Prodiguer des conseils et apporter assistance aux femmes LBQ en matière de rencontres amoureuses et de séduction, c’est le vaste programme auquel se sont attelées Léna et Stéphanie en lançant Drague Queer. Un blog qui a pour objectif de donner quelques clefs pour vivre des histoires d’amour épanouissantes. Rencontre avec les deux partenaires de vie qui réinventent les règles du jeu de la séduction en redistribuant les cartes aux femmes de notre communauté, pour casser les codes de l’hétéronorme. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro d’août de Jeanne Magazine.

Vous avez récemment créée Drague Queer, un projet numérique qui a pour objectif de donner quelques clefs aux femmes LBQ pour faire des rencontres et vivre des histoires épanouissantes. Pouvez-vous nous expliquer comment ce projet a pris vie et quels en étaient les objectifs ? C’est en réalité un projet qui a émergé il y a une dizaine d’années, lorsque j’ai découvert que les conseils que l’on peut trouver visaient uniquement les hommes hétéros (depuis quelques années, ils s’ouvrent aussi aux femmes hétéros). À cette période, je venais de traverser une période de refoulement assez intense, où j’avais décidé de renoncer aux sentiments, suite à des remarques homophobes que j’avais reçues, alors qu’on aurait dû m’encourager à éprouver de l’amour. J’avais donc éminemment pris de retard dans le domaine de la sexualité et des relations par rapport aux jeunes de mon âge. A mes 17 ans, lorsque j’ai fait mon coming out, je n’avais aucune idée de la manière dont je pouvais rencontrer des femmes, ni même s’il était vraiment possible d’être heureuse dans cette orientation. C’est pourquoi j’ai fouillé des conseils sur internet et je suis tombée sur la communauté des séducteurs. C’est là que j’ai découvert que les conseils étaient tous hétéronormés (et parfois franchement sexistes). Je ne m’y retrouvais pas, mais il n’existait pas d’autres choix. Et en réalité, j’ai appris beaucoup aux côtés de certains hommes. J’ai découvert qu’en dehors de ceux qui cherchaient à gonfler leur liste de chasse à base de théorie de l’évolution, il en existait aussi qui ne savaient juste pas comment s’y prendre. J’ai fini par faire beaucoup de rencontres amoureuses. J’ai vécu des relations très variées, de celles d’une nuit à celles de plus long terme, de la relation monogame exclusive à la relation libre ou polyamoureuse, puis les peines de cœur, les relations malsaines, et celles qui portent vers le haut. Et c’est là que j’ai compris que le domaine de la séduction, c’est en réalité un domaine bien plus humain que ce que les médias décrivent généralement. La séduction, ça concerne la rencontre humaine. Les sentiments. Le savoir-vivre, le savoir communiquer et se transmettre. Les espoirs amoureux et leurs déboires. La confiance et l’estime que l’on a envers nous-même. La qualité des relations que l’on peut vivre avec les autres. Et dans notre cas, le fait de s’autoriser à être qui nous sommes et à s’aimer, à aimer. Finalement, je tenais un journal où je racontais mes rencontres avec des femmes et ce que j’en apprenais sur les autres et sur moi-même. Et un jour, une femme m’a remerciée parce que je racontais mes expériences avec un tel naturel et une telle simplicité, que ça tendait à « normaliser » les rencontres entre femmes. Ça lui a donné envie de se lancer à son tour. C’est cette femme qui m’a donné envie de créer ce blog : elle m’a rappelé dans quel état je me trouvais lorsque j’étais perdue et que j’avais besoin de trouver des modèles, des conseils, du soutien. Et j’ai vu que raconter nos histoires sexuelles, amoureuses, pouvait être un moyen de « normaliser » notre orientation et d’aider des femmes à s’accepter. Par la suite, j’ai discuté du projet avec Léna parce que, son avis est certainement celui qui est le plus important pour moi. Elle s’intéresse beaucoup à tout ce qui englobe la culture LGBTQ+ et son enthousiasme m’a définitivement convaincue que ce blog devait exister. L’objectif de ce blog était, au début, de donner des conseils de séduction dédiés aux femmes attirées par les femmes pour les aider à vivre des relations épanouissantes. Pour casser ce désert qui existe dans ce domaine, réservé jusqu’à maintenant aux hétéros et créer cet espace où chaque femme LBQ pourra se sentir entendue, comprise dans son vécu, avec une histoire qui lui ressemble vraiment. Mais il évolue constamment avec tous les échanges que nous avons avec nos lectrices. Elles n’abordent pas ce sujet de la même manière que les hommes hétéros (pour ce que je connais du milieu).

