Tomber amoureuse, consommer la passion à fond et s’en aller dès qu’elle a disparu. Dans ma vie, l’histoire a tendance à se répéter. Après une énième séparation, j’ai décidé d’en finir avec la monogamie en série. Je voulais explorer d’autres façons d’aimer.

Essayer le polyamour… et l’honnêteté

J’ai alors entamé une relation polyamoureuse à distance avec une autre femme. Les règles étaient simples : nous étions libres de vivre ce que bon nous semblait, mais elle souhaitait que nous en parlions.

Il était clair qu’elle aurait plus à partager car elle pratiquait régulièrement le sexe sans lendemain. L’attirance physique résultant chez moi d’une connexion émotionnelle, j’évitais en général les fiascos d’une nuit.

Quand je suis tombée amoureuse d’une amie hétéra mariée, j’ai décidé de le dire à ma relation à distance. La conversation a tourné au vinaigre. En plus de devenir glaciale, elle m’a conseillé de bien réfléchir avant de m’immiscer dans ce mariage. Comme si je venais d’avouer l’adultère dans une relation monogame.

Punie pour mon honnêteté, j’ai rapidement mis fin à cette histoire… et à l’expérience polyamoureuse.

Tout est dans le pourquoi

En vérité, je ne ressens pas le besoin d’avoir des relations romantiques ou sexuelles avec plusieurs personnes à la fois. Dans le passé, j’avais pourtant déjà trompé l’une de mes partenaires et proposé à une autre d’ouvrir notre relation.

Exploratrice romantique et sexuelle, mon amie Seah m’avait alors parlé de ce couple qu’elle s’était mise à fréquenter et de son sentiment très désagréable en découvrant que le duo l’invitait dans son lit pour surmonter une crise. « Tout dépend des raisons pour lesquelles tu veux ouvrir ta relation », avait conclu Seah. 

J’avais soudain réalisé que mes raisons étaient mauvaises. Ce n’étaient pas les relations plurielles qui me manquaient à l’époque. C’était le courage de rompre.

L’explosion du polyamour

Autour de moi, le polyamour a plus que jamais le vent en poupe. Mes amies polyamoureuses se livrent à une profonde introspection, pleine de beauté et de défis. Je les vois évoluer au-delà du concept d’appartenance mutuelle et se confronter à leur vulnérabilité. Elles défient la jalousie en acceptant de la regarder en face.

Les relations plurielles nourrissent mes amies et leur apportent un bonheur tout nouveau. Je les admire, mais je ne les envie pas.

L’exclusivité est dépassée

Aujourd’hui, j’entretiens une relation exclusive avec ma meilleure amie hétéra, qui s’avère être lesbienne. Elle habite toujours avec son ex-mari et leurs deux enfants. Et pour nous, faire famille à cinq est une bénédiction.

Cependant, l’exclusivité n’est pas dans l’air du temps. C’est ce que découvre ma partenaire depuis qu’elle mesure l’ampleur du polyamour dans mon entourage. Et ça lui fait peur. Elle se demande quand je vais rejeter la monogamie en série et devenir poly pour de bon.

Le yoyo hormonal

Je partage ses craintes. Chaque fois que je suis en couple, je pense à cette étude montrant que la passion dure de six mois à trois ans. Je redoute le moment où mon corps va cesser de produire ses fabuleuses substances chimiques et où la relation va s’épuiser… Et c’est ce qui se passe d’habitude.

Mais pas avec elle. La date limite est dépassée, et je suis toujours amoureuse.

La routine tue la passion

La vérité, c’est que j’ai peur de perdre ce qui est. J’ai peur de la routine que crée le vivre ensemble. J’ai peur des discussions sur les courses au supermarché, des disputes sur le ménage et autres tue-la passion. J’ai peur d’arrêter de voir ma partenaire sans même m’en rendre compte.

Je suis allergique aux t’as-passé-une-bonne-journée qu’on se demande par habitude et aux baisers qu’on se donne comme des robots. Je suis allergique au « nous » qui efface l’individualité.

Je veux chérir chaque baiser, chaque contact, chaque conversation. Je ne veux rien tenir pour acquis. Je veux célébrer ma partenaire.

Liberté, mon amour

Ce que je veux explorer en ce moment n’est pas le polyamour. Je veux apprendre à vivre ma vie et mes relations le plus consciemment possible. Je veux sortir de mes schémas répétitifs. Je veux chérir ce qui est. Cependant, la monogamie n’est pas ma réponse non plus. Je ne veux pas que ma partenaire soit exclusive par obligation. Je veux qu’elle le soit seulement si elle le veut. Je ne crois pas aux règles – je crois en la liberté.

Élie Chevillet est une militante lesbienne et écrivaine de chroniques queer féministes. Suivez Élie sur Instagram.

Cette tribune a été initialement publiée dans le numéro 109 de Jeanne Magazine.

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