Découvrez le témoignage passionnant de Milena Chernyavskaya qui nous parle de sa jeunesse à Moscou, de son coming out, et de son envie de faire évoluer les mentalités en créant Agens, le seul magazine lesbien de Russie. Elle aborde également avec nous son arrivée aux Etats-Unis, où elle a fait une demande d’asile, après le vote de la loi anti « propagande gay » votée en 2013. Aujourd’hui, Milena est installée à Los Angeles, où elle est continue activement de militer pour la communauté LGBT. Extrait de l’interview publiée dans le numéro de septembre de Jeanne Magazine.

Photo Inara Ibragimova

Photo Inara Ibragimova

Vous avez très vite décidé de tout faire pour que les choses changent pour la communauté LGBTQ en Russie et spécialement pour les lesbiennes en créant en 2013 Agens, le seul magazine lesbien de Russie… Lorsque j’étais jeune, je voulais être une femme d’affaires. Mais à l’âge de 18 ans, je me suis rendu compte que je vivais dans un pays qui était anti-gay, et j’ai alors compris que je ne pouvais pas être une femme d’affaires heureuse et épanouie, si je devais prendre de la distance avec les problèmes rencontrés par la communauté LGBT. Je me suis dit qu’il fallait que j’utilise mon expérience en tant que journaliste pour changer les choses. (…)

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées durant cette période ? La plus grande des difficultés concernait le financement du magazine. Vous devez payer pour être en kiosque, pour obtenir un certificat validant le magazine, pour la publicité, et pour tout un tas d’autres choses. Notre objectif était de créer une source d’informations vérifiées et utiles à propos des femmes lesbiennes, bi et aussi hétéros. Et nous avons presque réussi à convaincre des annonceurs d’insérer de la publicité dans notre support, mais le gouvernement a voté cette loi « anti propagande gay » et tout est tombé à l’eau. Les annonceurs nous ont tourné le dos, plus aucune femme ne voulait témoigner au sein du magazine pour partager son histoire, les contributeurs ne voulaient plus, non plus, être publiés sous leur véritable identité. (…)

La Russie a-t-elle toujours été un pays homophobe ou bien cela s’est renforcé avec la loi anti « propagande gay », votée en 2013 ? (…) Mais tout a commencé à changer lorsque des activistes LGBT ont voulu organiser les premières gay prides dans les rues de la ville. Les gens sont devenus fous. Ils étaient tellement en colère qu’ils ont commencé à appeler les personnes LGBT par des noms atroces, ils ont manifesté également… Nous avons ensuite eu affaire à la première loi régionale d’anti « propagande gay ». Et une chose en entraînant une autre, nous en sommes arrivés à une véritable guerre anti gay.

Comment voyez-vous les choses évoluer pour les LGBT ? Qu’est-ce qui permettrait, d’après vous, que la situation évolue en faveur des personnes LGBT en Russie ? En l’état actuel des choses, la situation va s’aggraver, et je suis simplement réaliste. Un nouveau gouvernement permettrait probablement de faire la différence. Aujourd’hui il est devenu trop dangereux d’être ouvertement homo dans la rue, d’avoir des enfants, même de parler avec des adolescents d’homosexualité (et d’ailleurs, sur ce dernier point, c’est même illégal). Je pense malheureusement que la situation ne va pas s’arranger d’ici peu.

Vous vivez donc aujourd’hui à Los Angeles et vous êtes toujours une militante active pour la communauté LGBT. Qu’est-ce que ce mot « militante » signifiait pour vous en étant en Russie et aujourd’hui à Los Angeles ? C’est en effet très différent ! Je n’ai jamais été confrontée à l’homophobie ici à Los Angeles, je n’ai jamais rencontré de problème au travail, et mes employeurs ont même été plutôt fiers de m’embaucher. Mais à Los Angeles, pour la première fois de ma vie, j’ai vu de mes propres yeux tout ce qu’il est possible de faire pour la communauté LGBT, à commencer par les refuges pour la jeunesse LGBT sans abri, et aussi l’accession à un prix abordable aux soins pour les LGBT. J’ai vu également combien les gens à Los Angeles soutiennent les droits des LGBT. Cette année je faisais partie du comité de direction de l’événement An Evening with Women, un gala de charité dont les bénéfices vont directement au centre LGBT pour les femmes. No Doubt, Sia et Sarah Silverman par exemple y ont donné un concert. (…)

Photo © Carol Nogueira

Retrouvez l’interview de Milena Chernyavskaya en intégralité dans le numéro de septembre de Jeanne Magazine : N’oubliez pas qu’en soutenant Jeanne, vous permettez à votre magazine 100% lesbien de continuer à vous proposer 90 pages de contenu exclusif chaque mois !