Véritables conservatrices de l’histoire lesbienne, Michèle Larrouy et Suzette Robichon reviennent pour Jeanne sur leur engagement afin de comprendre comment sont nées les Archives, Recherches et Cultures Lesbiennes au début des années 80. Si la mémoire lesbienne est aussi documentée aujourd’hui, c’est indéniablement à ces pionnières que nous le devons. Extrait des témoignages publiés dans le numéro 92 de Jeanne Magazine.

Aujourd’hui, je me rends seule rue de Charenton dans le 12e arrondissement. Je vous emmène dans le sous-sol de la Maison Des Femmes (MDF), aux Archives, Recherches et Cultures Lesbiennes (ARCL).

Comme si j’étais autorisée à pénétrer la bibliothèque secrète du Vatican, je vis cet instant avec solennité. Les milliers de documents qui s’entassent sous mes yeux me saisissent. Il y a là, tout un pan de l’histoire qui nous est complètement étrangère. Je m’assieds, je m’imprègne, je lis et j’observe. Il y a là, tout un pan de l’histoire qui nous est complètement étrangère. Je me fais la réflexion que les archives sont un peu comme les lesbiennes : présentes depuis toujours, mais dissimulées.

J’ai la chance de pouvoir rencontrer Michèle Larrouy, Suzette Robichon, Martine Laroche et Carole Vidal. Elles ont participé de près ou de loin à la naissance des archives aux côtés de Claudie Lesselier, une des premières à avoir hébergé des documents. D’après Suzette, toutes les archives lesbiennes du monde apparaissent de la même façon. Une poignée de lesbiennes entassent leurs trouvailles dans un appartement. Exactement comme cela s’est organisé, petit à petit, chez Claudie. Nous sommes au début des années 80, l’analyse de la contrainte à l’hétérosexualité permet l’émergence d’une pensée lesbienne radicale. C’est dans l’objectif d’amorcer un mouvement basé sur la force politique du lesbianisme que l’initiative prend forme. Lorsque la nécessité de se constituer un socle se manifeste, elles recherchent leur histoire, et comme elle reste cachée, elles collectent et archivent les traces de celle qui existe. Au fil des années, les archives s’étoffent, le fonds grossit pour devenir ce qu’il est aujourd’hui. Si la radicalité n’a pas tenu sur le long terme, récolter l’histoire qui s’écrit et travailler à la visibilité et la mémoire lesbienne est un engagement tout aussi politique qu’aux premières heures.

Michèle, le fil rouge
Michèle est une professeure d’art plastique à la retraite depuis 3 ans, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’elle se tourne les pouces. En plus de son métier, elle a toujours milité pour la visibilité lesbienne et la lutte contre les violences faites aux femmes et aux filles.

Quand elle s’implique dans les archives lesbiennes, nous sommes en 1991. Elle fait partie du collectif de cinq femmes lesbiennes qui reprennent les archives alors que Claudie, l’une des fondatrices des ARCL, décide de laisser sa place. Son appartement fut le premier local. Situé au 4è étage d’un immeuble parisien, minuscule et mansardé, il était le principal frein à l’expansion du fonds. Rapidement, ce nouveau collectif décide de déménager. S’ensuivront de nombreux débats pour savoir où. Finalement, elles choisiront un espace de 80m2 disponible à la MDF de Paris. Elles investissent ce lieu qui était complètement vide, s’organisent pour participer au loyer et achètent des armoires. Un excellent investissement, si je puis me permettre, puisqu’elles sont toujours là et se posent en gardiennes de notre histoire depuis bientôt 30 ans. (…)

Suzette, l’une des mémoires
Comme Michèle, Suzette a plusieurs casquettes mais pas les mêmes. Militante lesbienne depuis toujours, elle continue à travailler pour la visibilité lesbienne via plusieurs initiatives comme les Dégommeuses et l’association Monique Wittig. De plus, elle est l’une des cofondatrices du seul fonds de dotation lesbien de France, la LIG (Lesbiennes d’Intérêt Général) qui sollicite des dons pour des projets lesbiens. Grâce à ses allées et venues dans les différents réseaux LGBT, elle a une vision large de la communauté lesbienne, ce qui lui permet d’apporter un point de vue différent sur les évolutions des problématiques lesbiennes et une touche particulière aux archives. Quand je demande à Suzette à quel moment elle s’implique aux ARCL, elle me reprend tout de suite. Il n’y a pas de date précise, elle a assisté à leur naissance et y prend part de loin en loin depuis. Journaliste de formation, s’est engagée dans plusieurs revues lesbiennes telles que Quand les femmes s’aiment (1978-1980), Masques (1979-1985), Vlasta (1983-1985), Lesbia magazine (1982-2012), AHLA (Amazones d’Hier Lesbiennes Aujourd’hui – 1982-2014). Depuis une vingtaine d’années, en plus de ses multiples activités, Suzette intervient sporadiquement aux ARCL. (…)

Par Klo

Rendez-vous sur le site des archives lesbiennes

Retrouvez l’intégralité des témoignages dans le numéro 92 de Jeanne Magazine.