À l’occasion de la publication, le 8 mars dernier, de la nouvelle Enquête sur la visibilité des lesbiennes et la lesbophobie de SOS homophobie, rencontre avec les codirectrices de la publication, Tania Lejbowicz et Juliette P, membres de la commission lesbophobie. Extrait de l’interview publiée dans le numéro d’avril de Jeanne Magazine.
Où et comment se manifeste la lesbophobie ? Tout d’abord, au cours des deux années précédant l’enquête, près de six lesbiennes sur dix ont vécu de la lesbophobie. C’est énorme ! Cela confirme encore une fois que ce n’est pas parce que les lesbiennes ne témoignent pas de faits lesbophobes qu’elles n’en vivent pas. Ensuite, le premier contexte de lesbophobie est l’espace public. Ce résultat remet en cause les idées reçues : il est souvent dit que les lesbiennes vivent avant tout des violences dans un cadre privé (familial ou amical), et beaucoup moins dans un cadre public comme la rue. Les résultats disent donc le contraire : 45 % des actes lesbophobes déclarés adviennent dans l’espace public contre 14 % au sein de la famille et 6 % dans le cadre amical. Insultes, moqueries mais aussi menaces et agressions physiques font de l’espace public un milieu hostile pour les lesbiennes.
Cette enquête montre-t-elle que les lesbiennes françaises « se cachent » comme ont pu l’écrire certains journaux ou sont-elles au contraire relativement visibles ? Les résultats sur la visibilité sont ceux qui nous ont le plus interpellées, pas parce qu’ils sont plus graves mais parce qu’on n’avait jamais eu de données sur le sujet. C’était super intéressant à analyser ! De façon générale, il est important de retenir que quelque soit le type de visibilité étudié (par la parole, par les gestes, par l’engagement associatif et culturel ou par le look), le contrôle de celle-ci est presque permanent. Seulement 26 % des lesbiennes parlent librement de leur orientation sexuelle ou de leur copine à leur famille. Le taux baisse à 18 % quand il s’agit de leurs collègues, on imagine d’ici l’ambiance de travail… Quant aux gestes d’affection dans l’espace public, ils sont toujours faits sur la défensive : plus de la moitié des femmes disent faire attention au contexte qui les entoure avant d’embrasser ou même de tenir la main à leur copine. Et pour plus de six sur dix, si elles refrènent leur geste, c’est par peur des réactions hostiles. On imagine mal un couple hétérosexuel invoquer cette explication, ça en dit long sur le malaise ressenti par les lesbiennes !
Cette enquête donne-t-elle des pistes pour agir concrètement contre la lesbophobie ? A la fin de l’étude, on a établi le lien entre visibilité et lesbophobie : les lesbiennes les plus visibles sont aussi celles déclarant le plus de lesbophobie. De fait, elles sont nombreuses à mettre en place des stratégies pour s’invisibiliser et ainsi contrer la lesbophobie. Mais une fois ce constat établi, que va-t-on faire ? Demander aux lesbiennes de se cacher ? Non bien sûr ! Pour nous, là où il faut agir c’est justement sur la visibilité : visibiliser les lesbiennes mais aussi visibiliser les violences vécues, c’est ce qui fera évoluer les mentalités. Mais cela ne se fera pas sans l’aide des politiques. Pour que ça marche, il faut que les lois évoluent et que des politiques de prévention soient mises en place. Et surtout, il ne faut jamais reculer face aux critiques les plus réactionnaires.
Quels sont les prochains projets de la commission lesbophobie ? Les mois qui viennent de passer ont été plus qu’intenses ! Mais aussi très enrichissants. On souffle toutes un peu depuis que notre rapport est sorti, mais on ne peut pas relâcher la pression complètement parce qu’on veut faire parler de notre travail. Donc, on fait pas mal de présentations, on envoie le rapport aux personnes intéressées, on demande à rencontrer des responsables politiques pour faire avancer les choses. On s’occupe aussi de tous les autres projets en cours : tenir des stands dans des événements lesbiens pour rencontrer des femmes et recueillir leur témoignage (Wet For Me en avril, WGO en juin, Cineffable à l’automne, etc.) ; participer aux marches des Fiertés ; organiser des événements festifs aussi, parce que sans rigoler on n’arrive à rien ! Par exemple, fin mai, nous organisons la soirée miss SOS homophobie, une élection décalée et militante qui vaut le détour… La com lesbo accueille toutes les bonnes volontés et tous les projets qui aident à visibiliser les lesbiennes et à lutter contre la lesbophobie !
Lire l’Enquête sur la visibilité des lesbiennes et la lesbophobie de SOS homophobie.
Propos recueillis par Stéphanie Arc
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