Originaire de Guadeloupe et de Haïti, Pierrette Pyram est la présidente et fondatrice de l’association Diivinelgbtqi+, qui à pour vocation de visibiliser les personnes afrodescendantes, afro-caribéennes et racisées LGBTQI+. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro d’octobre de Jeanne Magazine.

Pouvez-vous revenir sur les débuts de l’association Diivineslgbtqi+ et nous parler de ses objectifs lors de sa création ? L’association est née du constat que les luttes intersectionnelles (cumul des oppressions sur le genre, l’origine et l’orientation sexuelle) n’étaient pas ou très peu portées par celles qui cumulaient les trois oppressions : femme noire lesbienne. Une invisibilité aussi bien due au système sociétal qu’au regard porté par les communautés afrodescendantes elles-mêmes. Les objectifs de l’association sont divers et collent à l’actualité politique, car tout est politique. Nos actions passent par le soutien aux femmes lesbiennes noires à sortir du « placard », et à se visibiliser avec fierté, et elles s’étendent aussi à la communauté lgbtqi+ et à la communauté afrodescendante. Nous voulons que la communauté afrodescendante (pas que lgbtqi+) soit visibilisée et représentée avec justesse pour mettre en avant toutes nos compétences, culturelles, artistique et artisanale. D’où le terme « Diivines » : être fièrEs, fortEs, FÒS en créole. Inclure la société dans nos événements, c’est permettre une visibilité lesbienne noire au sein même de société dominante patriarcale, caucasienne : par exemple avec notre « table stand visibilité représentativité, d’informations » qui porte majoritairement sur les personnes militantes LGBTQI+ noires Audrey Lord et Angela Davis. Tout est lié, on ne vit pas « à part », la fierté « diivines » c’est d’être fière en tout lieux. C’est également lutter contre le racisme, la lesbophobie, l’homophobie,  les LGBTQIphobies, le sexisme, la misogynie, le validisme (…)

Quelles sont les principales actions que vous menez  et par quel biais ? Ouvrir la voix, pour citer un film que nous avons projeté dans le cadre de l’un des  événements de l’association à l’Ecole des beaux-arts de Paris. Cela peut paraître prétentieux, mais en réalité c’est très simple : c’est juste démontrer qu’on peut se lever, s’assumer, s’unir, être solidaire, et tout le monde peut le faire. C’est aussi se visibiliser, surtout par les réseaux sociaux, en mettant en avant la culture, la créativité, le sport, les artistes… Nous agissons également par la rencontre, le partage, l’interaction et l’intersynergie à travers des événements, des rencontres, débats, soirées, projections de films, et des conférences, et nous sommes présentes dans les luttes LGBTQI, les manifestations antiracistes, afro-féministes, anticapitalistes et anticoloniales.

Quelles sont les principales demandes de vos adhérentes ? Nous n’en sommes qu’au début et un gros travail reste encore à effectuer. D’où l’objectif principal de l’association Diivineslgbtqi+ qui porte sur la visibilité et la représentativité. Les demandes vont de la création de lieux, structures, événements afro-caribéens LGBTQI+, qui tiendraient concrètement compte de la diversité noire à une aide sociale, sociétale pour sortir du « placard » pour ne plus se sentir seule car la difficulté est triple : la famille, la communauté dans laquelle vit la famille, et comme toutes personnes lesbiennes, bies, homos, trans, intersexe ; la société patriarcale hétéro-normée où l’on vit. Une demande importante est aussi d’être ensemble face à la triple oppression : femme, lesbienne, noire. Une personne noire peut subir du racisme. Une femme lesbienne noire va devoir supporter les oppressions du racisme, du sexisme, du patriarcat, du systémisme d’état, et elle aura en plus la lesbophobie à combattre. Les oppressions s’additionnent, se cumulent. (…)

Le militantisme par la culture, le devoir de mémoire et la mise en lumière d’artistes afro-caribéennes est un angle important d’action pour l’association. En quoi diriez-vous que cet héritage est important ? Quels étaient vos modèles en grandissant ? Cet héritage est très important car il a été invisibilisé, parfois volé, parfois réprimé ou détruit dans l’histoire. Et imaginez pour ce qui est de l’héritage des femmes afro-caribéennes et rajoutons lesbiennes : invisibilité totale. (…)

Vous êtes actuellement en train d’organiser un festival féministe queer et anticapitaliste à Montreuil. Pouvez-vous nous en dire plus sur cet événement à venir ? Ce festival est le premier festival queer, féministe, anticapitaliste qui aura lieu à Montreuil du 1er au 3 novembre. Je suis très enthousiaste car il est co-organisé avec plus de 40 personnes et collectifs LGBTQI+ de la région parisienne qui seront concrètement sensibilisés à l’importance de la visibilité et de la représentativité LGBTQI+, afro-caribéenne,afrodescendante. Même si le public sera majoritairement caucasien, nous nous rendons responsables de notre visibilité et de notre représentativité authentique LGBTQI+ noire dans les événements phares de la communauté LGBTQI+ déjà en Ile-de-France, afin d’apporter de la force jusque dans nos régions originaires Caraïbe-Afrique où faire son coming-out est encore tabou, voire impossible,car l’homosexualité y est criminalisée. Je me rends compte de la chance de vivre à Paris, dans une capitale respectant les droits humains. Je suis une personne rigoureusement solidaire avec les personnes afrodescendantes LGBTQI+ qui ne peuvent pas s’exprimer.

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