La jeune femme, dont vous allez lire les propos a accepté de témoigner dans Jeanne Magazine, tout en restant anonyme. Et pour cause, dans son pays d’Afrique subsaharienne, l’homosexualité est punie par la loi et elle risque la prison. Militante LGBTI depuis 2007, elle nous présente son blog Recto Verso, dédié aux personnes  LGBT.  Rencontre avec A. une femme sans nom ni visage, mais habitée par le courage de faire avancer le débat dans son pays. Extrait de l’interview publiée dans le numéro de février de Jeanne Magazine.

Vous avez récemment créé un blog pour y parler de votre « condition de femme, noire et homosexuelle ». Pouvez-vous nous expliquer vos motivations ? Je suis militante LGBTI dans mon pays depuis 2007. Mes compères et moi menons des activités sur le terrain pour l’acceptation de l’autre dans sa diversité. Le discours passe en privé mais en public, l’homophobie persiste. J’ai trouvé utile de m’inviter sur la scène publique afin de poursuivre l’éducation et faire avancer le débat.

Vous êtes plutôt vague sur votre pays d’origine, est-ce par peur de représailles ou bien plutôt pour que chaque femme homosexuelle et africaine puisse se retrouver dans vos propos ? Un peu des deux. Dévoiler mon identité c’est déplacer le débat de la thématique à la personne. Le combat serait relégué au second plan. La désinformation continuera son bout de chemin et les droits continueront d’être bafoués. Chaque lesbienne d’Afrique subsaharienne doit pouvoir se reconnaître dans ces mots, ces phrases car c’est notre quotidien, c’est ce que nous vivons. Recto Verso est mon deuxième blog LGBT. Le premier, j’ai dû l’abandonner car malgré l’anonymat, des tiers avaient réussi à mettre la main sur mon nom, mes coordonnées et mon domicile. Déménager sans cesse n’est pas un sport aisé. Depuis, j’ai suivi une formation sur la sécurité numérique et j’essaie, autant que faire se peut, d’en respecter les règles. Merci à vous d’avoir respecté cet aspect.

Avez-vous fait votre coming out auprès des membres de votre famille ? Si oui, quelle a été leur réaction ? Je n’ai jamais fait de coming out auprès de ma famille ou de mes proches. J’estime à mon humble avis que c’est une incongruité. Les hétéros ne font pas de coming out de leur hétérosexualité, pourquoi en ferais-je de mon homosexualité ? Si je suis invitée à une soirée, je viendrais avec ma compagne (si j’en ai une à ce moment). À vous de tirer vos conclusions. Je n’ai pas assez d’énergie pour prétendre ce que je ne suis pas. Cependant, la rumeur a fait son bonhomme de chemin et mes proches ont été informés. Mes parents m’ont plus ou moins reniée. Du moins, quand je n’avais pas de revenus. Aujourd’hui, le rapport est différent. On ne t’accepte pas mais on te tolère parce que tu fais bouillir les marmites. En Afrique, l’homosexualité du pauvre est rejetée.

Dans le numéro de janvier de Jeanne, nous avons interviewé Katie et Maggie, parties faire le tour du monde afin de rencontrer des LGBT du monde entier. Elles disaient de certains pays africains, le Ghana, en l’occurrence, que le discours qui y règne, pour faire peur aux populations, est que pédophilie et homosexualité sont les mêmes choses… Pas seulement la pédophilie. Ce discours est tenu un peu partout en Afrique subsaharienne. Et lorsqu’un parent apprend que son enfant est homosexuel, la réaction peut aller de la simple dénonciation à la police à la lapidation, en passant par des séances d’exorcisme. C’est cette désinformation que nous combattons. Malheureusement, elle va souvent plus vite que nos actions. Et c’est vraiment dommage. Mais nous avons la foi. Un jour, nous y arriverons.

Quels types d’action menez-vous sur le terrain avec les membres de l’association dont vous faites partie ? Nous menons en grande majorité des causeries éducatives axées sur la santé des lesbiennes et les droits des femmes. Comme moi auparavant, nous sommes nombreuses, celles qui ignorent complètement tout du statut légal de l’homosexualité, des peines encourues… Et qui du fait de la double vie s’exposent aux IST/VIH. Nous avons perdu de grandes militantes. Nous aimerions stopper l’épidémie. Nous participons aux campagnes de dépistage et de sensibilisation organisées par les associations paires.

Quel regard portez-vous sur des pays comme la France qui ont des associations, des magazines homo et qui autorisent le mariage ? Des personnes ont donné de leurs vies pour qu’ils en soient là. Nous n’arriverons peut-être pas au stade du mariage. Mais le respect des droits et l’application stricte de la loi seraient déjà un pas énorme de franchi.

rectoverso.mondoblog.org

Ne vous contentez pas de cet extrait et retrouvez l’interview en intégralité dans le numéro de février de Jeanne Magazine, un bon moyen de soutenir votre magazine lesbien.