Originaire de Belgique, où elle a vécu une enfance tumultueuse, Jeanine Maes est partie au Canada en 1960, à l’âge de 20 ans, avec son mari pour découvrir un ailleurs qu’elle rêvait être le début d’une nouvelle vie. A l’autre bout de ma vie est le témoignage poignant sur le début de cette nouvelle vie… Après avoir découvert l’amour dans les bras d’une femme, Jeanine est enfermée dans un asile pour « guérir » de son homosexualité, qui était, à l’époque, considérée comme une maladie mentale. Extrait de l’interview publiée dans le numéro d’avril de Jeanne Magazine.

A l’autre bout de ma vie se lit comme un précieux témoignage, pourquoi avoir choisi d’écrire ce livre ? On l’appelait « les catacombes de la folie », le sous-sol de l’hôpital St Jean de Dieu où reposaient des milliers de dossiers. L’un d’eux était le mien. C’était en 1962, j’étais une patiente de cet asile à Montréal, là où ma maladie à moi était tout simplement le fait que j’étais une femme homosexuelle. Depuis les choses ont évolué. On est en 2016 et l’homosexualité n’est plus illégale et n’est donc plus considérée comme une maladie mentale. On a levé le voile sur cette maladie imaginaire. On n’essaye donc plus de guérir maladroitement et souvent cruellement les femmes de leurs goûts saphiques. On ne nous enferme plus avec les marginaux, les idiots, les déments dans ces dépotoirs de St Jean de Dieu afin de servir et restaurer la morale. C’est donc pourquoi j’ai écrit ce témoignage d’une époque où la normalité n’avait qu’un seul visage, et que tout ce qui s’en écartait était devenu une menace. (…)

Comment avez-vous choisi ce titre ? Le titre du livre m’est venu dans le texte à la page 72. Avec ce désir constant de vouloir me retrouver à l’autre bout de ma vie, ce qui résumait ce que je cherchais rageusement. Me retrouver ailleurs sans savoir exactement où. Ce qui est d’ailleurs le problème de tous ceux et celles qui ne trouvent pas leur place dans ce monde… dans cette vie.

Dans A l’autre bout de ma vie, vous nous parlez de vos jeunes années, celles où vous découvrez votre homosexualité à une période où le sujet était encore tabou. Est-ce que l’écriture de cet ouvrage fut une sorte d’exutoire ? Oui, bien sûr. Ecrire ce livre m’a ramenée à cette période pénible mais en même temps, m’a permis de me défaire de ce poids qui me pesait sur le cœur depuis cinquante ans. Dévoiler cette injustice envers les « différents ».

Vous rencontrez au Canada une femme, Jocelyne, qui va littéralement bouleverser votre vie. Quel regard portez-vous aujourd’hui sur cette « première fois » ? La première fois est toujours la plus importante. Celle qu’on n’oublie jamais, que ce soit un amour heureux ou malheureux ça reste notre premier amour. Surtout que cette rencontre m’a ouvert les yeux sur mon homosexualité.

Vous avez été enfermée dans un asile en raison de votre homosexualité pendant 5 mois. On y lit votre extrême souffrance, véritable lutte psychologique pour ne pas sombrer… Comment avez-vous fait, suite à votre sortie, pour vous reconstruire ? Comme j’ai dit dans l’épilogue de mon livre, j’ai quitté mon mari pour aller vivre un très bel amour avec Marie cette infirmière rencontrée dans cet asile d’aliénées. J’étais libre, et j’étais heureuse enfin. Mais la suite sera dans mon prochain livre que j’écris en ce moment…

A l’autre bout de ma vie de Jeanine Maes (Les Editions Amalthée)

Retrouvez l’interview de Jeanine Maes en intégralité dans le numéro d’avril de Jeanne Magazine. En vous abonnant à Jeanne, vous permettez à votre magazine 100% lesbien de continuer à vous proposer 90 pages de contenu exclusif chaque mois !