Dans le monde 72 pays condamnent encore l’homosexualité. La raison souvent invoquée pour qualifier l’homosexualité de criminelle est qu’elle serait « contre nature ». Argument avancé dans les discours des religieux fondamentalistes et repris également dans la rue, notamment en France, dans les manifestations contre le mariage pour tous pour refuser aux homosexuels l’égalité des droits. Dans Animaux homos, histoire naturelle de l’homosexualité, Fleur Daugey, écrivaine, journaliste scientifique et éthologue de formation, démonte les idées reçues sur la nature et fait le point sur l’homosexualité animale, qui a été observée par les scientifiques chez 1500 espèces et étudiée chez 500 et ce depuis l’Antiquité. Extrait de l’interview publiée dans le numéro de mars de Jeanne Magazine.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots et revenir sur la genèse de votre livre ? Je suis écrivaine et journaliste scientifique. Éthologue de formation, j’écris principalement sur le thème de la nature : le comportement animal et les plantes. Principalement pour la jeunesse mais aussi pour le grand public. Dans mon travail, j’essaie de démonter les idées reçues sur la nature qui sont nombreuses et faussent notre rapport à elle mais aussi à nous-mêmes. A force d’entendre certaines personnes dire que l’homosexualité serait contre nature, j’ai eu envie d’aller voir si c’était vrai. Et je me suis rendu compte qu’il y avait là matière à un livre car non seulement la réponse était « non » mais le sujet méritait d’être creusé.

Au cours de votre livre, vous cassez de nombreuses idées préconçues sur l’homosexualité animale. Vous expliquez notamment que « comme l’hétérosexualité elle représente une source de plaisir indépendante de la reproduction ». Pouvez-vous revenir sur ce constat ? On continue à penser que dans la nature, sexualité = reproduction. Or c’est faux, et de nombreux biologistes commencent à le dire. Le plaisir précède la reproduction, que l’on ait des rapports hétérosexuels ou homosexuels. On observe de nombreux accouplements entre mâle et femelle en dehors des périodes de reproduction, quand ces dernières sont déjà enceintes ou qu’elles ont leurs règles. Tout simplement parce que la sexualité est une source de plaisir pour les animaux, comme pour nous. L’orgasme est notamment bien décrit chez les primates. L’homosexualité existe aussi tout simplement car elle procure du plaisir aux animaux qui la pratiquent.

L’homophobie ne semble pas exister chez les animaux, comment expliquer vous qu’elle soit si présente chez les êtres humains ? En effet, on pourrait dire, pour ironiser, que ce n’est pas l’homosexualité mais plutôt l’homophobie qui est contre nature [Rires]. Comme l’expliquent de nombreuses études de psychologie sociale, l’être humain, de manière générale, se méfie de la différence, des groupes et des comportements minoritaires. La norme rassure. Vous savez, notre espèce se targue toujours d’être supérieure aux autres, la plus intelligente, la plus morale, etc. En réalité, nous sommes une espèce animale parmi les autres, pour laquelle il est très difficile de comprendre la complexité du monde. Pour donner du sens au monde qui nous entoure, nous portons des jugements rapides, « bien ou mal », nous évitons le différent, l’étranger. Il nous faut dépasser ses tendances automatiques pour devenir des êtres humains ouverts, empathiques, tolérants.

(…)

Animaux homos de Fleur Daugey (Albin Michel)

Retrouvez l’interview de Fleur Daugey en intégralité dans le numéro de mars de Jeanne Magazine. N’oubliez pas qu’en vous abonnant à Jeanne, vous permettez à votre magazine 100% lesbien de continuer à vous proposer plus que 80 pages de contenu exclusif chaque mois !