbiennes, mais pas pour les couples hétérosexuels, créant, de fait, une discrimination pour les enfants de ces familles qui, si les parents ne leur en donnent pas l’information, ne le sauront peut-être jamais. Et l’on sait l’importance que peut revêtir le droit à l’accès aux origines pour construire l’adulte en devenir.

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