Rencontre avec Isabel, présidente du centre LGBT de Lisbonne et présidente de l’ILGA Portugal. Extrait de l’interview publiée dans le numéro de décembre de Jeanne Magazine.

« Début 2015 nous allons commencer un projet au niveau européen, ‘Bleeding Love’, qui s’attaquera aux violences faites aux femmes L, B ou T. »

Qu’est-ce que l’ILGA et quelles sont ses missions ? L’ILGA a été fondée en 1995 au Portugal. C’est la plus vieille et la plus importante organisation à but non lucratif qui défende l’égalité des personnes et lutte contre toute discrimination basée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Notre mission est de promouvoir l’inclusion sociale et la qualité de vie des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles ou transgenres et de leurs familles au Portugal. Nous y travaillons à travers un programme de soutien et d’encadrement social, par le biais de la lutte contre les discriminations, le respect de l’égalité entre les genres, et grâce à la promotion de la pleine citoyenneté des personnes LGBT dans le respect des Droits Humains et de la Citoyenneté. Nous sommes une organisation nationale basée à Lisbonne, et nous avons aussi une branche à Porto. Nous travaillons au renforcement des politiques de diversité, et nous avons des groupes très actifs qui se consacrent aux questions lesbiennes ou transgenres, ainsi qu’un groupe qui se concentre sur les familles arc-en-ciel. Nous sommes membres de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union Européenne, nous représentons ILGA Europe’s Advocacy Network, et nous sommes l’un des membres fondateurs de NELFA, le réseau européen des associations de familles LGBT.

C’est la première fois qu’une femme est élue à la tête dans l’histoire de ILGA Portugal. Pensez-vous que cela va générer des changements dans la façon de diriger l’association, dans les décisions à prendre ou dans les directions qu’elle va suivre ? Si oui, lesquels ? Oui, c’est vrai, je suis la première présidente de l’ILGA Portugal, mais nous avons beaucoup de femmes dans l’association. Nous avons une longue histoire, masculine et féminine, et cette dernière avec de grands résultats aussi. Les femmes ont toujours été partie prenante dans les réflexions, les décisions et les interventions de l’ILGA. Maintenant, il est vrai aussi qu’être dirigé par une femme, qu’on le veuille ou non (et on le veut !), signifie une plus grande importance donnée aux questions de genre dans tous les aspects de notre activité, et une reconnaissance qu’il y a beaucoup de monde sous les lettres L, B et T aussi, et pas seulement G !

Quelle est la situation au Portugal aujourd’hui en ce qui concerne le mariage, l’adoption, la PMA et les questions transgenres ? Le Portugal ne fait jamais rien comme les autres… Nous sommes le seul pays au monde où les couples de même sexe peuvent se marier, mais où parallèlement nos enfants ne peuvent pas être reconnus comme les nôtres, ni nous comme leurs parents. Nous avons d’abord eu un équivalent du PACS en 2001, puis le droit au mariage en 2010 ; mais nous n’avons toujours pas la possibilité d’adoption par le deuxième parent, ni accès à l’adoption en tant que couple, ni à être reconnu(e)s comme famille d’accueil – et bien sûr, aucun droit à la PMA. Comme en France, l’accès à la PMA est toujours le dernier des soucis du législateur, puisque les femmes sont les principales concernées… Et bien sûr, nos besoins ne sont pas considérés comme aussi importants que ceux des hommes ! Nous avons par contre une loi sur l’identité de genre. Elle n’est pas parfaite, mais elle était révolutionnaire quand elle a été votée en mars 2011 car elle facilitait la reconnaissance des personnes transgenres comme nulle part ailleurs dans le monde à l’époque. Et notre code pénal inclue l’identité de genre tout comme l’orientation sexuelle de la victime comme motifs aggravants, en termes de condamnations, dans les affaires criminelles.

Quelles missions spécifiques sont dirigées vers les communautés lesbienne, bisexuelle et transgenre ? Tout notre travail est fait en gardant les quatre lettres à l’esprit: L, G, B et T, et nous montons au créneau pour des questions qui touchent les femmes chaque fois que cela se présente ou que cela fait sens. Par exemple, début 2015 nous allons commencer un projet au niveau européen, « Bleeding Love », qui s’attaquera aux violences faites aux femmes L, B ou T. Cela ne signifie pas que la violence faite aux hommes est moins importante, mais qu’il y a des questions spécifiques aux femmes auxquelles nous avons besoin de nous atteler. Peut-être que nous pourrions en reparler l’an prochain?

Quels combats vous semblent les plus urgents aujourd’hui ? Oh là là, ils sont nombreux. Depuis de nombreuses années, nous essayons de changer les choses dans notre pays en général, et dans le monde du travail en particulier, et ce tout spécialement en ce qui concerne les questions de genre et d’orientation sexuelle. Nous avons formé des officiers de police, des professeurs, des personnels des secteurs de la santé et de la justice… Mais force est de constater que malgré tout cela, et au mépris des lois de notre pays, certains professionnels et dirigeants n’ont aucune idée des notions les plus basiques s’agissant des discriminations au quotidien et de la nécessité de traiter ce problème par des mesures d’ampleur nationale… Toute bataille publique est difficile. Par exemple, il n’est pas rare d’entendre des gens dans le bus, au restaurant ou au travail – partout, en fait ! –  parler des familles LGBT. Pour eux, c’est juste un sujet de conversation, et ils oublient complètement que leurs babillages peuvent être insultants pour nos familles et pour nous. Et que chacun d’entre nous choisisse de se taire ou de les confronter, c’est toujours difficile, et toujours épuisant. Mais nous ne pouvons pas – et nous n’allons jamais – céder, nous n’allons jamais laisser tomber.

 

ilga-portugal.pt/ilga/index.php

Photos et propos recueillis Sylviane Rebaud.

 

Ne vous contentez pas de cet extrait et retrouvez l’interview en intégralité dans le numéro de décembre de Jeanne Magazine, un bon moyen de soutenir votre magazine lesbien.