« Avec Gouine des Champs, je revendique que les personnes queer n’habitent pas qu’à Paris ou dans les grandes villes, mais que nous sommes là, à tenir l’épicerie du village ou à cultiver les produits que vous mangez ». Rencontre avec Max, corrézienne de 24 ans, qui a créé un compte sur Instagram pour visibiliser et fédérer les personnes LGBT vivant en campagne. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro 83 de Jeanne Magazine.

Il y a un peu plus d’un an, vous avez créé le compte Instagram, Gouine des Champs, afin de visibiliser les lesbiennes qui vivent à la campagne. Pouvez-vous nous expliquer les origines de ce projet de visibilisation ? En fait, il y a plus d’un an et demi, j’ai déménagé en Corrèze après trois ans à vivre à Bordeaux. Je viens d’un tout petit village du Nord, où je ne connaissais pas de personnes LGBT, et mon éveil militant s’est fait seule et sur internet. C’est en vivant dans une grande ville de mes 20 à 23 ans que j’ai pu commencer à militer, manifester, échanger et rencontrer d’autres gens, où j’ai pu m’engager de façon active. Alors, quand j’ai voulu quitter la ville, car c’est un endroit qui ne me correspond pas, j’ai voulu garder ce lien militant – et c’est là que je me suis aperçu du manque de représentation. Je me disais, « c’est pas possible, je ne suis pas la seule gouine de la diagonale du vide ! » Alors, un peu par frustration et un peu pour me rassurer, j’ai créé ce compte. Je ne m’attendais pas à ce qu’il résonne autant, mais je suis heureuse d’avoir pu créer un espace de parole et d’échange. Avec Gouine des Champs, je revendique que les personnes queer n’habitent pas qu’à Paris ou dans les grandes villes, mais que nous sommes là, à tenir l’épicerie du village ou à cultiver les produits que vous mangez. Je voulais mettre en lumière les problématiques spécifiques aux personnes LGBT vivant en campagne : l’éloignement, l’isolement, la difficulté de rencontrer d’autres personnes, de militer…, mais aussi toutes les joies et la beauté d’une telle vie. Pour rassurer aussi les jeunes vivant encore dans le nid familial, et pour fédérer.

De plus en plus d’associations LGBT en France cherchent à développer leur présence en milieu rural. En quoi pensez-vous, qu’en 2021, on vit différemment être une personne LGBT selon qu’on réside en ville ou à la campagne ? Il y a en effet de plus en plus d’initiatives ces derniers temps et c’est fantastique et nécessaire. Je pense que la différence majeure est l’éloignement. Surtout avec les réseaux sociaux, il est facile de savoir ce qu’il se passe à Paris, Bordeaux, Lyon… les manifestations, les soirées (quand on pouvait encore), les lieux spécifiquement queer, n’existent pas ici et nous devons donc regarder toute l’agitation de loin, ce qui peut aussi créer une sorte de frustration. Idem pour rencontrer quelqu’un : Tinder est très vite à sec, et les lesbiennes ne courent pas les rues. Enfin, de ce que l’on croit ! Les rapports de classes, le qu’en dira-t-on, sont également très présents.

Le milieu rural porte aussi son lot de stéréotypes, mais dans les faits, de nombreuses femmes reconnaissent, par exemple, être moins exposées au harcèlement de rue que dans les villes (étude INED décembre 2017). Comment faire pour tordre le cou à ces préjugés selon vous ? Il faut commencer par éduquer à propos de ce qu’est la ruralité. Je veux dire, le regard citadin sur la campagne repose sur les vieux clichés dus à un manque de connaissance ou d’intérêt. Il faut changer la mentalité des citadins sur la « province » (terme horrible). C’est aussi ce à quoi j’aspire avec ce compte ; il est primordial d’interroger la source des clichés et de déconstruire nos images. C’est également une autre façon de vivre : le harcèlement de rue existe peut-être moins (déjà parce qu’il n’y a pas les transports en communs, et on ne croise pas des centaines d’hommes par jour en marchant dans la rue), mais également parce que les discriminations s’opèrent de façons différentes ou ne sont tout simplement pas adressées directement.

Il est cependant vrai qu’à la campagne, les rencontres sont plus compliquées dû au manque de lieux dédiés. En quoi, selon vous, être ouvertement LGBT, à la campagne, peut se révéler être un acte fort de militantisme et de visibilité ? Comme je le disais, l’un des principaux soucis est le manque de visibilité. Nous pensons être les seules personnes LGBTQ à 30 kilomètres à la ronde simplement parce que nous ne voyons pas les autres ! En affichant fièrement et ouvertement ma sexualité, soit par mon militantisme, ou par du flagging (je ne quitte d’ailleurs pas mon sac « butches are pretty » fait par Rizzo Boring, ou avec des pins par exemple) cela envoie un message aux autres personnes queer que je peux éventuellement croiser qu’iels ne sont pas  seul.es. Bien sûr, tout le monde vit et s’affiche différemment, mais j’aime échanger ces petits codes. C’est aussi montrer que l’on n’a pas peur d’être qui on est, quand je vais me balader main dans la main avec ma copine ça montre à toute.s – hétéro ou non – que les lesbiennes sont partout, pas seulement en ville ou sur internet. (…)

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Retrouvez Max sur Instagram pour suivre l’actualité de Gouine des Champs.

Retrouvez l’intégralité de cette rencontre dans le numéro #83 de Jeanne Magazine.

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