Adapté de l’excellente BD d’Inès Léraud et Pierre Van Hove, Les Algues vertes retrace l’enquête journalistique qui a permis de révéler le scandale sanitaire qui se joue sur les plages bretonnes. Céline Sallette, très convaincante dans le rôle d’Inès Léraud, porte ce nouveau long-métrage de Pierre Jolivet à découvrir dans nos salles le 12 juillet.

Un homme court sur une plage de la baie de St-Brieuc. Il se prend les pieds dans un tas d’algues vertes et trébuche. À bout de souffle, il ne parvient pas à se relever et s’écroule, sans jamais reprendre connaissance. Ce drame est le point de départ d’une gigantesque enquête et d’un combat acharné pour prouver la responsabilité des algues vertes dans plusieurs décès qui surviendront au fil des années en Bretagne. Cette enquête, d’abord menée par l’urgentiste Pierre Philippe, atterrit dans les mains d’Inès Léraud, journaliste d’investigation à Paris, qui décide de s’installer avec sa compagne dans un village breton pour mieux comprendre et relater le cœur du problème. 

Ses recherches et ses découvertes, Inès Léraud les dévoile d’abord sur France Inter en 2016 puis dans une BD parue en 2019 et illustrée par Pierre Van Hove. Les Algues Vertes, l’histoire interdite connaît un succès retentissant et mérité qui attirera de nombreux producteurs. C’est finalement le réalisateur Pierre Jolivet – habitué des comédies et de drames sociaux – qui sera aux manettes de l’adaptation cinématographique portée par un casting de choix : Céline Sallette dans la peau d’Inès Léraud et Nina Meurisse dans celle de Judith, sa compagne (Alice dans la vraie vie). Le long-métrage retrace l’enquête d’Inès depuis ses débuts jusqu’au procès du 27 octobre 2022 censé mettre en lumière les circonstances qui ont tué le joggeur Jean-René Auffray en 2016.

Une affaire complexe

Lorsqu’on lit la BD d’Inès Léraud, on se rend très vite compte de la complexité du problème. Les algues vertes sont un secret de polichinelle pour le monde agricole breton qui ne recule devant aucune menace pour empêcher les lanceurs d’alerte d’informer le public et les autorités. L’omerta et les lobbys sont si puissants que personne n’est prêt à reconnaître les responsabilité des algues vertes dans le décès de plusieurs êtres humains et animaux. 

Si Inès Léraud explique très bien à quand remonte la prolifération des algues vertes et pourquoi c’est un sujet épineux, le film avait donc la lourde tâche de transposer toute cette affaire à l’écran en moins de 2h sans perdre les spectateurs. Le pari n’est pas totalement réussi car le film oublie de préciser quelques informations importantes présentes dans la BD et n’est pas toujours très cohérent avec la chronologie. Mais l’enquête parvient tout de même à nous tenir en haleine et les personnages sont autant attachants qu’ils sont agaçants quand il s’agit de nier l’évidence. Les menaces qu’a reçues Inès Léraud sont également bien montrées ainsi que sa difficulté à trouver des sources. On notera également la formidable prestation de Julie Ferrier dans le rôle de Rosy Auffray, la femme du joggeur disparu. 

Un couple mis en avant

La bonne surprise du film vient de la représentation du couple Inès/Judith. Céline Sallette, qui n’en est pas à son premier rôle lesbien, est toujours très juste tout comme sa partenaire à l’écran Nina Meurisse. Nous avions hâte de les voir toutes les deux réunies et nous ne sommes pas déçues. Le couple est mis en avant dès le début et on saisit rapidement l’importance de la présence de Judith qui sait apaiser et guider Inès quand l’enquête subit des revers. C’est grâce à cette intimité que les émotions du personnage d’Inès peuvent être incarnées. La douceur et les sentiments qui émanent de cette relation sont assez réconfortants dans un contexte où les faux-semblants brouillent la recherche de la vérité. 

Pour Inès Léraud, il n’y avait pas de volonté de ressemblance à 100% avec sa vraie vie : “Pendant le tournage, [Céline Sallette] disait puiser’ en moi des éléments de jeu, selon elle ça lui donnait la bonne tonalité, j’étais son ‘la’ comme un diapason. Pour autant, quand je vois le film, je n’ai pas l’impression de me voir.”. En revanche, les similitudes entre Judith et la vraie compagne d’Inès sont plus troublantes, d’après la journaliste : “Nina Meurisse s’est également beaucoup investie dans le projet […].Elle a beaucoup regardé ma compagne, elle a voulu porter des lentilles bleues et des lunettes pour lui ressembler, et je trouve qu’elle a parfaitement incarné son énergie. Le résultat à l’écran est troublant de ressemblance !”

L’histoire d’amour entre Inès et Judith est aussi celle d’un attachement à une région. Pour les besoins de l’enquête, les deux jeunes femmes s’installent à Coat-Maël dans le Finistère et n’en repartiront finalement jamais, tombant sous le charme d’une région qui a beaucoup d’atouts. Alors, on ne peut qu’applaudir la représentation du génie lesbien breton et vous inciter à aller voir le film et suivre le travail d’Inès Léraud.

Par Fanny Hubert – Photo ©Mélanie Bodolec

Cet article a été initialement publié dans le numéro 109 de Jeanne Magazine.

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