Ecrivain, journaliste, productrice-animatrice de l’émission Lire avec, diffusée sur France Inter, Brigitte Kernel nous offre aujourd’hui Dis-moi oui, la suite de Fais-moi oublier et A cause d’un baiser. Après avoir hésité entre Marie et Léa, la narratrice se retrouve confrontée dans ce nouveau tome à la question de la reconstruction de son couple… Extrait de l’interview publiée dans le numéro de janvier de Jeanne Magazine.

« Ecrire sur l’amour entre deux femmes, est comme une nécessité en moi,

c’est un travail littéraire mais également un acte militant. »

Quand avez-vous compris que vous aimiez les femmes ? Je crois que je l’ai toujours su. Si cela m’a posé un problème à l’adolescence quand les premiers émois et désirs sont venus, ce ne fut que court, juste le temps de mettre un mot sur ce qui m’arrivait. Ensuite, a été non pas le problème de le vivre car j’ai décidé dans la foulée de l’accepter mais le problème de me faire comprendre. Pas aisé… Cela étant, c’est plus facile d’accepter d’être ce que l’on est lorsqu’on tombe amoureuse folle [Rires]. Pour cette raison, j’étais prête à franchir tous les obstacles, à faire fi de toutes les critiques et jugements (et il y en avait beaucoup pour toute personne vivant sa différence à l’époque !) pour vivre ma vie. C’est là qu’un drame a surgi qui a été fondateur. La première femme qui m’a bouleversée, je devais avoir 15 ans, est décédée d’une leucémie. De là est né sans doute le besoin d’écrire, de me réfugier dans les mots. Ainsi je pouvais rester dans ma bulle, souffrir en silence, sans en parler, ce fut assez difficile, je dois le dire. Ensuite la vie est revenue en moi. Je voulais être heureuse. Et donc, ne pas subir le regard le jugement des autres. Dans les années 80, on nous montrait du doigt dans la rue. C’était éprouvant.

En ce qui concerne vos différents métiers, avez-vous longuement réfléchi avant de révéler votre homosexualité ? Je ne l’ai pas caché. J’aimais être ce que j’étais. Mais la vie m’a rattrapée deux fois. Dans un premier travail de journaliste quand j’avais 18 ans, au sein d’une petite ville,  j’ai subi toutes sortes d’attaques. Encore une fois je me suis réfugiée dans l’écriture. Puis bien plus tard, dans une autre entreprise, où je travaillais avec ma compagne. Un milieu évolué pourtant. Sans doute était-ce le fait que nous travaillons ensemble elle et moi, nos collègues avaient sous les yeux ce qu’ils pouvaient accepter mais refusaient de « voir » au quotidien. Pourtant, nous nous tenions bien [Rires]. Aujourd’hui dans ce milieu du journalisme, c’est plus facile. Et j’ai la chance de travailler dans un média, France Inter, qui est intelligent, ouvert, cultivé. La même chose dans l’édition. Flammarion prend plus de risques, qui plus est, en publiant ce genre de roman qui se vend moins bien forcément qu’un livre moins segmentant. Tout le monde se fiche de savoir qui est gay, qui ne l’est pas. Les débats sur le Pacs ont aidé. Ceux concernant le mariage pour tous ont malheureusement fait faire machine arrière alors que ce mariage est essentiel. Il y a encore beaucoup de travail et je crains les retours de bâtons. Il faut être vigilant. Les militants font un travail extraordinaire. J’ai beaucoup d’admiration pour eux. Ils vont au front et se soucient de la collectivité. 

Jalousie, mensonge, tromperie, manipulation, les lesbiennes ne sont pas idéalisées dans Dis-moi oui, une manière de montrer que l’on est comme tout le monde au final ?…  Exactement. Il n’y a pas de différence que l’on soit gay ou pas ! Je voulais faire sortir mes personnages de la situation première, celle de la rencontre et de l’amour, les faire vivre une vie commune à tous sur cette terre, trahison, tromperie, jalousie. J’ai inventé un troisième personnage, Marie, afin de mener encore plus loin cette idée. Effectivement, l’amour entre femmes – ou hommes – peut être moche, fait de mensonges et d’escroquerie aux sentiments. Cela arrive, oui, plusieurs personnes autour de moi ont vécu cette horreur. Je souhaitais gommer « l’effet Bilitis » de mon travail, le romantisme à outrance, la sensualité, la perfection. L’amour entre femmes peut être violent, mensonger, truqué, manipulatoire. Comme dans toutes les relations. Heureusement Dis-moi oui finit plutôt bien… malgré bien des dégâts pour la narratrice et son amie.

Photo David Ignaszewski / Koboy © Flammarion

 

Ne vous contentez pas de cet extrait et retrouvez l’interview en intégralité dans le numéro de janvier de Jeanne Magazine, un bon moyen de soutenir votre magazine lesbien.