Avec pour mot d’ordre : PMA sans condition ni restriction, c’est maintenant !,  la Marche des Fiertés LGBT de Paris partira demain à 14 heures de la Place de la Concorde et célébrera 40 ans de Marches. 40 ans d’un mouvement pour la construction et la consolidation de la communauté LGBTI+. Jeanne Magazine a rencontré Eva et Camille de l’association Lesbotruck+, qui gère le seul char lesbien de la Marche des Fiertés parisienne et qui a, cette année, pour marraine Océanerosemarie.

Né dans l’urgence en 2015, le Lesbotruck est le seul char pour filles de la Marche des Fiertés parisienne. Cette année, le collectif qui le gère a fait peau neuve pour devenir l’association Lesbotruck+, avec toujours un même objectif : rendre les LBT (lesbiennes, bies, trans) visibles. Extrait de l’article publié dans le numéro de juin de Jeanne Magazine.

Eva m’a donné rendez-vous dans un café du sud de Paris. Cheveux bruns très courts et septum au nez, la co-présidente de l’association Lesbotruck+ est déjà attablée à la terrasse avec un ami. Après quelques instants à nous écouter discuter, il hasarde : « Mais heu … C’est quoi en fait le Lesbotruck ? » Eva n’a pas la langue dans sa poche, elle répond du tac au tac : « Bin truck comme camion en anglais, et lesbo comme gouine. Le camion des gouines, quoi ! » Et elle précise qu’il s’agit de l’association qui gère le seul – elle insiste avec une grimace : oui, le seul – char LBT (lesbiennes, bies, trans) de la Marche des Fiertés parisienne. Cet échange d’apparence anodine n’est qu’un exemple de la mission que s’est fixée l’association : donner à la communauté des FSF (femmes qui ont des relations sexuelles avec des femmes) la visibilité dont elle manque.

L’histoire du Lesbotruck commence il y a deux ans, et elle ferait un excellent scénario de film. En avril 2015 l’association Gouine comme un camion, qui gérait le précédent (et toujours unique) char LBT de la Marche, décide de raccrocher les gants pour quelques temps. Pas de char lesbien à la Gay Pride ? Sûrement pas. Dans l’urgence FièrEs, une association féministe lesbienne bie trans, lance un appel. Deux organisations répondent : Cineffable qui organise chaque année un festival de cinéma lesbien, et le collectif culturel féministe Fuck the Name. Seulement deux ? « Oui », répond Eva, « En fait des associations lesbiennes actives il n’y en a pas tant que ça. Et puis il faut avouer que c’était un projet assez dingue, parce qu’on a monté un collectif et un char en trois mois à peine … ». A coup de cagnotte en ligne, soirées de financement et surtout d’huile de coude, le Lesbotruck voit finalement le jour en juin et rempile l’année suivante.

Cette année pour des raisons pratiques, le jeune collectif est devenu l’association Lesbotruck+. Léger changement de nom donc, mais toujours ce même objectif de visibiliser la communauté lesbienne au sens large. « Les gays sont visibles mais nous on n’existe pas dans l’espace public », développe Eva, « On est victimes de deux oppressions conjointes : le sexisme et l’homophobie, on a été élevées dans l’idée qu’une femme ne prend pas la parole en public. C’est contre ça qu’il faut se battre. Parce que pour réclamer des droits, il faut se faire entendre. La visibilité c’est un instrument de lutte. ». Pour Eva comme toute l’équipe du Lesbotruck, la Marche des Fiertés reste un temps très spécial pour la communauté, où il est particulièrement important de se montrer. « On a beaucoup dit que la Pride avait perdu son côté revendicatif, mais dans l’histoire en fait c’est avant tout un moment festif. D’ailleurs, fête et militantisme ont toujours été très liés dans le mouvement LGBTI ». (…)

Par Mathilde Bouquerel | Lesbotruck+

Retrouvez demain le char du Lesbotruck+ au croisement de la Rue Royale et du Faubourg Saint-Honoré.

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A noter qu’à la veille de cette 40è Marche des Fiertés de Paris, la Pride de Nuit appelle pour la 3ème année consécutive à une manifestation festive et revendicative contre toutes les répressions et dominations systémiques, et vous donne rendez-vous ce soir, 23 juin à 18 heures la fontaine des Innocents, Paris 1er.

