Anna Bouchier, créatrice de The Stories of Us*, nous présente la série de podcasts queer et inclusifs qui donne la parole aux jeunes LGBTQ de Suisse romande pour qu’ils partagent leur parcours et expérience de vie. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro 89 de Jeanne Magazine.

Après avoir collaboré pendant plusieurs années avec Be You Network, une organisation suisse qui lutte contre les discriminations et les stéréotypes liés au genre et à l’orientation sexuelle, vous avez noté un réel besoin de plus de visibilité pour les jeunes LGBTQ et lancé The Stories of Us*. En quoi diriez-vous que cette visibilité est toujours indispensable en 2021 ? Le projet est effectivement né de la prise de conscience qu’il y avait un besoin de représentation important pour les jeunes LGBTIQ+, et ce même en 2021. Un besoin de visibilité authentique, de personnes réelles – une visibilité qui reste encore trop rare, puisque notre narratif n’est pas le narratif sociétal majoritaire. Il peut aider les jeunes en questionnement en présentant des parcours de vie similaires ou potentiellement similaires aux leurs. Il est également né de la volonté de répondre à certaines interrogations de personnes qui n’évoluent pas forcément dans cette communauté et qui me demandaient de plus en plus : « Mais est-ce qu’il faut encore beaucoup éduquer sur cette/ ces questions ? N’est-ce pas facile d’être LGBT de nos jours ? » Alors qu’en 2021 il y a encore malheureusement un grand nombre d’agressions que ce soit en Suisse, ou en Europe, et il y a encore un sentiment assez fort d’insécurité pour beaucoup de jeunes de cette communauté. Il y a donc une certaine déconnexion entre le besoin de représentation qui est réel, et une impression de facilité. C’est donc aussi pour ça que j’ai réalisé ces podcasts : j’avais envie de donner la parole aux jeunes LGBTIQ+ de la Suisse d’aujourd’hui qui présentent leur vécu, leur vie, leur parcours. Je voulais répondre finalement à cette question : ça ressemble à quoi d’être LGBTIQ+ aujourd’hui en Suisse Romande ? (…)

Avec le podcast The Stories of Us*, vous êtes partie à la rencontre de jeunes LGBTQ de Suisse romande pour qu’ils partagent avec vous leur parcours et expérience de vie. Comment se sont passées ces rencontres et le choix des intervenants ? Nous avons majoritairement utilisé les réseaux sociaux pour contacter des potentiel·le·x·s participant·e·x·s (certains sont engagé·e·x·s et visibles en tant que militant·e·x·s) et nous avons également utilisé le réseau existant de Be You Network pour faire un appel à témoignage. Chaque rencontre a été un moment d’une forte émotion. Je reste honorée de la confiance de chacun.e.x des participant·e·x·s qui m’ont littéralement confié leurs histoires. J’ai senti la responsabilité de les retranscrire dans le respect qu’ils.elles.iels méritent. Avec les 10 épisodes déjà disponibles, vous réussissez à aborder un grand nombre de questions que peuvent se poser les jeunes et on note une volonté d’être large dans la pluralité des expressions LGBTQ (non binaire, trans, lesbienne, gay, intersexe, bi…). En écoutant les histoires personnelles de chacun de ces jeunes, avez-vous noté des similitudes ? Il y avait effectivement certaines similitudes qui se sont dégagées :
1/ Dans leur parcours, ils.elles.iels ont eu besoin de représentation pour arriver à se construire d’où l’importance de la représentation, de se « voir » dans des véritables parcours de vie;
2/ Dans cet échantillon, 80% ont eu des mauvaises expériences ou ont une perception négative de l’espace public et ne s’y sentent pas en sécurité;
3/ Ils.elles.iels ont parlé de l’importance des allié·e·x·s, ces personnes qui ne sont pas forcément concernées directement, mais qui ont le pouvoir et parfois le privilège de les soutenir et les accompagner dans leur parcours identitaire;
4/ Il y a une différence de vécu entre les personnes ayant une orientation sexuelle minoritaires par exemple gay, lesbienne, bi, pan, qui vivent actuellement moins d’incompréhension – même si les droits ne sont pas forcément au rendez-vous, et les personnes ayant une identité de genre minoritaire. Le genre semble véritablement être la nouvelle frontière. Le fait que le genre soit un spectre, le fait qu’il questionne notre construction sociale du masculin et du féminin, cette binarité, est quelque chose que l’inconscient collectif condamne encore trop souvent;
5/ Il y a donc aussi une responsabilité à mon sens au sein même de la communauté de s’informer, de s’éduquer et d’être des allié·e·x·s pour toutes les lettres de l’acronyme. Nous avons tous et toutes le pouvoir et je dirais même la responsabilité de l’égalité.

En 2021, être ouvertement LGBTQ est souvent considéré comme un acte politique. Pensez-vous que les jeunes que vous avez rencontrés à l’occasion de ce podcast partagent ce point de vue ? C’est également ce qu’ont évoqué une grande majorité des participant·e·x·s aux podcasts. Parfois, c’est un véritable choix, de rendre sa vie politique pour se battre pour le bien commun (certain·e·x·s des participant·e·x·s font de leur parcours de vie des actes militants), parfois, c’est indépendant de leur volonté. Comme le dit une participante, rien que le fait de tenir la main de sa femme dans la rue, peut être vu comme un acte politique, même s’il n’en a pas l’ambition.

Quel est le retour des jeunes LGBTQ qui découvrent The Stories of Us* ? Du fait de la diversité des thèmes abordés, nous avons eu un grand nombre de réactions venant de personnes très diverses. Certaines nous ont remercié de cette visibilité à laquelle ils·elles·iels n’avaient pas accès plus tôt dans leur vie, d’autres nous ont dit que les podcasts les accompagnaient pendant leur parcours de transition. Des personnes qui n’appartiennent pas forcément à la communauté nous ont également écrit pour nous dire qu’ils·elles avaient beaucoup appris de différentes réalités dont on parle parfois moins (comme le vécu d’une personne intersexe ou queer par exemple).

(…)

Rendez-vous sur le site de The Stories of Us* pour découvrir tous les épisodes disponibles

Retrouvez l’interview d’Anna Bouchier en intégralité dans le numéro 89 de Jeanne Magazine.

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