Pendant le confinement, Marine Baousson a l’idée de créer un podcast pour vulgariser des sujets que l’on connaît tous mais dont on ne sait quasiment rien. Deux ans plus tard, Vulgaire cartonne et s’est décliné en livre et maintenant en spectacle interactif. L’humoriste – accompagnée de son frère Romain – se produit tous les mercredis sur la scène de la Comédie de Paris pour apprendre des choses à son public qui choisit lui-même les sujets expliqués en direct. Cela donne un show très rythmé, très vivant et très drôle dans lequel Marine Baousson peut raconter à la fois l’histoire du droit de vote des femmes et celle de Raspoutine. Rencontre avec l’artiste qui évoque avec nous les défis de l’adaptation de Vulgaire, le moment où elle s’est assumée et l’importance de la représentation. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro 101 de Jeanne Magazine.

Comment tu as eu l’idée d’adapter Vulgaire en spectacle ? Je l’ai su tout de suite, dès que j’ai eu l’idée de Vulgaire. Je voyais bien que je me mettais à écrire sur des sujets qui étaient nouveaux et que je ne connaissais pas du tout. Nous, les humoristes, on a souvent tendance à parler des mêmes sujets. Une fois, j’ai fait le festival d’Avignon, je suis allée voir au moins 8 spectacles dans la même journée et je me suis rendu compte que ce sujet-là je l’avais, celui-là aussi, etc. D’un coup, avec Vulgaire, j’écrivais sur des sujets sur lesquels je n’avais jamais entendu de vannes. Je me suis dit aussi que j’écrivais de la même manière que pour du spectacle donc j’ai réalisé que ça pouvait très bien s’adapter. J’ai tout de suite eu l’idée aussi d’un spectacle où les gens choisiraient les sujets. Ça a été immédiat. (…)

Comment tu choisis tes sujets pour le podcast ? Comme il y a 200 épisodes, ça devient plus compliqué de trouver des sujets qui me semblent évidents. Je viens de faire ma liste de sujets jusqu’à mars. Je sais que je ne ferai pas forcément ce que j’ai prévu mais le fait de savoir ce que je fais la semaine d’après, ça m’aide. Ce sont des coups de foudre, de la curiosité ou des trucs qui se rejoignent. Il y a plein de gens qui m’envoient des sujets aussi. J’ai fait les œufs de Fabergé parce qu’on m’a dit « tu savais que la reine Elisabeth avait un œuf de Fabergé ? » et donc je me suis demandé ce que c’était vraiment. J’aimerais bien faire une semaine sur les addictions par exemple. Je vais en faire un sur la cocaïne, un sur le chemsex. Mais si je veux faire une semaine, il me faut plus que deux sujets donc après je vais chercher un peu plus loin. (…)

Tu as présenté le spectacle Fièr.e.s à Bobino. Comment tu as vécu l’expérience ? J’étais hyper honorée qu’ils me fassent confiance. J’avais une espèce de pression, je ne voulais pas dire de conneries, je voulais parler de tout le monde. Je voulais que les gens se sentent en sécurité et que la programmation soit la plus diverse possible. Il y a des choses qui étaient plus compliquées que ce que j’espérais. C’est la première fois que je m’identifiais clairement et que je luttais sur certains points. J’ai fait cette entrée sur Portrait de la jeune fille en feu et on m’a dit :  » Les gens ne vont pas comprendre ». Et j’ai répondu : « Non, TU ne comprends pas. Les gens qui seront dans la salle et chez eux, ils auront la référence ». Pour moi, il y avait un enjeu de faire quelque chose par quelqu’un de concerné qui parle à des gens concernés et pas quelqu’un de concerné qui se laisse diriger par des gens qui ne sont pas concernés. Je voulais que tout le monde puisse se sentir représenté et je crois que ça a marché. Mais je ne suis pas la bonne personne pour le juger.

Tu parles maintenant très ouvertement du fait que tu es lesbienne dans tes chroniques, sur scène, dans Vulgaire. Est-ce que ça a été une décision compliquée pour toi d’en parler ? Au début, c’était une décision de ne pas le dire. C’était lié au fait que je n’assumais pas complètement, que je ne l’avais pas dit à tout le monde dans ma famille. Je cachais ça en me disant que c’était militant. Rétrospectivement, je pense que ça ne l’était pas. Ça peut l’être parce que des hétéros ont pu s’identifier à mes histoires en se disant que c’était la même chose mais ce n’est pas la vraie bonne raison. La raison c’est que j’avais peur de le dire. Ça venait aussi du fait que je n’avais aucune histoire. C’était hyper difficile de m’assumer sur quelque chose que je ne vivais pas au quotidien. Je le vivais dans mes désirs, dans mes amours ratées. Je n’avais pas envie qu’on me reconnaisse en tant que telle. Maintenant, j’ai un peu plus un désir d’être identifiée. C’est pour ça que ça existe dans mon spectacle, sans que ce soit un sujet, c’est hyper important pour moi.

À quel moment tu as eu un déclic ? Une fois, je me suis un peu pris la tête avec ma copine Bérengère Krief qui m’a dit qu’il y aurait un problème tant que je ne dirais pas qui j’étais vraiment. Je lui avais dit que j’avais d’autres choses à raconter, que ce n’était pas mon sujet principal ou la principale chose de ma personnalité. Et d’un coup, t’as Océan qui t’appelle et qui te dit : « Tu veux devenir Océanerosemarie ? ». Je lui ai dit oui et il m’a dit très clairement qu’il fallait que j’assume qui je suis et que si on me posait la question, il n’accepterait pas que je mente. Le fait qu’Océan me propose ça, ça a libéré beaucoup de choses chez moi. Un jour, je présentais un plateau Madmoizelle à la Nouvelle Seine et j’ai fait un coming out involontaire. Je n’avais pas prévu ça. À la fin, des gens sont venus me remercier et ils étaient hyper émus. Aujourd’hui, je me rends compte du temps que j’ai perdu en ne le disant pas tout de suite parce que j’aurais pu parler de choses tellement plus intéressantes. Avant, j’avais l’impression que ce n’était qu’un détail de ma vie, et aujourd’hui j’ai l’impression que c’est quelque chose de plus en plus central. Alors que paradoxalement, j’ai l’impression de ne pas avoir tous les codes.

(…)

Par Fanny Hubert – Photo Marina Bourdais

Retrouvez Marine Baousson à la Comédie de Paris jusqu’au 21 décembre 2022 mais aussi sur France Inter, tous les lundis dans Vulgaire et derrière l’idée du podcast Correspondances de Pauline Delabroy-Allard.

Retrouvez l’intégralité de notre rencontre avec Marine Baousson dans le numéro 101 de Jeanne Magazine.

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