Laurie Mannessier et Lucille Laskowski, respectivement réalisatrice et productrice du court métrage Le fruit de nos entrailles, nous présentent cette comédie satirique et fantastique qui narre le parcours d’un couple lesbien, dont l’une des filles tombe enceinte par miracle. Un film, actuellement en pré-production, qui tourne en dérision la religion, dénonce l’homophobie et aborde la question de la PMA. Aujourd’hui les deux femmes viennent de lancer une campagne de crowdfunding. Extrait de l’interview publiée dans le numéro de juin de Jeanne Magazine.

Pouvez-vous revenir sur la genèse de votre film Le fruit de nos entrailles ?
Laurie : J’étais en échange universitaire à Montréal, je suivais un merveilleux cours à l’UQÀM (Université du Québec À Montréal), pour lequel je devais écrire un bref scénario à deux personnages pour le cours… C’était en novembre et il neigeait déjà ! Ça a du contrarier mes petites hormones et mes règles ont pris un peu de retard. C’est là que j’ai commencé à imaginer la réaction de ma copine de l’époque si j’étais enceinte… Pour rire… Au début, le film était très court pour répondre à l’exercice, et se concentrait sur « l’Annonciation », le test de grossesse positif, la dispute qui s’en suivait… Il y avait des prémices comiques mais qui n’étaient pas évidents pour tous. Il m’a fallu presque un an pour réussir à trouver une manière d’en faire une vraie comédie, et de dédramatiser la situation au profit d’une histoire mieux construite.

Est-ce une manière pour vous de militer pour le droit à l’indifférence ?
Laurie : J’étais très frustrée, adolescente, de n’avoir que des films ou des livres qui, s’ils étaient « LGBT », présentaient forcément les difficultés d’intégration, la recherche de soi… Ce sont des thèmes importants mais pourquoi n’aurait-on pas d’histoires où, comme « chez les hétéros », l’orientation sexuelle n’est pas le centre de l’intrigue ? Il serait grand temps que les couples LGBT, le mariage pour tous, etc., ne soient plus discriminés (au sens premier) : on a arrêté depuis longtemps de parler de « couples noirs » et de « mariages interraciaux », non ? Un couple, c’est deux personnes qui s’aiment, point. (…)

Le fruit de nos entrailles s’adresse également à ceux « qui sont fatigués des courts métrages déprimants avec des suicides, des meurtres et des viols à la pelle. » En effet, plus de 150 personnages lesbiens ou bis ont été victimes de l’un des tropes télévisuels les plus connus, le « Dead Lesbian Syndrom ». En quoi était-ce important pour vous de montrer une image positive de l’homosexualité féminine ?
Lucille : Assez badant les chiffres… À la base c’était le court métrage qu’on voulait débrider, qu’on trouvait trop dramatique. Ceci dit, le sort des lesbiennes est vraiment dramatique aussi… Bien sûr il est important de montrer des couples heureux, puisque c’est une réalité ! (…)

Vous avez lancé une collecte de fonds, via Indiegogo, pour financer votre film. Le crowdfunding est, en effet, une pratique très courante pour financer les films lesbiens. Comment expliquez-vous la frilosité des producteurs sur de tels projets ?
Laurie : Il y a énormément de projets de courts métrages, d’une part, il est donc difficile de se différencier d’autres scénarios ou même d’être lus par des producteurs, à moins d’avoir des pistons ou de s’être fait connaître avant. Mais concernant la comédie, il existe une vraie frilosité en France, la plupart des producteurs veulent du drame, de l’inaction… que l’on tient de la « crise… », un héritage de la Nouvelle Vague, un mouvement hyper novateur… il y a plusieurs décennies, quand même. (…)
Lucille : Une majorité de courts métrages se financent via des méthodes alternatives. Les productions sont peu nombreuses à vouloir investir dedans, notamment parce que ça ne rapporte rien économiquement. Depuis la palme d’or de la Vie d’Adèle je pense que justement les producteurs sont moins refroidis par les scénario LGBT, c’est un peu « à la mode » si j’ose dire. Et tant mieux ! Ca n’empêche, que des films plus engagés, moins mainstream sur le sujet, auront toujours recours à ce type de financement pour exister !

Page Indiegogo pour soutenir le projet

Retrouvez l’interview de Laurie Mannessier et Lucille, Laskowski en intégralité dans le numéro de juin de Jeanne MagazineEn vous abonnant à Jeanne, vous permettez à votre magazine 100% lesbien de continuer à vous proposer 90 pages de contenu exclusif chaque mois !