Audrey et Marie, membres du collectif féministe et lesbien Les Bavardes, engagé pour la visibilité de toutes les femmes, se sont rendues au Bénin, à la rencontre des associations et des militantes féministes et LGBT. Pour Jeanne Magazine, elles reviennent  sur leurs échanges avec l’association Afro-Bénin et témoignent de la force de leur activisme dans un pays où les libertés sont restreintes pour les personnes LGBTQI+. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro de septembre de Jeanne Magazine.

Cet été, vous vous êtes rendues au Bénin pour partir à la rencontre de militantes lesbiennes issues de l’association AfroBénin. Pouvez-vous revenir sur les débuts de ce projet et nous expliquer comment tout a commencé ?
Marie : Je suis aussi salariée du GAS, comme responsable de projet et on mène, certes des actions en France, mais on travaille aussi avec une ONG béninoise, RACINES, au travers d’un projet d’accompagnement de femmes vulnréables. En tant que présidente, Audrey nous accompagne souvent en mission sur le terrain afin de rencontrer les équipes, appuyer les formations et réfléchir aux modalités d’action du projet. Notre engagement croisé, au sein du GAS et des Bavardes renforce la vision intersectionnelle et inclusive que l’on porte dans notre militantisme.
Audrey : Et comme je mène, parallèlement, un travail de recherche sur le militantisme lesbien contemprorain dans une perspective Nord/Sud au sein du Master Sociologie spécialité Genre de Paris 7, j’ai profité de ma présence au Bénin pour rencontrer des associations et des militantes féministes et LGBT. Ce fut une immense joie et une grande chance de rencontrer Afro-Bénin et de découvrir l’étendue et la force de leur activisme, au quotidien et en permanence, dans un pays dont les libertés sont restreintes lorsque l’on est LGBTQI+.

Comment s’est passée la rencontre avec les militantes d’abord virtuelle et celle, ensuite, une fois arrivée au Bénin ?
Audrey : Notre première rencontre à Paris avec Lyne Castro, administratrice de l’association Afro-Bénin, s’est avérée très riche en échanges quant à nos quotidiens et nos luttes spécifiques mais aussi en découvertes mutuelles d’objectifs communs. Ayant un temps trop court pour approfondir les sujets evoqués, nous avons convenu d’un second rendez-vous qui a eu lieu en juillet 2019 au Bénin. Nous avons profité de trois jours pour apprendre à nous connaître, à la fois au travers de nos métiers mais aussi de nos combats militants, puis nous avons partagé assez simplement nos réalités, quelles soient quotidiennes et concrètes, personnellement et dans nos sociétés.
Marie : Il a été assez naturel de voir naître une envie de travailler ensemble, bien qu’à distance et pour de nombreuses raisons. Nous avons été hyper émues de les rencontrer. On s’est saluées en se serrant dans les bras, comme si quelque chose de très fort nous liait, et un plaisir espiègle à organiser cette rencontre qui transgresse les codes du Bénin et de manière générale.

Quels étaient vos attentes et vos objectifs avant de partir ?
Audrey : A Paris, je souhaitais rencontrer une femme lesbienne qui milite pour ses droits afin d’en apprendre davantage sur nos luttes, quelles soient en Nord comme au Sud. J’y ai trouvé des spécificités mais aussi des points communs. Car même si nos contextes environnementaux, politiques et sociaux sont différents, le fait d’être une femme dans un monde dominé par des oppressions et des inégalités nous rapproche sur de nombreux pans, malheureusement. Au Bénin, nous n’avions pas particulièrement d’attente mis à part s’offrir le temps de se revoir.
Marie : En comprenant qu’il est dangereux pour les personnes LGBTQI+ de vivre librement face à l’opinion publique au Bénin et qu’il est très difficile de se défendre dans l’espace public, nous avons rapidement parlé des ateliers de discussion que nous menons en France et des ateliers d’auto-défense dont plusieurs pays d’Afrique ont fait un moyen de lutte pour les femmes. (…)

Quelles ont été vos premières impressions dans cette aventure ?
Audrey : Pour la première rencontre à Paris, j’étais bien sûre intimidée. Lyne Castro, de passage à Paris, avait accepté de me rencontrer, c’était déja beaucoup pour moi qu’elle accepte de prendre un moment dans son emploi du temps, surtout pour répondre à mes questions. D’être face à une activiste béninoise qui milite dans sa chair et son quotidien pour qu’avancent ses droits et ceux de toute sa communauté m’a beaucoup émue et l’envie d’approfondir les échanges pour en apprendre plus les unes des autres fut réciproque assez rapidement. (…)
Marie : Mais c’est bien la première fois que l’on rencontrait secrètement des femmes féministes et LBTQ, activistes et engagées, dans un contexte si rude et dangereux à leur égard. S’il nous a parfois été dur de nous rendre compte de leur contexte, de rencontrer des soeurs sur un autre continent nous a fait ressentir à quel point l’espoir était encore permis : celui de s’organiser chacune dans nos pays mais aussi ensemble à l’échelle mondiale.

(…)
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Afro-Bénin Pour donner une voix aux lesbiennes

Nous avons contacté l’association Afro-Bénin pour qu’elle nous parle à son tour de cet échange et qu’elle nous en dise plus sur la situation des lesbiennes au Bénin. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro de septembre de Jeanne Magazine.

Comment l’homosexualité est-elle considérée par les familles des jeunes LGBT ? Les familles ne sont pas du tout tolérantes au sujet de l’homosexualité, c’est un sujet tabou en Afrique et particulièrement chez nous au Bénin. La plupart du temps, les familles sont informées par des tierces personnes. La  majorité des familles sont attachées à la religion, aux “bonnes mœurs” et aux coutumes. C’est pourquoi elles sont contre l’homosexualité lorsqu’elles découvrent que leurs enfants sont LGBT. D’autres familles n’acceptent pas et prétendent que leurs enfants sont envoûtés. Elles les amènent alors chez des chefs aux occultes pouvoirs pour qu’ils leurs infligent des “ délivrances spirituelles”. D’autres encore l’acceptent, mais difficilement, et conseillent alors à leurs enfants de ne pas s’exposer aux maladies.

Cet été, dans le cadre d’un nouveau partenariat, vous avez rencontré Audrey et Marie du collectif français Les Bavardes. Quel bilan tirez-vous de ces moments passés ensemble ? C’était vraiment un moment de découverte très spécial de partage  d’expériences et de vécu. C’était un moment de  partage, de ce qu’on peut s’apporter mutuellement, et de ce que nous pouvons apporter aux mouvements pour nous rendre plus fortes. Pour nous et pour nous les lesbiennes d’Afrique et d’Europe.

En quoi diriez-vous que c’était important et enrichissant d’échanger entre militantes issues de deux pays différents ? C’était important dans le sens où nous avons des compétences que nous  partageons  mutuellement. Des défis que nous tenons à  réaliser comme celui de déconstruire les murs invisibles qui existent autour de nous et et à regarder ensemble dans la même direction pour une synergie d’actions.

Quels sont vos projets pour les mois à venir ? Nous  comptons prochainement lancer  un projet de formation sur l’auto-défense. Participer à des stages nord-sud pour améliorer  nos compétence et atteindre le plus grand nombre de  lesbiennes et leur offrir un espace convivial pour leur épanouissement.

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