Jeanne, je te mentirais si je te disais que je me rappelle comment je suis tombée sur la chaîne YouTube de Queer Chrétien.ne. On était en 2017, et si tu me connais un peu, tu sais qu’il y a eu un avant et un après cette année-là, et rien à voir avec la chanson de Claude François. J’aimerais te dire à quel point le contenu que j’ai trouvé sur Internet à cette période de ma vie a été précieux dans mon coming out à moi-même, mais je n’aurai jamais assez de place pour tout te dire. Alors je te présente Floralie Resa, aussi connue sous le pseudo Queer Chrétien.ne. Si tu ne la connais pas encore, j’ai envie de te demander ; qu’est-ce que tu attends pour aller la suivre ? Extrait de l’article publié dans le numéro 106 de Jeanne Magazine.

« Le but de ma chaîne, c’était de trouver des moyens pour que ce soit moins douloureux dans la vie »

Quand je demande à Flo de me raconter sa vie, elle commence par me parler de son entrée sur Internet, en 2016, quand elle commence sur YouTube. Comme souvent quand on ouvre la porte de la création, ça ressemble plutôt à un trou de souris, et c’est une fois à l’intérieur qu’on découvre que c’est bien plus vaste que ce qu’on pensait, de l’autre côté de cette porte. Le trou de souris par lequel passe Flo, c’est la théologie ; je te raconterai à quoi ressemble la suite de son éveil créatif plus loin. Au début, le but de Queer Chrétien.ne, c’était ça : proposer des outils théologiques pour démonter la queerphobie dans les milieux religieux. Flo me dit que YouTube, c’était à ce moment-là un outil d’émancipation personnelle, et de réconciliation, et c’est marrant qu’elle utilise ce mot-là précisément. Pour ma part, en ce qui concerne sa chaîne, je me souviens d’après-midi passées à enchaîner les vidéos et les clopes les unes après les autres, en me demandant si je devais appeler ma grand-mère, fervente catholique pratiquante, pour lui conseiller de faire comme moi (pour les vidéos, pas pour les clopes). En fait, ma grand-mère n’a pas de connexion Internet chez elle, alors ça ne servait à rien de l’appeler pour parler réconciliation.
Flo me raconte qu’en tant que bi dans le placard, elle s’est forcément rendu compte de l’homophobie et de la transphobie du milieu religieux, et à quel point c’est difficile, quand on est religieusement intégré. L’élément déclencheur à la création de sa chaîne, c’est une prise de position à l’église, où le micro était donné à qui voulait s’exprimer. Je n’ose pas lui dire que je ne savais pas que ça existait, les scènes ouvertes à l’église, et j’ai des flashs de mes potes et moi quand c’est aussi scène ouverte au bar du coin, et qu’on se jette sur le micro pour proposer une reprise tonitruante de Baby One More Time. Bref. Elle me raconte cet évènement comme un « braquage de parole », devant tout un public, au moment des débats sur le Mariage Pour Tous. On parle souvent de cette fameuse goutte d’eau qui fait déborder le vase, et j’ai l’impression que c’est ce qui s’est passé à ce moment-là ; une fois la parole braquée, c’est tout le barrage du silence qui saute. Suite à ce déclic, elle déménage loin de la France, et une fois protégée par l’anonymat dans un autre pays, elle me dit qu’il n’était plus question de faire machine arrière. Queer Chrétien.ne est née.

« Je revois exactement la scène : je suis au supermarché, et là je vois une meuf, elle avait les cheveux courts et un blouson en cuir, vraiment une super butch, et là, moi, j’ai fondu »

Et moi bien sûr, je lui demande comment était son coming out. Tu sais que ce sont mes histoires préférées. C’est quoi, ce moment où tu comprends que tu aimes les femmes ? Ça arrive quand ? Est-ce que ça dure le temps d’un claquement de doigts, ou bien toute la nuit ? Flo m’explique qu’elle est plutôt distante de ses émotions, alors son éveil sexuel a été long. Elle se rappelle s’être rendue sur un tchat, vers ses 13 ans, pour parler de la panique qui l’avait prise à l’idée d’être bisexuelle, et elle y est tombée sur quelqu’un de très bienveillant, qui l’a rassurée et lui a dit que c’était normal. L’histoire ne précise pas qui était cette personne, c’est dommage. Ça n’empêche pas que Flo s’enferme dans le déni, pendant son adolescence et au début de son âge adulte, où elle se dit qu’elle n’est sûrement pas bisexuelle et que c’est pour faire son intéressante. Finalement, c’est une phrase que j’entends beaucoup dans les histoires de coming out, « je me dis que c’est pour faire mon intéressante ». Et puis un jour, alors qu’elle mène une vie hétéro tout ce qu’il y a de plus classique, Flo va au supermarché faire ses courses. Et comme on dit, tout à coup, entre le fromage et le dessert, il y a cette fille avec un blouson en cuir. L’histoire ne précise pas qui était cette personne, c’est dommage.
Encore une fois, comme avec le braquage de parole à l’église, c’est un petit rien qui déclenche tout. Flo, après avoir croisé cette fille, sort de sa phase de déni ; et si, alors qu’on fait tout comme il faut, qu’on va à l’église, qu’on prie tous les jours, et qu’on est quand même attirée par une femme, et si c’était parce que ce n’est pas Satan ? C’est à ce moment-là qu’elle m’explique que c’est sa foi qui lui a permis justement de s’accepter, qu’elle s’est sentie rassurée par Dieu, et qu’elle a compris que ce qu’elle ressentait était juste. Elle me dit que jusqu’au dernier jour où elle s’est rendue à l’église, elle y est allée tous les dimanches, en réalisant chaque fois davantage la queerphobie des milieux religieux, et surtout qu’il n’y a aucun moyen que ça soit inspiré par Dieu. Elle emploie le terme de rééducation pour parler de ce moment de sa vie, où elle apprend à ressentir, où elle accepte son attirance pour les femmes, en étant rassurée par ses prières et en sachant que non, Dieu n’allait pas la détruire parce qu’elle est bisexuelle. Et parlons-en, de la bisexualité, justement.

(…)

Queer Chrétien·ne sur YouTube

Les photos de ce portrait ont été réalisées par Carmina, que tu peux aussi retrouver sur Instagram @carmina.photo.
Par Bruna – @brunaavecunm

L’intégralité de l’article est disponible dans le numéro 106 de Jeanne Magazine.

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