Lancée en janvier 2017, la newsletter mensuelle Women who do stuff, qui brosse le portrait de femmes et de personnes non-binaires, est très vite devenue incontournable. Aujourd’hui, WWDS est une association, composée de sept femmes, qui vient de sortir son deuxième numéro en papier consacré à la famille. Rencontre avec l’équipe. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro 79 de Jeanne Magazine.

Pouvez-vous nous présenter l’équipe de  Women who do stuff et revenir sur les raisons qui vous ont motivées à la création de votre média ? Au début, nous étions deux. La création du magazine et tout le travail que cela implique nous a donné envie de nous agrandir. Aujourd’hui, WWDS est une association composée de sept femmes : Marion, Lisa, Mélissa, Pauline, Emeline, Aurore et Mathilde. Chacune s’occupe de choses diverses et variées mais il est important pour nous de prendre toutes les décisions concernant le magazine ensemble. La principale motivation, d’abord de la newsletter, et puis maintenant du magazine, est d’amplifier les voix de femmes qu’on entend peu ou pas.

Comment est née votre newsletter et pourquoi avoir fait le choix de ce format pour publier votre contenu ? La newsletter est née en janvier 2017. On connaît toutes les newsletters commerciales qu’on place dans la corbeille et dont on veut se désabonner sans jamais le faire. Utiliser ce format pour du contenu militant, c’était assez nouveau. C’est un format assez particulier et assez intime puisqu’on s’incruste directement dans la boîte mail de quelqu’un. Il y a une vraie démarche de la part des gens qui s’inscrivent aux newsletters, une volonté d’avoir accès à des informations qu’iels ne lisent pas forcément ailleurs. C’est un outil formidable que les féministes ont su s’approprier partout dans le monde.

Comment définiriez-vous votre ligne éditoriale ? A-t-elle évolué depuis les débuts de votre média ? Notre ligne éditoriale était, et est toujours, de présenter des femmes et personnes non-binaires dont on n’entend jamais parler. Notre objectif est de faire écho à des projets portés par des femmes. On part du principe qu’en ce qui concerne les femmes et leurs créations, nous avons tout à découvrir et à partager. C’est à la fois génial et démoralisant car tous les jours on découvre le travail de femmes formidables qui est soit ignoré, soit récupéré par un homme. Le vieil adage sexiste “Derrière chaque homme se cache une femme” devrait plutôt être remplacé par “Derrière chaque homme se cache une dizaine d’autres qui l’ont aidé à voler le travail d’une femme”. (…)

A travers les portraits que vous avez réalisés, quelles sont les femmes qui vous ont le plus marquées ? Naziyah Mahmood fait partie des portraits marquants. Elle est astrophysicienne, artiste, poétesse et spécialiste en arts martiaux. Et puis il y a toutes les militantes, les adolescentes qui se battent pour sauver la planète alors qu’elles viennent à peine d’y arriver. Nous admirons beaucoup le travail de photographes comme Haley Morris-Cafiero. Dans sa série Wait Watchers (2013), elle questionne le rapport des autres à son corps. Suite à la publication de ses photos, elle a subi des attaques grossophobes terribles et en a tiré une nouvelle série de photos. C’est un travail courageux et brillant. Il y a aussi les femmes de chambre de l’hôtel Ibis Clichy-Batignolles, que nous suivons depuis le début de leur grève en juillet 2019 : ces femmes sont incroyables dans, et en dehors de leur combat.

Women who do stuff est né dans un contexte de revendications politiques et d’une volonté de visibiliser les femmes et les minorités de genre. Dans quelle mesure les médias engagés sur ces sujets sont-ils nécessaires ? Quelles sont les évolutions que vous avez notées depuis la création de votre média ? On peut résumer par “ne me libère pas, je m’en charge”. Nous n’attendons pas des médias mainstream de faire ce travail de visibilisation et de revendications. Il suffit de regarder les préoccupations des médias nationaux et de jeter un œil aux débats qui font l’actualité depuis des mois (années ?) : harcèlement des femmes qui portent le voile, harcèlement d’activistes comme Assa Traoré ou Alice Coffin, défense de Polanski comme si la vie de certains en dépendait. Il y a un fossé entre la presse féministe engagée et la presse mainstream. C’est à nous, médias engagés et indépendants de faire ce travail. On est heureuses de s’inscrire dans les pas de revues féministes comme la vôtre mais aussi comme Well Well Well, Panthère Première, Les Ourses à plumes, et bientôt La Déferlante. En ce qui concerne les newsletters, c’est pareil, il y en a des dizaines. Chacune aborde un thème particulier avec un angle original et intéressant. Comment ne pas parler de la Newsletter de ma chatte par nos amies des Flux ; quel autre média aborde la gynécologie d’un point de vue si pratique, bienveillant et politique ? Les newsletters féministes ont réussi à s’insérer dans des brèches, à grandir et à faire exister des communautés dans un internet qui n’est pourtant pas un lieu propice à l’épanouissement des femmes et des minorités. (…)

En parallèle de votre newsletter vous avez également sorti deux magazines papier. Pourquoi avoir décidé de vous engager à travers ce nouveau support malgré le coût important imposé par ce format print ? Ce qui a commencé comme “lançons un zine imprimé en 200 exemplaires à la maison” s’est terminé en “faisons une campagne de crowdfunding et vendons 1500 exemplaires du numéro 1”. C’est difficile pour nous d’expliquer pourquoi nous avons voulu créer un magazine car en fait, c’est l’intérêt des gens pour le magazine qui a permis sa naissance. Le nôtre a grandi au fur et à mesure que l’on avançait dans le projet. Avant de nous lancer dans cette aventure, nous savions seulement que nous voulions ne travailler qu’avec des femmes et des personnes non-binaires et que nous voulions rémunérer les contributeurices un prix juste. (…)

Pouvez-vous nous présenter votre deuxième numéro papier qui vient de sortir et qui est consacré à la famille ? Dans ce numéro nous voulons proposer une vision politique et féministe de la famille. Redonner une place politique aux femmes dans cette institution contrôlée par les hommes et l’État. Redéfinir la figure de la mère, montrer que la famille prend des formes très différentes, qu’elle peut être synonyme d’épanouissement et de joie mais qu’elle peut aussi devenir le terreau de violences souvent aussi indélébiles que taboues. Nous abordons autant de thèmes que possible pour offrir un maximum de récits et de voix. Être mère quand on est une femme incarcérée, le deuil prénatal, la PMA pour toutes, l’adoption, le non désir d’enfant, le choix de transmettre ou de ne pas le faire…

(…)

www.womenwhodostuff.com

Retrouvez l’intégralité de cette rencontre dans le numéro #79 de Jeanne Magazine.

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