Quelles sont selon vous les principales préoccupations des femmes LBQ concernant la drague, la séduction, la rencontre amoureuse…  ? D’après ce que les lectrices m’écrivent, elles ne savent pas comment rencontrer des femmes, ni comment les aborder, les intéresser, et donc les séduire, questions qu’elles posent régulièrement. Elles savent souvent comment développer des amitiés avec des femmes, mais sans parvenir à passer le cap de la séduction. Il y a beaucoup de femmes qui sont dans la découverte de leur sexualité et qui se demandent comment faire leur premier pas auprès d’autres femmes. Elles imaginent qu’il existe une formule différente, parallèle, par rapport à la séduction hétéro. Je pense que la société participe à construire chez nous l’idée que nous sommes différentes, à part, et que nous avons le devoir de faire différemment, de mettre des filtres, de nous « inhiber ». Que ce domaine ne nous appartient pas. Que nous n’avons pas le droit d’exprimer librement nos attirances, nos affects, par peur de « choquer », d’attiser de l’homophobie ou de « manquer de respect » aux femmes que nous rencontrons s’il s’avère qu’elles sont hétéros. Alors que le vrai enjeu, c’est la manière dont on s’autorise à éprouver nos désirs, et comment l’exprimer aux femmes que nous rencontrons. Il est à noter qu’il y a aussi pas mal de femmes qui ne parviennent pas à se sentir légitimes dans leur orientation, même au sein des lieux LGBTQ+, parce qu’elles adaptent des codes de la « féminité », ou bien parce qu’elles ne sont pas strictement homosexuelles (mais bi, pan, asexuelle…). J’ai l’impression que ces femmes se mettent encore davantage de filtres, parce qu’avant même de se demander si une femme peut être attirée par une femme, elles se demandent comment elles peuvent faire pour montrer qu’elles le sont vraiment… Il existe donc des freins importants à la rencontre.

Avec Drague Queer, on n’est pas dans le conseil « passe-partout », car vous portez un réel intérêt à vous adresser à toutes les femmes de la communauté et à vous pencher sur des thématiques peu abordées dans ce contexte, telles que l’acceptation de son orientation sexuelle, la situation de handicap, les relations toxiques… Pouvez-vous nous en dire plus sur ces thèmes qui semblent être au cœur de Drague Queer ? Nous essayons d’éviter une situation où des lectrices auraient la sensation de se retrouver sur un blog généraliste et hétéronormé, qu’elles puissent reconnaître tout de suite « l’empreinte » et la culture du blog. Je pense que pour écrire des conseils adressés à ces femmes, il ne suffit pas de remplacer « femme » par « femme homo ». Il y a de vraies problématiques liées à la différenciation née de l’hétéronorme. Je pense que les lectrices ont besoin de se sentir reconnues dans leur identité, leur culture, et qu’il est important pour elles de trouver un écho à leurs histoires, et c’était aussi mon cas lorsque je cherchais des conseils. C’est aussi important pour nous de co-construire le blog avec elles. Je pense qu’elles sont les mieux à même de savoir les difficultés qu’elles rencontrent et ce dont elles ont besoin. Aussi, Léna et moi avons deux vécus distincts, et donc deux histoires différentes vis-à-vis de l’homosexualité. Cela permet d’élargir nos questionnements, de les approfondir avec des regards complémentaires. Léna va davantage s’intéresser aux questions de genre, de l’acceptation de son orientation, de la relation amoureuse, de la reconnaissance de ses attirances, de ses sentiments, et à la thématique de la sexualité en elle-même. Alors que j’ai plus de sensibilité pour la rencontre, la relation humaine et la relation avec soi-même, le sujet de la séduction en tant que cas sociologique et toute la thématique de la confiance en soi, de l’estime de soi, du respect de soi. Il y a aussi l’influence de mon métier (éducatrice spécialisée) où j’ai peut-être une conscience plus aiguë de l’humain que d’autres personnes qui écrivent sur le sujet des relations. C’est pourquoi cela nous amène à réfléchir à des sujets différents, comme la situation de handicap, la vulnérabilité ou encore les violences que l’on peut vivre au sein d’un couple. Nous prêtons attention à être le plus inclusif possible pour que chacune puisse se reconnaître à travers le contenu. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons ouvert une section « témoignage ».

(…)

draguequeer.com

Retrouvez l’intégralité de cette rencontre dans le numéro #77 de Jeanne Magazine.

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