Magali Junjaud noircit des pages de carnets depuis l’adolescence, de façon thérapeutique. Elle nous présente aujourd’hui Irrésistible Adèle, son troisième roman publié chez Homoromance Editions. L’histoire de Joanna, une mère de famille dont l’existence va être bouleversée par sa rencontre avec Adèle, la professeure de théâtre de son fils. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro 102 de Jeanne Magazine.

Votre nouveau roman, Irrésistible Adèle, est une histoire d’amour aux multiples facettes. L’amour y revêt plusieurs visages, l’objectif est de savoir lequel votre héroïne, Joanna, souhaite suivre. Comment l’idée de ce nouvel opus a-t-elle germé en vous ? Quand on parle d’infidélité, on oscille souvent entre deux caricatures, le mari volage ou la femme frivole, ce qui est très réducteur et, je pense, assez loin de la vérité. En observant mon entourage, en suivant mes amis et connaissances dans leurs déboires amoureux, je me suis rendu compte que l’amour est souvent à l’origine de cette transgression conjugale, mais souvent aussi, la cause d’une véritable torture morale, d’une lutte viscérale entre la raison, l’amour maternel, comme c’est le cas pour Joanna, la solide affection conjugale, les obligations, les attentes et la passion dévorante d’un désir naissant. Quelle matière pour un roman n’est-ce pas ? J’ai d’abord écrit une lettre déchirante d’une amante éconduite par la femme mariée qui hante ses fantasmes, pour enfin tracer les grandes lignes du roman quelques mois plus tard.

Joanna et Adèle sont deux femmes pétillantes qui aiment leur vie telle qu’elle est. Joanna, notamment, n’attend aucun changement particulier qui pourrait améliorer son quotidien actuel ; un axe narratif souvent utilisé dans les romans. Avez-vous volontairement choisi ce positif dans la vie de vos héroïnes ? Comment avez-vous forgé la profondeur de ces deux personnages ? Oui, je ne voulais pas tomber dans les lieux communs attendus dans ce genre de récit : l’épouse malheureuse, le mari bourru, le père absent, la femme invisible et malheureuse, la mère qui s’oublie… Joanna s’est inconsciemment endormie dans sa vie d’épouse et de mère, comme c’est le cas pour beaucoup de parents. Adèle accumule les aventures, persuadée qu’elle se protège ainsi de toute déception amoureuse.
Je voulais deux femmes, de celles qu’on peut croiser aisément dans son cercle social, bousculées dans leur confort par un besoin dont elles ignoraient l’existence avant que leur rencontre ne le transforme en manque omniprésent.
Mes amis vont m’en vouloir, je pense, mais je pioche dans leurs caractères, dans leurs façons d’être et de voir le monde pour construire mes personnages. (…)

Si l’amour leur tombe dessus sans prévenir, il y a aussi l’idée du choix qui s’impose. Avez-vous déjà expérimenté ce questionnement à titre personnel pour réussir à le mettre en mot de manière si réaliste ? C’est une question qui revient assez souvent quand je parle de ce roman [Rires]. Non, mais j’ai eu à faire des choix parfois douloureux pour préserver mon couple ou moi-même. Desproges disait que « tout dans la vie est une affaire de choix, ça commence par la tétine ou le téton, ça se termine par le chêne ou le sapin ». La nécessité du choix est un fabuleux ressort dramatique, nul besoin de l’expérimenter dans toute sa réalité pour le décrire avec réalisme. J’y ai transposé la souffrance du renoncement, du changement imposé et de l’absence d’idéal. J’ai parfois été l’amante et parfois la petite amie infidèle, mais à des moments de ma vie où aucun choix ne s’imposait. Je peux le dire maintenant que je suis une femme respectable, il y a prescription.
Je pense à Meryl Streep, la main sur la portière de la voiture, peinant à cacher ses larmes, prête à bondir hors du pick-up pour rejoindre Clint Eastwood. Ces interminables secondes de questionnement, l’incommensurable douleur d’un choix pourtant si évident pour la mère et l’épouse et tellement insignifiant pour l’amante ressuscitée. On voudrait qu’elle sorte de voiture comme on comprend qu’elle y reste. Quelle bouleversante héroïne !
C’est exactement ce sentiment que j’ai souhaité transposer à mes deux personnages principaux.

(…)

Irrésistible Adèle de Magali Junjaud (Homoromance Editions)

L’intégralité de la rencontre avec Magali Junjaud est disponible dans le numéro 102 de Jeanne Magazine.

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