En février dernier, en ouverture de J’en(c)rêve, le festival de lutte pour le droit des femmes, le collectif féministe et lesbien Les Bavardes a accueilli le collectif les Immédianes. Cette association lesbienne qui a existé à Amiens de 1990 à 2000, est à l’origine notamment de la Coordination Lesbienne Nationale. Marie, membre des Bavardes, partage cette rencontre militante avec les lectrices de Jeanne Magazine. Extrait de l’article publié dans le numéro de mars de Jeanne Magazine.

Il est 12 heures à Amiens, je sors de mon cours de yoga et je me dirige vers le local de la Boite sans projet, espace inter-associatif où Les Bavardes ont l’habitude d’organiser leurs réunions et leurs après-midi rencontres, depuis bientôt trois ans. Aujourd’hui, le samedi 22 février, la journée s’annonce encore belle avec un petit zeste d’exceptionnel : les Bavardes reçoivent le collectif les Immédianes. Une association lesbienne ayant existé pendant 10 ans à Amiens de 1990 à 2000, à l’origine notamment de la Coordination Lesbienne Nationale. Sont également présentes, deux membres de la LIG (Lesbiennes d’Intérêt Général), un Fonds de dotation pour les projets lesbiens, seul financement de projets lesbiens en Europe, représenté par les extraordinaires Catherine Facerias et Suzette Robichon. La LIG a d’ailleurs soutenu il y a peu les Bavardes pour un projet de santé sexuelle et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles en lien avec une association béninoise. La journée se clôturera avec la présentation de cette association béninoise l’ONG Afro bénin, par Andréa, militante béninoise, accueillie en France par les Bavardes dans le cadre de ce projet commun.

Je m’attendais à beaucoup d’émotions sans trop savoir comment allait se dérouler ce temps de rencontre, et c’est en arrivant, un peu en retard, que j’en saisis toute l’intensité. En poussant la porte de cette petite salle, réquisitionnée en salon et brunch pour l’occasion, je me retrouve nez à nez avec une trentaine de militantes lesbiennes. Croyez-moi, c’est beau à voir. J’ai de suite pris conscience du caractère historique de ce qui se présentait devant mes yeux. Accueillie par mes camarades Bavardes, leurs sourires en disaient long sur la générosité de cet instant. Il faut dire aussi que cette journée ouvrait le festival J’en(c)rêve, festival de lutte contre les violences faites aux femmes, organisée par Les Bavardes du 21 février au 13 mars, qui est comme l’année dernière, le temps fort de l’année autour des questions des violences faites aux femmes et des luttes féministes et LBTQI+. Je fais le tour des bonjours, retrouvant comme à chaque fois cette joie profonde de se réunir avec mes camarades et amies Bavardes, jusqu’à me retrouver face à Suzette Robichon, que me présente Audrey, à l’origine de cette rencontre. Pour la petite histoire, militante féministe et lesbienne amiénoise que je suis, Suzette Robichon n’est n’importe qui. Elle est une grande figure historique de la lutte, un modèle d’inspiration. Editrice, écrivaine et militante depuis toujours, ses écrits et ses combats ont toujours été un espoir pour les luttes que nous portons et devons continuer d’étendre. Accompagnée de son acolyte Catherine, je passe quelques instants à échanger timidement, les remerciant surtout d’être venues jusqu’à nous.

Tentant de me remettre de mes émotions, je me dirige dans le fond de la salle où je vois disposés des panneaux de couleurs recouverts de photos, devant lesquels je retrouve entre autres Raymonde, Odile, Isabelle, Elizabeth…, figures elles aussi de la lutte féministe et lesbienne, fondatrices de l’association Les Immédianes. En me rapprochant, je comprends que tous ces panneaux retracent les 10 ans de vie des Immédianes. Collectif de femmes lesbiennes, elles se sont rassemblées et ont agi localement mais aussi nationalement, pour créer des espaces de militance et de rencontres spécifiquement pour les lesbiennes. Je n’aurais pas pensé, en 2017, lorsqu’on a eu la folle idée de créer les Bavardes, que d’autres avant nous, 30 ans plus tôt, avaient été traversées par les mêmes besoins de créer des espaces safe et non mixte pour se retrouver et défendre nos droits, dans cette ville qu’est Amiens. Me vient alors tout un tas d’interrogations et de questions, que je réserve pour l’échange de tout à l’heure.

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Le nom des Immédianes, créé en 1990, devenue association en 1991, vient de la contraction de « Diane » et de « Immédiat », tant le besoin d’avoir des espaces safe pour soi, femmes lesbiennes, semblait urgent. Constituées d’adhérentes exclusivement, la non mixité était le maître mot  : comment se sentir soi ou le devenir, si l’espace pour se rencontrer, se découvrir et s’émanciper collectivement, à partir des mêmes enjeux, n’existe pas  ? Voilà une question dont la réponse nous a toutes mises d’accord. En effet, les Bavardes ont commencé leurs aventures en créant un groupe de parole en non mixité. Me viennent en tête, dès les premiers mots, plusieurs parallèles avec ce que nous avons vécu au début des Bavardes, approfondissant ainsi ce lien invisible qui nous lie déjà, au-delà de nos parcours et de nos âges. La grandeur des Immédianes semblait se trouver dans la diversité des femmes qui s’y investissaient, faisant ainsi naître, par la même occasion, un mélange de compétences et appétences diverses, dont l’association a bénéficié pour grandir et développer de nombreuses actions et activités  : un journal, une fête annuelle, des soirées théâtre et cinéma, des randonnées et des temps conviviaux, la participation à la Pride de Paris, etc. Mais aussi, un projet d’envergure  : la création de la Coordination Lesbienne, organisation qui a rassemblé, jusque dans les années 2010, les associations lesbiennes de France. En leur posant des questions, que nous avions préparées suite à un atelier sur leurs archives que nous avions réalisé lors du dernier séminaire Bavardes, nous apprenons avec émotions et sentiment de ressemblance, que faire vivre une association n’est pas de tout repos mais que la force et la joie que cela procure sont indéniables et restent pour toute la vie. À en écouter Raymonde, Isabelle, Elisabeth et Odile, à tour de rôle, ce récit d’histoire, sur la lutte féministe et lesbienne, sur le territoire picard, ces archives transmises par les mots de ces femmes militantes et lesbiennes assises devant nous, résonnent en moi et je ne veux pas en perdre une miette. Tentant de prendre note de chacune des phrases, ma main enchaîne les lignes sur mon carnet. En voici quelques extraits  : « C’était pas facile d’accueillir des femmes qui n’arrivaient pas à assumer, qui ne savaient pas comment faire ou qui se posaient des questions, c’était dur à l’époque, mais ensemble, on avançait ».

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lesbavardes.org

Retrouvez la totalité de cet article dans le numéro #73 de Jeanne Magazine

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