Avec pour fil rouge l’EXIL, la réalité des lesbiennes de l’exil, la 22è édition du Printemps lesbien de Toulouse qui vient de débuter célèbre également le 30è anniversaire de Bagdam Espace Lesbien, l’association organisatrice de l’événement. Pour Jeanne Magazine, Brigitte Boucheron, la présidente de l’association, revient sur l’évolution du militantisme lesbien et nous parle de cette nouvelle édition. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro de mars de Jeanne Magazine.

Pouvez-vous revenir sur la création du Printemps lesbien de Toulouse ? La naissance du premier Printemps au milieu de la décennie 90 n’est pas vraiment un hasard, elle correspond à un « frémissement » d’intérêt de la société française pour l’existence lesbienne : à partir de 1995, la présence lesbienne s’accentue chez les éditeurs (quelque 200 parutions pour la décennie – en 1990, le prix Goncourt du premier roman avait été décerné à Hélène de Monferrand pour son roman Les amies d’Héloïse) ; le distributeur de films Pyramide achète les droits de diffusion du film lesbien de l’Américaine Rose Troche, Go fish, qui sort en France en 1995 et, premier déclic, Bagdam le programme dans un des cinémas du centre-ville. L’affluence est telle que nous avons dû refuser l’entrée à plus de 100 lesbiennes ! Presque une émeute… L’année suivante, nous apprenons que la poète lesbienne québécoise Nicole Brossard sera à Paris au printemps ; second déclic, nous la contactons et construisons le premier Printemps lesbien de Toulouse autour de sa venue. Et nous voilà 22 ans plus tard…

Cette nouvelle édition du Printemps lesbien est aussi l’occasion de célébrer le 30è anniversaire de Bagdam, et le 30è anniversaire de la création de Bagdam Cafée. En quoi diriez-vous que le militantisme lesbien a évolué au cours de ces 30 dernières années ? On est passé de « changer la vie » à la revendication de droits. Les mots libération et révolution étaient les maîtres mots, aujourd’hui, égalité et droits sont les maîtres mots, ce qui change bien des choses. Une chose essentielle a changé : les jeunes lesbiennes ont perdu du terrain sur le plan de la légitimité et par conséquent sur celui de la visibilité et de l’exigence de non-mixité, qui est essentielle pour penser lesbien, pour nourrir la culture lesbienne, conforter les bases d’une légitimité, d’un « moi lesbien » solide, d’un territoire mental lesbien pérenne, grâce auquel, par exemple, depuis 22 ans, les bagdamiennes ont pu créer des événements lesbiens en hétéroland à partir de 1996, année du premier Printemps lesbien de Toulouse. Cette année, lors de la manif du 8 mars, à Toulouse, pas une seule pancarte lesbienne, alors qu’il y avait beaucoup de monde et beaucoup de lesbiennes ! On se croirait revenues au tout début du mouvement des femmes des années 1970 où les lesbiennes ont rongé leur frein sous domination hétéro-féministe pendant plusieurs années avant de s’exprimer, de créer leurs propres espaces et leur propre mouvement. Ces jours-ci, nous avons rencontré un groupe de jeunes lesbiennes qui songent à créer un groupe de… féministes radicales. De féministes, pas de lesbiennes… Alors qu’il était clair dans leur discours que la non-mixité et l’expression lesbienne leur tenaient à cœur, mais elles « n’osaient » pas !

Différentes thématiques seront soulevées pour cette 22è édition, comment avez-vous choisi les thèmes pour cette année et les intervenantes qui apporteront leur expertise à ces questions ? Le thème de l’exil allait de soi, puisque nous connaissons et accompagnons des lesbiennes réfugiées à Toulouse. Nous avons donc invité la sociologue et enseignante Salima Amari, qui vient de publier Lesbiennes de l’immigration, la première recherche approfondie sur les lesbiennes d’origine maghrébine en France. Nous avons aussi invité Marthe Djilo Kamga, réalisatrice du documentaire Vibrancy of Silence, A Discussion with My Sisters, auteure et cinéaste d’origine camerounaise, qui vit à Bruxelles. Elle est cofondatrice et coordinatrice du festival Massimadi, « festival des films LGBT d’Afrique et de ses diasporas ». L’exil sera aussi présent dans le concert de clôture, donné par la grande musicienne Katerina Fotinaki, qui vit à Paris, loin de sa Grèce natale. (PS qui n’a rien à voir : Katerina a conçu un programme spécialement pour le Printemps lesbien où elle fera dialoguer Sappho avec Gertrude Stein, Louise Labé, Edna St. Vincent Millay, Connie Converse !). Le thème Notre histoire s’imposait aussi puisque nous fêtons le 30è anniversaire de la naissance de Bagdam. Nous évoquerons les pionnières du cinéma lesbien à travers le riche documentaire de Caroline Berler, Dykes, Camera, Action ! où intervient notamment l’une des grandes, Barbara Hammer, qui vient hélas de mourir et à laquelle nous rendrons hommage. (…)

www.bagdam.org

Retrouvez cette rencontre en intégralité dans le numéro de mars de Jeanne MagazineEn vous abonnant à Jeanne, vous permettez à votre magazine 100% lesbien de continuer à vous proposer 90 pages de contenu exclusif chaque mois !