Elodie Font est autrice et documentariste. Mère avec sa compagne, d’un petit garçon qui aura un an cet été, elle a à cœur de raconter nos histoires. D’abord avec son podcast Coming In, publié ensuite en BD, et aujourd’hui avec Mouillons-nous, qui s’intéresse à la sexualité des lesbiennes. Et pour ce nouveau projet, Elodie a besoin de nous toutes ! Rencontre.

Depuis 2017 et la sortie de ton podcast Coming In, devenu un roman graphique en 2021, tes projets s’articulent principalement autour des problématiques rencontrées par les lesbiennes. D’abord l’acceptation de son homosexualité avec Coming In, puis l’homoparentalité avec ta série Instagram Dans les choux et maintenant la sexualité avec ton projet Mouillons-nous. En quoi dirais-tu qu’il est primordial aujourd’hui de créer nos espaces de discussions ? Comme tu le soulignes, Coming in a été pour moi un déclencheur : auparavant, j’avais présenté les matinales du Mouv et de Nova, je n’avais pas pour vocation de raconter mon parcours personnel. Mais dès que le podcast est sorti, j’ai reçu des centaines et des centaines de messages et j’ai pris conscience de l’importance de récits qui nous ressemblent. Cela a changé ma vie professionnelle – et ma vie tout court ! Nous avons besoin de raconter ce que nous traversons, pour nous toutes, à commencer par celles qui n’osent pas franchir le pas qui les séparent de leur premier baiser avec une femme ou celles qui vivent des relations cachées. Parce que c’est nécessaire de se reconnaître dans des récits, de s’y lover, de s’en amuser et de s’en émouvoir.

Pour ton nouveau projet, Mouillons-nous, tu as préparé un questionnaire pour que les femmes lesbiennes puissent partager avec toi leur rapport – et leur expérience – à la sexualité. Peux-tu nous en dire plus ? Oui, c’est un projet qui me tient à cœur depuis plusieurs années et que je suis ravie d’enfin explorer. La sexualité des lesbiennes, cela ne vous aura sans doute pas échappé, est soit fantasmée (merci les moteurs de recherche des sites porno…), soit invisibilisée. Mais à quoi ressemblent nos rapports sexuels, nos désirs, nos pratiques ? Surtout, cela m’intéresse de questionner l’évolution du rapport à nos corps et à nos envies quand nous investissons cette sexualité, hors du regard des hommes. Beaucoup de femmes me disent qu’elles acceptent par exemple bien plus leurs formes et leur poids depuis qu’elles ont des relations sexuelles avec une ou des femmes. Très peu d’études existent sur cette thématique et c’est justement pour avoir une vue d’ensemble la plus précise possible que j’ai lancé un questionnaire, ouvert à toutes, que chacune peut remplir comme elle le souhaite. Plus on sera nombreuses à le remplir, et plus il aura une signification.

Une identité lesbienne, ça se construit avec le temps et avec une représentation variée. Quels thèmes propres aux lesbiennes souhaiterais-tu encore défendre et qui, selon toi, sont trop peu abordés ? Il y en a beaucoup ! 🙂 Je vois dans les yeux de mes interlocuteurs que l’homoparentalité suscite toujours de nombreuses interrogations. Tu citais tout à l’heure la série Instagram Dans les choux, que j’ai écrite avec mon amie Klaire fait grr, qui recense toutes les remarques entendues pendant ma grossesse et celle de copines. Quand tu te dis qu’il y a des gens, pourtant malins, qui peuvent te demander si ta compagne est au courant du fait que tu es enceinte, tu te dis qu’il y a encore du boulot ! J’aimerais aussi que l’on entende davantage de femmes lesbiennes âgées, encore vivantes. Je mène en ce moment des entretiens passionnants avec une femme de 85 ans, sa vie me bouleverse !

Quels sont tes projets pour les mois à venir ? Mouillons-nous est un projet de livre, qui sortira en 2023 chez Payot ; ce sera aussi une série de podcasts. En parallèle, je vais réaliser un LSD (la série documentaire), pour France Culture, sur nos logements et ce que l’on met de nous dedans – je ne traite pas uniquement de thématiques lesbiennes 😉 Et puis je vais essayer de me lancer dans une grande aventure qui me tient à cœur : écrire un livre pour enfants inclusif. Je réfléchis aussi à ce que peuvent devenir les entretiens dont je vous parlais avec cette femme lesbienne qui est âgée : peut-être une prochaine bande dessinée ?

Photo © Astrid di Crollalanza

Le questionnaire est disponible ici.

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