Passionnée par les fictions cinématographiques et télévisées, Alice Turner nous présente son premier roman, Quand Camille Rencontre Oli, sorti aux Editions Reines de Cœur. L’histoire de deux femmes que tout oppose et qui apprennent à se connaître à l’occasion d’une colocation. Rencontre avec l’autrice. Rencontre publiée dans le numéro 86 de Jeanne Magazine.

Pouvez-vous vous présenter aux lectrices de Jeanne Magazine ? Bonjour. Je suis belge et autrice à la maison d’éditions Reines de Cœur depuis fin 2015, où ma nouvelle Sept jours a gagné l’un des deux prix du concours de Noël. Depuis, j’ai sorti une seconde nouvelle, intitulée Chaud et Froid et aujourd’hui, mon premier roman Quand Camille rencontre Oli. Autant vous dire, que je suis surexcitée par cet événement ! Mes études et mon parcours professionnel n’ont aucun lien de près ou de loin avec la littérature, et je n’ai jamais été une grande bouquineuse… Donc a priori, rien ne m’aurait prédestinée à devenir autrice. Par contre, j’ai un réel attrait pour la construction des histoires et les techniques de dramaturgie dans les séries TV et les films. Ces deux médias m’ont donc conduite vers l’écriture de fiction quand je n’avais pas ce que désirais à l’écran. Ce n’est pas pour rien que mon amour pour la fiction cinématographique et télé se ressent dans mes histoires.

Quand Camille Rencontre Oli est votre premier roman, comment s’est déroulée l’écriture de celui-ci ? C’était très long et douloureux ! [Rires] Si la publication de mes deux nouvelles m’a beaucoup appris sur le processus d’écriture, un roman entier, c’est un travail complètement différent. Il faut aller plus en profondeur dans les personnages, les thèmes, garder un rythme et tenir la route sur des centaines de pages… En fait, l’histoire de Quand Camille rencontre Oli je l’avais depuis des années. Les rebondissements, les arcs narratifs, la fin, tout était déjà établi. Et j’avais même déjà un premier jet écrit. Cependant, mes personnages n’étaient pas encore assez travaillés. Si beaucoup d’autrices créent d’abord leurs héroïnes et se laissent ensuite porter par celles-ci pour raconter une histoire, moi, c’est tout l’inverse. Je construis d’abord le scénario avec les rebondissements et la fin qui me plaît. Ce n’est qu’ensuite que je recherche quels personnages avec quel passé et quel caractère pourraient s’intégrer dans mon récit et faire que l’histoire va se dérouler comme je l’avais planifié. Alors évidemment, certaines choses prévues doivent sauter quand ça ne colle plus, mais c’est ma manière de créer. Le plus important pour moi, c’est l’intrigue. Les personnages peuvent venir après. Mais ça ne signifie pas qu’ils sont moins fouillés. Loin de là. Contrairement aux nouvelles courtes, les personnages d’un roman doivent être plus réalistes, nuancés et moins caricaturaux. Donc, j’avoue que pour moi, le travail sur les protagonistes a été une des tâches les plus ardues, car c’est ce qui va rendre l’histoire et les personnages vraisemblables.

Pouvez-vous nous parler de votre histoire, une belle romance lesbienne ? C’est la rencontre entre Camille une Parisienne qui cherche une colocataire et Olivia, une Belge en quête d’un logement dans la capitale. Camille est extravertie, dynamique, mais aussi très maniaque. Au contraire, Olivia est plus réservée et posée. Au début, Camille aura des réticences et n’acceptera pas Olivia comme colocataire. Mais évidemment, comme dans toute bonne romance qui se respecte, un événement va finalement les réunir et elles vont très vite devenir amies. Si l’une est lesbienne, l’autre se croit encore 100% hétéro. Je pense ne rien gâcher en révélant qu’elles vont évidemment tomber amoureuse l’une de l’autre… Par contre, ce roman ne raconte pas uniquement la période « avant » la formation du couple, mais aussi celle « d’après », avec ses hauts et ses bas. Je n’en dis pas plus ! Ce que je peux rajouter, c’est qu’il y aura énormément d’humour et j’espère aussi de l’émotion.

Camille et Olivia sont très différentes et pourtant très semblables, non ? Elles cherchent l’amour toutes les deux… Elles sont en effet toutes les deux à une période de leur vie où elles recherchent l’amour, mais chacune à sa façon. Elles ont notamment des visions très différentes des relations de couple. Donc je n’irai pas jusqu’à dire qu’elles sont semblables. Car sur le papier, elles sont incompatibles et a priori rien n’aurait pu les rapprocher. Après, comme on dit, le cœur a ses raisons que la raison ignore… Si évidemment avoir des points communs est une bonne base, je suis de celles qui pensent que ce n’est pas l’essentiel dans une relation. Ça peut même être au contraire très enrichissant de rencontrer des différences. Les deux jeunes femmes vont ainsi pouvoir s’apporter et s’apprendre mutuellement des choses pour évoluer ensemble tout au long du roman.

