[Mise à jour le 26 novembre : Delhi Queer Pride Parade] Hier avait lieu la Delhi Queer Pride Parade où des milliers de personnes ont fièrement brandi le drapeau rainbow et porté des pancartes sur lesquelles on pouvait lire « Nous avons gagné notre liberté », « L’amour gagne » ou encore « Adieu 377″.  Cette Pride était la première organisée depuis la dépénalisation de l’homosexualité, ordonnée par la Cour suprême, en septembre dernier. Selon les organisateurs, cette marche était la plus importante depuis 2007. « C’est la première fois que nous ne défilons pas comme des criminels. Les gens défilent librement, sans poids » a expliqué Deepti, l’une des organisatrices. Cependant, tout n’est pas gagné en Inde, il faudra du temps pour que changent les mentalités comme le souligne Deepanshu Goswami, participant à la marche :  » En dépit de cette évolution, la communauté homosexuelle est toujours stigmatisée en Inde dans les secteurs les plus traditionnels de la société. Il faudra plus d’une génération pour que la société accepte. Mais la peur a disparu. A présent, je profite de la vie comme un citoyen libre ».

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Témoignages : En Inde, l’homosexualité n’est plus un crime

Le jeudi 6 septembre, la Cour suprême indienne a décidé de dépénaliser l’homosexualité. Les cinq juges ont, en effet, abrogé la section 377 du code pénal datant de l’ère coloniale britannique interdisant les relations sexuelles entre personnes de même sexe, qui pouvaient se voir punies de la prison à vie. Jeanne Magazine a recueilli les témoignages de quatre Indiennes qui reviennent sur cette décision historique, sur leurs parcours et abordent avec nous les prochaines étapes à franchir pour les personnes LGBT + en Inde. Extrait des témoignages publiés dans le numéro de septembre de Jeanne Magazine.

A Kolkata, Minakshi Sanyal est une figure emblématique de la scène LGBT indienne et se décrit elle-même comme une « militante queer féministe ». En 1999, elle crée un groupe de soutien pour lesbiennes, bies et femmes trans à l’est de l’Inde, car il n’existait rien de tel à l’époque. Elle se rend compte très vite, suite au nombre important de femmes qui viennent partager leurs histoires, souvent dramatiques, qu’elle doit faire évoluer cette plateforme en association pour leur venir en aide de manière plus efficace. C’est ainsi que Sappho For Equality, une référence encore aujourd’hui, voit le jour en 2003.

Comment avez-vous vécu ce 6 septembre lorsque la Cour suprême indienne a enfin abrogé la section 377 du code pénal ? Je l’ai vécu bien sûr comme une décision historique ! Et s’il est certain qu’on se souviendra longtemps de ce jour, il faut surtout se dire que l’on est uniquement au tout début du combat. Cette décision est en quelque sorte la pierre fondatrice de notre lutte qui commence aujourd’hui. Si ce verdict permet la dépénalisation de l’homosexualité, il n’accorde en revanche aucun droit aux personnes LGBT. Le combat ne fait que commencer !

Comment la population indienne a-t-elle réagi à ce verdict ? Il y avait eu un précédent, lorsqu’en juillet 2009 la Haute Cour de Delhi avait prononcée une première fois la dépénalisation de l’homosexualité. Une décision cassée quatre ans plus tard par la Cour suprême qui avait estimé que ce n’était pas à la justice, mais au législateur de faire évoluer la loi. Depuis, nous avions assisté à un important mouvement populaire pour que l’Inde, qui est un grand pays, abroge enfin cette section 377, issue d’un ancien monde. Beaucoup de personnes ont souhaité faire leur coming out à cette période, mais lorsque la Cour suprême de l’Inde a cassé cette décision et a repénalisé l’homosexualité en 2013, cela a mis un terme à ce qui était en train de naître : à savoir une évolution positive de la société à l’égard des personnes LGBT.

Qu’est-ce que cette décision va changer selon vous pour les personnes LGBT ? Il ne s’agit que de la première marche fondatrice de notre mouvement LGBT en Inde. Bien sûr, je n’enlève rien à l’importance de ce verdict mais l’acceptation sociétale l’est probablement encore plus et on en est encore loin. Il est aujourd’hui de notre responsabilité en tant que militant LGBT de nous adresser à la société indienne, de parler avec eux, de les informer pour qu’enfin on avance sur le chemin de l’égalité des droits… Il va falloir redéfinir la notion de famille.

Pensez-vous que ce combat sera long et fastidieux ? C’est un tout autre challenge, nous nous battions depuis des décennies pour obtenir la dépénalisation de l’homosexualité, aujourd’hui nous devons construire notre mouvement associatif LGBT en pensant à ces nouveaux challenges.

Dans un premier temps, pensez-vous que cette décision va encourager les personnes LGBT a sortir du placard ? C’est assez compliqué de répondre à cette question, car en effet, avoir la loi de son côté, ça change beaucoup de choses et en effet, je pense que beaucoup vont faire leur coming out dans les prochaines semaines. C’est ce qui s’est passé en 2009. Simplement il faudra affronter la famille. Depuis le verdict, notre ligne d’écoute Sappho For Equality est débordée d’appels de personnes LGBT et aussi de parents qui nous appellent pour obtenir des conseils.

Quels sont les prochaines étapes pour la communauté LGBT ? Dans un premier temps, nous devons lire les 493 pages de ce verdict très attentivement. Nous avons d’ailleurs organisé une lecture avec des avocats fin septembre car certaines personnes n’ont pas compris la teneur exacte de cette décision. J’ai eu par exemple des appels à l’association de personnes LGBT qui pensaient qu’elles pouvaient désormais se marier. Ce verdict nous donne uniquement le feu vert pour commencer le combat vers l’égalité des droits. Ensuite, nous devrons contacter au plus vite nos politiques pour qu’ils prennent en compte nos revendications.

www.sapphokolkata.in

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