Split fait enfin son arrivée sur France.tv Slash le 24 novembre. Réalisée et écrite par Iris Brey, la série est un petit miracle lesbien à la fois sexy, ultra-référencé et formellement captivant. Par Fanny Hubert

Après avoir longtemps analysé les films et les séries des autres, il était temps pour Iris Brey de passer elle-même derrière la caméra pour réaliser sa propre fiction. Le résultat s’appelle Split, une série en 5 épisodes de 20 minutes diffusée le 24 novembre sur France.tv Slash. L’autrice de Sex and the Series et du Regard féminin ne fait pas les choses à moitié pour satisfaire ses inconditionnelles admiratrices puisque c’est une série lesbienne qu’elle nous propose et pas des moindres.

Dans Split, on assiste à l’amour naissant entre l’actrice/chanteuse Eve Callac (Jehnny Beth), et Anna (Alma Jodorowsky), la cascadeuse qui doit prendre sa place pour les scènes difficiles sur le tournage de La Vamp, un hommage à Musidora. Mais Anna est en couple avec un homme et elle doit donc sortir de l’hétérosexualité…

Une série de regard et de désir féminin

Split est d’abord une série où le regard a une grande importance. Anna et Eve se regardent longuement et c’est par leurs yeux que passe d’abord toute l’intensité de leur désir. Par regard, on entend aussi celui de la réalisatrice sur ses actrices. Avec Iris Brey, aucun risque de male gaze. Ici, c’est une ode totale au female gaze, terme auquel l’essayiste a consacré un livre entier. Les héroïnes ne sont jamais objectifiées, la nudité est là pour de bonnes raisons et les actrices elles-mêmes ont eu accès au processus de montage en validant les scènes de sexe. Pour le tournage, Iris Brey s’est également entourée d’une équipe majoritairement féminine et d’une coordinatrice d’intimité et ça se voit.

Après le regard vient un autre sens, celui du toucher. Le désir entre Anna et Eve est brûlant et devient vite concret. Les deux femmes se touchent, explorent le corps de l’autre et font l’amour, rien de bien surprenant me direz-vous. En revanche, ce qui est inédit, c’est la manière dont ces scènes sont filmées et écrites. La notion de consentement est présente en permanence pendant les scènes de sexe. «  Je peux t’embrasser ? », «  Je peux te pénétrer ?« , « T’as envie de quoi ?« . Ces quelques phrases n’ont l’air de rien comme ça mais elles sont essentielles et sont pourtant quasiment inexistantes dans les séries françaises. C’est donc une vraie révolution à l’écran – pour reprendre le sous-titre de l’essai d’Iris Brey – qui s’opère et cette révolution est réaliste, intelligente et (très) sexy.

Une forme qui sert le propos

La série s’appelle Split parce qu’il est question de séparation, de déchirure. Son nom est aussi lié au procédé choisi pour le montage : celui du split screen. Ce n’est pas vraiment un hasard si Iris Brey s’est emparée de cet effet puisqu’il a été inventé par une femme, Lois Weber, pour le film Suspense sorti en 1913. La réalisatrice américaine fait un split screen triangulaire pour représenter à gauche le personnage du voleur, au centre celui du mari et à droite sa femme. Et si vous ne connaissez pas le nom de Lois Weber, c’est parce que, comme beaucoup d’autres femmes, elle a été invisibilisée au profit de ses collègues masculins. Quelle surprise.

Le split screen renforce l’intensité des regards entre Eve et Anna, les fractures qui s’opèrent et les changements que l’héroïne est en train de traverser. C’est aussi une manière de marquer cette idée de doublure qui jalonne la série. Anna est d’abord la doublure d’Eve puis son amante et les écrans divisés finissent par se rejoindre.

Une représentation lesbienne rare et précieuse

Pour Iris Brey, cette série était une manière de pallier au manque cruel de représentation de lesbiennes à l’écran et surtout sur les écrans français. Puisqu’on ne nous offre pas les images qu’on désire tant, alors il faut encore et toujours les créer soi-même. Split honore à merveille ce génie lesbien qui est partout. La série est ultra-référencée. L’une des premières images est un gros plan sur un livre de Colette. Eve doit répéter son seul en scène adapté de Thérèse et Isabelle de Violette Leduc. Il est aussi question de l’œuvre de Germaine Dulac, une réalisatrice féministe bien avant l’heure. On envie les adolescentes qui découvriront la série et qui auront accès à ces femmes qu’on aurait aimé connaître bien plus jeunes. On adore aussi la chanson du générique signée Rebeka Warrior, autre preuve vivante du génie lesbien. Les paroles sont déjà entêtantes : « ex-hétéro, etcera, laisse-moi sentir que ton cœur bat pour moi. »

La représentation lesbienne dans la série est aussi précieuse parce qu’au-delà d’une storyline aux accents dramatiques, elle reste joyeuse. En témoigne l’une des répliques fortes du personnage de Jehnny Beth : « C’est à la fois un soulagement et une joie d’être lesbienne ». On ne va pas dire le contraire et c’est une vraie joie de l’entendre quand on a l’habitude d’amours contrariés, déçus ou complètement tragiques. On en redemande !

Split sur France.tv Slash

Photo ©Caroline DUBOIS-FTV

Cet article a été initialement publié dans le numéro 112 de Jeanne Magazine.

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