En 2022, un collectif d’associations et de personnes militantes s’est mobilisé pour répondre à un criant constat : l’absence de lieux et d’occasions d’évoquer les sujets liés aux genres et aux sexualités, dans le Morvan. C’est ainsi qu’est né le Festival Morvand’iel, une initiative audacieuse et nécessaire. Marine, membre du collectif, nous présente la deuxième édition de cet événement, qui se tiendra les 9 et 10 juin à Brassy. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro 108 de Jeanne Magazine.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Je m’appelle Marine et je suis arrivée dans le Morvan est après un « long » chemin salvateur de déconstruction, d’acceptation et de fierté d’être lesbienne-queer. J’aurai voulu en faire une fête mais la fête n’a pas eu lieu… Alors pas question de rester isolée après cette traversée du désert qui m’a permis de comprendre la nécessité d’être entourée d’un réseau communautaire. C’est là que j’ai rencontré le super collectif d’organisation du Festival Morvand’iel qui commençait à préparer la deuxième édition.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les raisons qui ont motivé la création du Festival Morvand’iel GenreS et SexualitéS ? Le festival est né de l’urgence et de la nécessité de sortir de l’isolement que connaissent les personnes des communautés LGBTQIA+ en milieu rural du fait d’absence de milieu communautaire pour évoquer les sujets liés aux genres et aux sexualités, pour faire réseau, pour créer du lien et se rencontrer dans le Morvan. L’idée aussi étant aussi de faire connaître les démarches de transition de genre, la diversité de nos sexualités et orientations sexuelles, de faire respecter l’égalité des droits de chacun·e, en toute bienveillance. La volonté du collectif a été dès le début de s’adresser aux personnes concernées et au grand public avec une programmation variée, sans oublier les enfants pour qui un espace dédié est aménagé.
Cela est très bien incarné par le collectif d’organisation du festival puisqu’il est composé de d’associations de soutien (Peirao et La coopérative des savoirs), de personnes concerné·es et d’allié·es tou·te·s bénévoles. Le festival est d’ailleurs entièrement auto financé et fait l’objet d’une cagnotte de soutien sur Hello Asso pour l’édition prochaine.

Quels seront les moments forts de la programmation de cette deuxième édition du festival qui aura lieu les 9 et 10 juin prochains ? Les 9 et 10 juin seront marqués par une programmation riche :
Des ateliers : autodéfense féministe pour ado animé par Max, atelier d’éducation sexuelle par Le Petit Bordelle de Misungi.
Des spectacles : Requiem for a queer, spectacle de marionnettes, créé par la compagnie L’entre deux mondes et L’Arnaque de la princesse, conférence gesticulée par Antinéa Lestien, Drag Show avec des membres de la King Factory
Des expositions : Vulves d’Aline Ribet, Exposition photo sur la marche Exitrans de Sylvie Guibert
Des jeux : avec Gender Games, maison d’édition féministe, queer et engagée de jeux de société, située dans le Jura
De la lecture : Infokiosque qui regorge de brochures pour se questionner et déconstruire ses représentations, tenu par Julie, la librairie L’autre monde qui proposera une sélection de livres, essais, bd, romans pour petit·e·s et grand·e·s
De la musique et des chansons : Chorale féministe du sud Morvan les Ourageuses, DJ set par les Acablantes, sound system féministe et militant.
Et aussi des cours-métrages et des discussions…
La cantine est à prix libre, au bar la bière est locale, brassée pour l’occasion par le collectif d’organisation du festival et la microbrasserie Odile t’en brasse.

Vous mentionnez l’absence de lieu communautaire dans les milieux ruraux et l’isolement que cela entraîne. Comment le Festival Morvand’iel GenreS et SexualitéS contribue-t-il à combler ce vide, à sensibiliser aux réalités des communautés LGBTQIA+ et à créer un réseau solidaire pour les personnes LGBTQIA+ en milieu rural ? L’organisation du Festival Morvand’iel GenreS et SéxualitéS est une façon de combler l’absence de lieu communautaire par la réappropriation de l’espace public et la visibilisation de nos communautés même si c’est temporaire. Face au désert que nous vivons, cela reste à souligner. Mais force est de constater que le festival ne dure que deux jours et qu’il n’est pas si simple de constituer un réseau communautaire si vite. Aussi, les besoins de réseau et de lien social communautaire ne s’arrêtent pas après les deux jours de festival qui est l’amorce nécessaire à la création d’un réseau pour les personnes LGBTQIA+.
C’est pourquoi des membres de l’organisation du festival ont souhaité aller plus loin, en proposant des rencontres régulières à partir de la rentrée 2023. Un panneau sera affiché au bar pour expliquer cela et inviter les personnes qui le souhaitent à s’inscrire à l’adresse mail lescargote@riseup.net.

Quels sont les principaux défis auxquels les personnes LGBTQIA+ sont confrontées en milieu rural ? Les défis sont multiples et agissent à différents endroits mais globalement, ils relèvent de la possibilité d’être soi-même, épanoui·e, sans se cacher et sans avoir peur d’être visible par peur du rejet ou de subir de nombreuses micro-agressions permanentes qui mènent à de plus graves violences du fait d’être différent·e de la norme cis-hétéropatriarcale. En effet, la violence commence petit puis grandit car sa banalisation autorise à aller plus loin et à ‘‘subir plus’’ par différents mécanismes bien connus des scientifiques et sociologues.
Aujourd’hui encore, faire son coming out, c’est prendre tous ces risques ce qui mène à un état d’hypervigilance constant et épuisant qui peut avoir un impact fort délétère sur nos santés mentales en plus du fait que, ne pas pouvoir être soi- même c’est mourir à petit feu.
Concrètement, les grands défis passent donc par la sortie de l’isolement, la possibilité d’être reconnu·e et accepté·e dans son entièreté et par la possibilité de faire des rencontres qui permettent d’être soi-même. Cette opportunité c’est aussi trouver des espaces de désirabilité, ou l’on peut désirer quelq’un·e et se sentir désiré·e et pas seulement par intermittence ou dans l’espace privé car ces lieux n’existent pas. Aujourd’hui nous n’avons que les sites de rencontres pour faire cela, « comme beaucoup d’hétéros me direz-vous » mais ce n’est pas un choix, c’est une nécessité avec toutes les contraintes et désagréments que cela peut comporter. Judith Duportail montre bien dans son essai L’amour sous algorithme que la programmation des algorithmes des sites de rencontres (pour hétéros) n’est pas faite pour que ça « matche ». Il n’y a pas de raison que les personnes LGBTQIA+ soient mieux loties, d’autant que nous en avons vraiment besoin. Business is business…
C’est pourquoi la création d’un réseau communautaire est vitale et essentielle dans la compréhension, la reconnaissance de nos vécus mais aussi comme espace de solidarité, de répit, d’organisation, d’émancipation et de fleurissement. Quand la société par ses normes nous renvoie en permanence qu’il n’est pas possible d’être épanouie ou qu’il faut nous cacher nous en décidons autrement !

(…)

Photos Nadine Ulrich

Retrouvez toute l’actualité du festival Morvand’iel sur la page Facebook de l’événement.

L’intégralité de la rencontre est disponible dans le numéro 108 de Jeanne Magazine.

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