Dans le numéro de février, Jeanne vous présentait Anna Homonyme et son roman éroticomique Cul d’Artichaut, qui a pour personnage principal, une « lesbienne non monogame ». Dans le numéro de mars, Anna revient dans les pages de Jeanne avec une première chronique où il est question de l’histoire de l’humanité, de chattes en chaleur et de vivre pleinement nos vies. Extrait de la chronique publiée publié dans le numéro de mars de Jeanne Magazine.

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La monogamie, c’est quoi ?
Une femme sérieuse se renseigne avant de prendre la parole, ou la plume, ou le clavier, ou le fouet… ou même son pied. Un p’tit coup de Google donc : Monogamie, nom féminin (ça au moins, c’est un bon point !) :
1. Régime juridique où un homme ou une femme ne peut avoir plusieurs conjoints en même temps.
2. Zoologie : État des animaux qui forment un couple exclusif, au moins pendant la période du rut.
Donc, c’est pas d’l’amour, c’est un régime juridique. Attention, nuances ! Et méfiance…
En fait, ça a juste bonne presse par opposition à polygamie, qui historiquement était la norme partout : chez les Vikings, même une fois convertis au christianisme en Normandie, chez les Juifs jusqu’au XIè siècle, avant l’Islam (qui a juste recommandé de limiter à 4 le nombre d’épouses parce que vraiment, des fois, y avait des abus)…
Bref, les riches et les puissants avaient autant de femmes qu’ils voulaient. À l’époque.
L’avantage était qu’en temps de guerre, les femmes – bien plus nombreuses, vu que les frappes n’étaient pas encore chirurgicales, la chirurgie non plus d’ailleurs – avaient quand même chacune un mari, fut-il le même. Un avantage, vraiment ?
Par contre, en temps de paix, il n’en restait plus assez, de nous, les femmes, pour les pauvres, les moches, les bancals et les invalides de guerre. C’était dégueulasse, on est d’accord.
Donc le passage de la poly-gamie à la mono-gamie (ça vous rappelle pas un jeu, ce sujet ?), c’était un progrès social, peut-être même un progrès proto-féministe, ça se discute. Mais la roue du progrès doit-elle s’arrêter de tourner ? Ce que Google ne nous dit pas de but en blanc, c’est que la gamie, qu’elle soit en mono ou en stéréo, c’est un système d’appropriation d’un être humain par un autre. En clair, une femme devient la propriété d’un homme car, soyons sérieuses, dans l’autre sens ça ne marche pas, et parce que la polyandrie n’existe plus que dans l’Himalaya, au-delà de 4.000 m d’altitude, et que le mariage entre femmes n’est un droit ouvert qu’à 14% de la population mondiale.
La vraie définition, je vous la donne : la monogamie, autant que la polygamie, est un système patriarcal mis en place pour que les maris soient à peu près sûr d’être le père de leurs enfants. C’est une notion opposée à celle d’indépendance, surtout celle des femmes, or si vous êtes une lesbienne abonnée à Jeanne Magazine, c’est que vous vous êtes affranchies des pressions religieuses, sociales, familiales… pour vivre votre vie. Pour conclure, accordons-nous donc sur le fait que cette fameuse monogamie n’est pas un truc inventé pour nous, les lesbiennes. Pour n’appartenir à personne, une seule solution : la zérogamie ! Une femme sérieuse reste néanmoins, à son corps défendant, un animal. Aussi nous faut-il aborder le volet zoologique de la définition de la monogamie : État des animaux qui forment un couple exclusif, au moins pendant la période du rut.

La période de rut, c’est quoi ?
Lectrices de Jeanne Magazine, ne le niez pas, vous avez des chattes ! Donc vous savez ce que c’est : ces miaulements déchirants, cette façon de vous faire trébucher en se glissant entre vos pieds quand vous vous levez la nuit, ce collage permanent jusque sur le clavier de l’ordinateur, ces positions obscènes… En faisant des recherches pour ne pas écrire tout à fait n’importe quoi dans cet article, je suis tombée sur le site Animaux.toutcomment.com qui nous affirme : « Si elles sont en contact avec d’autres chattes qui sont en chaleur, celles-ci produisent les phéromones qui peuvent induire les chaleurs chez d’autres chattes ». Là mon esprit s’est quelque peu égaré : que se passerait-il si on équipait 2 chattes (dont au moins une déjà en chaleur) de mini godes-ceintures… cela pourrait-il être un moyen de faire cesser ces abominables gémissements d’insatisfaction ? Je m’arrête là, je ne voudrais pas que ma première chronique soit la dernière. Pour celles qui ont aussi des chats, lorsqu’ils pissent partout – plus que d’habitude – et qu’ils s’échappent pour revenir estropiés au petit matin, après avoir voulu concurrencer un chat de gouttières, c’est qu’une odeur de femelle en chaleur les a mis en rut. Rutabassage de rigueur. C’est pas rutilant ce qu’ils se font les mâles quand même ! Bref, la période de rut c’est une inhabituelle frénésie sexuelle qui peut s’avérer dangereuse. Chez les humains, vu qu’on baise tout le temps – au moins potentiellement -, la période de rut n’est pas définie biologiquement par des saisons ou des menstruations.
Il faut donc la définir sociologiquement : la période de rut c’est quand on passe sa journée au boulot à envoyer des textos plein de petits cœurs, qu’on occupe tous ses temps libres à faire des playlists pleines de ‘Je te love you’, que plus personne ne nous invite parce qu’on passe notre temps sans pouvoir se décoller de la 2ᵉ chatte et que ça gêne tout le monde dans les soirées, quand on part en vacances ensemble dans un endroit merveilleux qu’on ne voit pas du tout parce qu’on ne sort pas de sa chambre… Bref, une période magique mais dont on sait, à moins d’avoir entre 13 et 18 ans, qu’elle ne va pas durer. Snif ! Et le handicap que nous avons, nous, humaines, sur nos amies les bêtes, c’est qu’une bonne partie de jambes en l’air ne met pas fin à notre état – bien au contraire – et comme c’est une occupation à plein temps, le rut, et qu’on ne peut raisonnablement pas faire que ça dans la vie, la nature a trouvé un autre moyen de nous arrêter : la lassitude. Affreuse lassitude ! (…)

Anna Homonyme

Retrouvez la chronique d’Anna Homonyme en intégralité dans le numéro de mars de Jeanne MagazineN’oubliez pas qu’en vous abonnant à Jeanne, vous permettez à votre magazine 100% lesbien de continuer à vous proposer plus que 80 pages de contenu exclusif chaque mois !