Camile est une hétéro qui ne va pas se révéler hétéro si longtemps, n’est-ce pas ? C’est vrai. Sinon le roman n’existerait pas et ça ne m’aurait pas arrangé en tant qu’autrice ! Blague à part, ce qui m’a intéressée et amusée dans ce roman, c’est d’aborder également, comment une personne a priori hétéro pouvait ressentir et développer des sentiments pour une femme, qui plus est son amie et sa colocataire. Elle se pose des questions, a des doutes, a des comportements étranges et finalement va accepter son désir… En plus, une hétéro qui vire de bord, n’est-ce pas la base de 80% des histoires d’amour entre femmes ?

L’humour est très présent et en même temps, vous abordez des sujets assez forts et profonds. Une manière d’alléger l’atmosphère ? Je pense que la comédie est l’un des rares registres qui peut s’intégrer dans tous les genres d’histoire. Tout le monde aime rire, non  ? Donc, pourquoi s’en priver  ? Personnellement, il me serait impossible d’écrire une histoire si je ne peux pas en rire par moment. Je ne sais pas si je peux dire que c’est mon  «  style  », mais c’est ma patte d’écrivaine en tout cas. Donc, quelles que soient mes prochaines publications, il y aura toujours de l’humour. C’est ce que j’aime lire et ce que j’aime écrire. Comme vous le mentionnez, il y a des sujets assez forts abordés dans Quand Camille rencontre Oli et l’humour est en effet un bon moyen d’alléger l’ambiance et de laisser les lectrices (et l’autrice) respirer. Si mon intention en tant qu’autrice est de toucher les lectrices, j’ai aussi envie qu’elles passent un bon moment. J’aime donc cet équilibre entre la comédie et le drame. En effet, un roman trop « sérieux » a le risque d’être lourd côté émotion et un roman trop centré sur le comique pourrait paraître superficiel.

Il est beaucoup question du passé pour expliquer les actions présentes. Vous pensez qu’on peut toujours évoluer et apprendre de ses erreurs ? J’en suis persuadée. On pourra évidemment répéter des erreurs, mais je pense que chacune d’elles est une expérience de vie et module la personne que nous sommes aujourd’hui. Faire référence au passé des personnages me permettait donc d’expliquer et de comprendre certains de leurs comportements actuels. Camille et Olivia vont rencontrer des difficultés et commettre des erreurs, mais on ne peut pas les blâmer. Chacune a ses raisons d’être et d’agir. Elles font de leur mieux. Et chacune pense en toute bonne foi, être dans le bon. Il n’y a pas d’un côté les gentils et de l’autre les méchants. Car on a toutes un parcours de vie différent qui nous fait réagir différemment face aux situations. Ensuite, le plus dur est évidemment de prendre le recul nécessaire et de voir si c’était le bon choix ou non, et de voir si on va continuer dans ce schéma ou non. Ce n’est facile pour personne, mais oui, Olivia et Camille vont apprendre de leurs erreurs et cela leur permettra d’évoluer au cours du roman.

Les références cinématographiques sont très nombreuses dans votre histoire. Vous l’avez toujours imaginé ainsi ? Honnêtement, ce n’est pas quelque chose que j’avais planifié en me lançant dans le roman. C’est plutôt venu en cours d’écriture. J’ai toujours aimé détecter les clins d’œil ou références dans les films et les séries TV. C’est super pour ceux qui les trouvent et ça passe inaperçu pour les autres. Donc si je devais imaginer un nom de famille, un nom d’un lieu ou une date, au lieu de les choisir au hasard, j’essayais de trouver une référence au septième art. Ça m’a beaucoup amusée et j’espère que les lectrices le ressentiront. En plus, ça leur donnera une bonne raison pour relire le roman et aller à la chasse aux références… Elles sont nombreuses, parfois flagrantes, parfois plus subtiles… Il y a également plusieurs citations cultes de cinéma dans les dialogues. Pour le reste, je vous laisse chercher  !

Peut-on vous demander quel est votre film préféré et pourquoi ? Forrest Gump, sans hésitation. Je trouve ce film parfait car il réunit tous les ingrédients d’une bonne histoire à mon goût. Il y a de l’humour, du drame, des surprises, beaucoup de clins d’œil à l’Histoire, des références culturelles, de l’émotion, de la romance et de l’amitié. C’est également un récit qui retrace la vie entière du héros. On ne se focalise pas juste sur une période de sa vie. On voit son passé, son présent et son futur. Ce film est donc un combo parfait de tout ce que j’aime dans les histoires en général.

Si vous deviez dire un mot aux lectrices de Jeanne Magazine pour les inviter à lire votre histoire, ce serait ? Quand Camille rencontre Oli est la romance que j’aurais aimé lire, soit une histoire d’amour réaliste, drôle, avec des surprises, du drame, de l’émotion et des hauts et des bas. Bonne lecture à toutes  !

Quand Camille rencontre Oli d’Alice Turner (Editions Reines de Cœur)

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