Une séparation n’est jamais un moment facile dans la vie d’un couple. Dans un couple lesboparental, elle peut même être un déchirement total pour la mère « sociale » – celle qui n’a pas porté l’enfant -, qui peut être interdite de voir son enfant du jour au lendemain. Si la nouvelle loi bioéthique offre dans certains cas, une protection supplémentaire à ces femmes, le combat judiciaire est encore bien réel pour un grand nombre d’entre elles. L’association Les enfants d’Arc en ciel vient de publier Le cri des cœurs un recueil de témoignages de mamans injustement privées de leurs enfants et qui se battent pour les retrouver. Rencontre avec Céline Cester, présidente de l’association.

Avec l’association Les Enfants d’Arc-En-Ciel, vous venez de publier Le cri des cœurs, un recueil de témoignages abordant le parcours souvent douloureux des mères sociales. Pouvez-vous revenir sur la genèse de ce projet et nous parler de ce statut de mère sociale ? Ce projet est né suite à la mobilisation de plusieurs mamans accompagnées par les bénévoles de l’association. Leur volonté était de rendre visible leurs histoires et de témoigner de leurs combats afin de transformer leur douleur en énergie. Les témoignages présents dans ce livret ont été travaillés tout au long de l’année et mis en forme bénévolement par Mallaury Cantagrel, graphiste et bénévole au sein de l’association. Les « mères sociales » sont avant tout des mamans. Leur spécificité c’est qu’elles n’ont pas porté leurs enfants dans leur ventre, elles le portent dans leur cœur. Le fait de ne pas avoir accouché ne leur a pas permis d’avoir une filiation dès la naissance ce qui a entraîné des problèmes juridiques lors de la séparation. En l’absence de lien de filiation établi, la justice les considère comme des tiers.

Comment ont réagi les mères sociales au sein de l’association à la nouvelle de cette publication ? Cette publication, c’est celle des mamans, elle leur appartient. Elles ont fait preuve de beaucoup d’énergie, de solidarité et de mobilisation pour que ce projet soit possible et puisse être rendu visible en dehors de l’association. Leur volonté c’est de témoigner de leur souffrance, mais aussi d’alerter sur la nécessité de protéger le lien avec son enfant.

Bien souvent ces femmes se retrouvent démunies et seules. Quels sont les recours possibles pour faire valoir leurs droits aujourd’hui ? En effet, elles sont nombreuses à passer la porte de l’association en nous faisant part de ce sentiment d’être seule et isolée dans leur combat. L’association leur offre une écoute, leur permet d’échanger avec d’autres mamans dans des situations similaires et les informe sur les possibilités d’entamer des démarches juridiques. La loi bioéthique puis la réforme de l’adoption ont ouvert de nouvelles perspectives pour certaines femmes. Malheureusement, ces nouvelles lois ne règlent pas toutes les situations et surtout, elles nécessitent encore un combat judiciaire long et coûteux.

Justement, quelles perspectives ont été ouvertes avec la promulgation de la nouvelle loi bioéthique ? Cette loi contient une disposition : la reconnaissance conjointe à postériori qui a permis de résoudre certaines situations de femmes dont les enfants sont nés suite à une PMA à l’étranger avant août 2021. C’est une évolution significative pour certaines familles, notamment pour les femmes qui étaient séparées. Nous regrettons que ce dispositif soit limité dans le temps, trois ans, ça va passer très vite et de nombreuses femmes ne seront pas informées à temps de cette possibilité. 

Si cette condition est insupportable pour les mères sociales, elle doit également être difficile à comprendre pour les enfants. Avez-vous pu partager le regard de ces enfants victimes de la situation ? Effectivement, il ne faut pas oublier que les premières victimes de ces situations sont les enfants. Des enfants qui, du jour au lendemain, se trouvent privés d’un de leur parent et parfois de leurs frères et sœurs. Les femmes qui ont accouché et qui privent l’autre parent de leurs droits réécrivent l’histoire afin de faire disparaître la mère qui n’a pas porté l’enfant. C’est bien vite oublier que ces enfants ne seraient pas là s’ils n’étaient pas issus d’un projet parental commun. Les lois actuelles permettent à ces femmes d’agir en toute impunité ce qui est inacceptable. Ces enfants ont besoin que leur histoire soit respectée et protégée.

Quels seraient vos conseils à nos lectrices pour qu’elles évitent, en cas de séparation, de devoir mener ce combat ? Le conseil le plus important que nous pouvons donner c’est de s’informer sur ses droits dès le début du projet parental et avant de commencer les essais. Pour cela, notre association met à disposition gratuitement sur son site internet de nombreuses informations juridiques et des fiches pratiques.  

Le cri des cœurs est disponible sur le site de l’association Les enfants d’Arc en Ciel.

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