Lisa et Elsa ont lancé Matergouinité, un compte lnstagram qui brise les stéréotypes sur la maternité et sur lequel elles partagent des photos, des textes et des témoignages de mères lesbiennes. Extrait de la rencontre publiée dans le numéro 83 de Jeanne Magazine.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Nous sommes deux à l’origine du projet : Lisa, développeuse web et mère d’un enfant de 2 ans et demi et Elsa, journaliste. Nous sommes toutes les deux lesbiennes et en colocation à Bagnolet (Ile-de-France).

Depuis quelques mois, avec votre compte Instagram, Matergouinité, vous visibilisez les mères lesbiennes et les publications qui s’y rapportent. Pouvez-vous nous expliquer les origines de ce projet ?
Lisa : J’ai toujours eu du mal à savoir quoi faire de cette identité de mère dans laquelle je ne m’étais jamais projetée. Une fois l’enfant là, j’ai voulu y réfléchir et trouver d’autres mères qui me ressemblent : des mères militantes, gouines, poilues… et plus globalement des mères qui ne correspondent pas aux codes traditionnels de la féminité.
Elsa, ma coloc, est journaliste et avait besoin d’illustrer un article autour de la maternité. Elle s’est heurtée à la difficulté de trouver des images non stéréotypées : on voit souvent des ongles longs sur un ventre de femme enceinte, des couleurs pastels, un couple hétéro… on est inondés d’images qui associent la maternité à la féminité. Cet épisode nous a donné envie de lancer un projet commun autour de cette thématique : une banque d’images qui casse les clichés autour de la maternité, et tant qu’à faire, qui visibiliserait les lesbiennes.
Ce projet était un peu ambitieux – il faut des fonds pour rémunérer des photographes etc. – on a préféré démarrer par un compte Instagram.

Votre premier post en novembre 2020 avait pour but de promouvoir la BD Pregnant Butch – Nine Long Months Spent in Drag de A.K. Summers. Diriez-vous que la maternité lesbienne manque de diversité dans les médias en règle générale ?
Lisa et Elsa : On pense surtout qu’il y a une invisibilisation des lesbiennes dans l’espace public et donc dans l’espace médiatique. La parentalité lesbienne ne fait pas exception.
Et puis, comme on le disait dans la question précédente, selon l’imaginaire collectif, une mère est nécessairement féminine — c’est aussi ce que véhiculent les médias. C’est pour ça qu’on a voulu démarrer par un post qui casse ce stéréotype. Oui, on peut être butch et enceinte !
Au delà de « l’image », on voulait aussi proposer une réflexion autour de ce qu’on attend des mères : la douceur, la discrétion et la tempérance. On est nombreuses à ne pas se reconnaître là dedans. On assiste en ce moment à un courant global de politisation de la maternité. Des femmes « pensent » le fait d’être mère. Fatima Ouassak par exemple, dans son livre la « Puissance des mères », parle d’elles comme des sujets politiques révolutionnaires ! Il y a aussi le festival féministe Very Bad Mother en Bretagne. On voulait participer à cette réflexion (à notre petite échelle) en rajoutant la spécificité du lesbianisme.

Même si c’est actuellement plutôt chaotique, on peut espérer que prochainement la PMA pour toutes sera une réalité en France. Qu’attendez-vous de cette loi ?
Lisa et Elsa : Nous sommes lassées d’attendre une loi qui n’en finit pas d’être discutée. On pense surtout aux lesbiennes toujours obligées de faire de longs voyages, coûteux financièrement et mentalement. Et à nous toutes, obligées d’entendre encore et encore les propos sexistes de politiques. Cela nous donne d’autant plus envie de partager des photos ou des textes de mères lesbiennes qui existent depuis bien longtemps. Des anonymes mais aussi des personnalités engagées comme la députée écolo autrichienne Faika El Nagashi, la réalisatrice Emilie Jouvet, la DJ Rag (créatrice des soirées lesbiennes Wet for me), ou encore Goodyn Green réalisatrice de films pornos queer, etc.

Matergouinité sur Instagram
Retrouvez l’intégralité de l’interview de Lisa et Elsa dans le numéro 83 de Jeanne Magazine.

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