A Marseille, Christelle Barailler (qui s’exprime au nom du collectif) nous présente Aux 3G, le bar associatif lesbien et féministe situé dans le quartier de la Plaine, qui fête cette année ses 20 ans. Extrait de l’interview publiée dans le numéro de septembre de Jeanne Magazine.

Comment et quand est née l’association Aux 3G ? L’association aux 3G est née au printemps 1996, d’un constat évident : aucun lieu lesbien n’existait sur Marseille. Aucun lieu ne permettait de se rassembler, de fédérer, de faire la fête et de défendre les droits des lesbiennes. Quatre femmes se sont donc lancées dans l’aventure : créer un lieu d’accueil et d’échanges pour les lesbiennes. Un lieu de convivialité autour du bar, festif par l’organisation de nombreuses soirées, mais aussi, bien évidemment, militant. Pari gagné 20 ans après, les 3G sont le seul bar lesbien de Marseille. (…)

Quelles activités proposez-vous aux adhérentes ? Les 3G, ce sont plus de 400 adhérentes début septembre, et nous espérons bien plus avant la fin de l’année. Les 3G, c’est un bar ouvert du jeudi au samedi soirs, où les échanges et discussions sont nombreux et variés : une ambiance différente née chaque soirée, c’est la magie du lieu. Le service au bar est toujours accompli par des bénévoles. Ici, pas question de rémunération, le temps est cadeau, les 3G c’est avant tout une affaire de solidarité entre femmes. Les 3G, ce sont aussi des fêtes et des soirées organisées toutes les semaines, les Djettes s’enchaînent depuis des années. Mais nous organisons également des expos, des débats et des rencontres avec les autres associations. Enfin, les 3G c’est un bar militant et engagé. Ici nous défendons  les droits des femmes et des lesbiennes depuis 20 ans.

Quelles sont les valeurs véhiculées par l’association ? L’association Aux 3G prône l’égalité des droits et l’acceptation de la différence. Nous combattons toutes les formes d’intolérance : les LGBTphobies, le sexisme, le racisme, et toutes les formes d’intégrisme religieux. Nous revendiquons la visibilité des minorités et donc celle des lesbiennes. Nous proclamons notre attachement à la bienveillance et au respect de chacune et de chacun. Nos valeurs sont retranscrites au sein d’une charte éthique.

Aux 3G a fêté ses 20 ans, comment diriez-vous que l’association a évolué ? Les 3G ont été créés à une période où la communauté lesbienne était pleine d’énergie, c’était l’époque des soirées folles et décalées style Ladies Room à Paris ; celles qui les ont vécues s’en souviennent. Nous connaissions des filles de partout, les réseaux féministes et lesbiens étaient vivaces. Nous voulions un bar ouvert à tout ce que nous aimions : les filles, la techno et les musiques du monde, flipper et babyfoot mais nous étions aussi issues d’Act-up et très militantes. Les copines musiciennes, photographes, écrivaines ont largement animé ce lieu, aucun tabou ne nous retenait et nous revendiquions la liberté totale de nos corps et de nos esprits. Notre 1re expo photo montrait nos sexes (poils compris) et s’intitulait « et si nous nous regardions ? ». Le lieu était un lieu d’amusement et de rencontres, radicales, SM, drag king, le milieu lesbien existait sous toutes ses formes aux 3G. 20 ans après, la folie créative et collective est plus rare, les filles sont plus consommatrices d’événements et elles réclament plus de confort. Tant mieux, les 3G ont la clim, la bière à la pression, la machine à glaçons et une déco toujours renouvelée. De plus, les DJ filles sont maintenant nombreuses et excellentes ! Année après année, ce bar a permis de nombreuses rencontres amoureuses ou amicales et cela continue avec bonheur. L’insertion dans le quartier a toujours été bienveillante et cela aussi perdure. Le militantisme a connu des hauts et des bas comme l’implication des adhérentes mais en 2016, tout va bien de ce côté là. Le lieu est toujours déclaré lesbien même si les autres genres et orientations sexuelles le fréquentent mais c’est encore et toujours « chez nous ». L’importance de la transmission de nos « mémoires lesbiennes » apparaît maintenant et les luttes sont encore nombreuses. En 96, l’homophobie n’était pas reconnue comme délit mais en 2016 la dernière version des statuts permet d’ester en justice et l’arsenal juridique reconnaît l’identité de genre et l’orientation sexuelle. Les corps et la sexualité ne sont plus politiques, la nudité et les poils dérangent. En 2016, on ne brûle pas les soutiens-gorge, on les montre. C’est le retour de la morale. Dès les premières années, la prévention IST, hépatite et Sida était présente, cette préoccupation existe toujours et cette année encore, préservatifs féminins et masculins sont proposés ; une rencontre avec une médecin sur la santé des lesbiennes a été organisée. L’autonomie financière et une gestion désintéressée sont toujours de mise, un motif de fierté pour nous toutes ! Depuis toujours les 3G ont accueilli des enfants et leurs mères lesbiennes ; maintenant arrivent les couples de grand-mères, 20 ans après ! En résumé, les 3G ont bougé, ont vu défiler des centaines de femmes qui y ont laissé un peu d’elles-mêmes ; les lesbiennes marseillaises (Gouine, Garces et Gentilles) sont attachées à ce bar et l’identité de ce lieu est restée la même : le lieu des possibles.

www.aux3g.com

Retrouvez l’interview de Christelle Barailler en intégralité dans le numéro de septembre de Jeanne MagazineEn vous abonnant à Jeanne, vous permettez à votre magazine 100% lesbien de continuer à vous proposer 90 pages de contenu exclusif chaque mois !