Lire l’appel ci-dessous :

Over the Rainbow, coalition des non-conformes –

Pour la troisième fois, l’organisation d’une Pride de Nuit à Paris apparaît nécessaire tant les problématiques soulevées les années précédentes demeurent et ont même été réactivées par la campagne électorale : racisme, évolution des droits insuffisante, multiplication des violences physiques comme des discours haineux, instrumentalisation de nos luttes.
De plus, les premiers signaux envoyés par la présidence Macron s’inscrivent dans le mépris de classe, dans la complaisance envers les expressions homophobes et racistes, au mieux qualifiées de « trait d’humour maladroit ».
Dans la prolongation de la répression de l’activisme de gauche.
Dans la répression des expressions politiques autonomes des minorités – sous couvert de justifications pseudo LGBTQI-friendly et féministes.
Dans le contrôle des classes populaires, notamment racisées, par une précarisation et une répression généralisée s’éloignant chaque jour davantage de toute justice.
Dans une chasse accrue aux migrantEs, réfugiéEs et sans papierEs, que ne protègent plus que la solidarité de la société civile soumise elle-même à un harcèlement politique et policier.
Dans une politique économique et sociale qui s’apprête à aggraver la fracture entre celles et ceux qui peuvent se contenter d’une politique LGBTQI des droits et celles et ceux dont les conditions réelles et matérielles d’existence en limiteront de fait la portée.
Discriminations dans l’accès à l’emploi, dans la fixation du salaire, la progression de carrière, face au harcèlement de son employeur, de ses supérieurs et collègues, outing, etc, nous, homos, trans, bi, queer, raciséEs, séropos, atteintEs d’une pathologie grave, handicapéEs, gros-ses, précaires, non-conformes aux normes dominantes, connaissons dans nos quotidiens ce que des négociations renvoyées au sein des entreprises sont susceptibles de produire de violence.

C’est pourquoi nous dénonçons l’instrumentalisation de nos luttes dans le but de déconsidérer d’autres minorités sociales ou politiques, en particulier racisées, et desquelles certainEs d’entre nous font aussi partie. Nous dénonçons les stigmatisations et discriminations qui frappent les unes comme les autres. Et soutenons leurs initiatives visant à combattre ces discriminations.
Nous refusons que l’état d’urgence soit utilisé pour contrôler les expressions des opposants politiques et limiter la liberté de manifester.
Nous refusons que des mesures isolées (y compris plus que nécessaires) soient utilisées pour se dédouaner de la tolérance de l’homophobie qu’elle vienne du plus haut de l’Etat, de groupuscules haineux ou de sphères médiatiques.

Nous combattrons les politiques antisociales qui en aggravant la pauvreté et la précarisation contribuent à l’isolement et à la vulnérabilité des plus fragiles d’entre nous. Et les privent de l’accès aux droits, au logement, au travail, aux soins, à des retraites dignes de ce nom.
Nous nous opposerons à l’uberisation des services publics, notamment de santé, d’accueil des personnes âgées, et d’éducation ainsi qu’au renvoi de la protection des travailleurSEs au self service de la puissance patronale et entreprenariale.
Nous refusons une gentrification de nos luttes, prête à jouer les faire-valoir du libéralisme économique en échange d’un libéralisme sociétal partiel qui distribuerait des primes d’intégration et de représentativité. Et retrace des frontières entre de pseudo-respectabilités.

Et nous continuerons de nous battre pour :
• de véritables politiques publiques de lutte contre les LGBTQI-phobies et le sexisme,
• l’accès déjudiciarisé, rapide, déclaratif et gratuit au changement d’état civil, fondé sur la seule autodétermination, et à terme l’abrogation de la mention de genre à l’état-civil,
• l’arrêt des mutilations et des traitements sans nécessité vitale sur les personnes intersexes, et l’accès remboursé aux opérations et aux traitements pour les personnes trans qui les souhaitent,
• l’ouverture du droit à la PMA à toutes et tous,
• la réforme de l’établissement de la filiation et son inscription sur la base de l’engagement,
• une politique de santé publique respectueuse de critères humains et sanitaires et non économiques,
• des moyens concrets et d’ampleur contre l’épidémie de sida,
• l’arrêt des politiques discriminatoires, stigmatisantes et répressives contre les personnes racisées, les migrantEs, les travailleurSEs du sexe et les classes populaires,
• la fin des politiques de précarisation,
• une vraie politique d’accueil et d’accompagnement des migrantEs, des mesures d’urgence contre les persécutions y compris celles concernant les LGBTQI et la régularisation de tout.e.s les sans papierEs,
• Le développement des alternatives à l’emprisonnement et le respect de la dignité des personnes incarcérées et de leurs droits et accès aux traitements, y compris hormonaux.

Rendez-vous vendredi 23 juin 2017 à la fontaine des Innocents, Paris 1er –
(métro 1, 4, 7, 11, 14 / RER A, B, D Châtelet-Les Halles).

Plus d’informations sur la page Facebook de la Pride de Nuit