« Nous avons été tellement arrogants de penser que l’Homme est unique et au-dessus de tout. Les chimpanzés ont presque obligé l’être humain à réaliser que nous faisons partie d’un tout, et que nous ne sommes pas séparés du reste du monde animal. »

Dr. Jane Goodall fête cette année ses 80 ans. La célèbre primatologue continue de travailler et de militer sans relâche pour la préservation de la planète. Entre deux conférences, Jeanne Magazine a eu le privilège de lui poser de très nombreuses questions sur ses découvertes, qui dévoilèrent notamment la capacité des chimpanzés à fabriquer et à utiliser des outils dans leur vie quotidienne, ainsi que le fait qu’ils sont dotés d’émotions, et d’aborder avec elle des sujets comme la préservation de la biodiversité, les dérives de l’agrobusiness, le végétarisme, la protection des grands singes, et de revenir sur la réintroduction en milieu naturel de Wounda, dont la vidéo a fait le tour du monde. Extraits :

Au début des années 1960,  vous êtes partie en Tanzanie dans la réserve de Combes pour faire des recherches sur le comportement des chimpanzés. Comment se sont déroulés les premiers mois d’observation ? Pendant les premiers mois, les chimpanzés s’éloignaient systématiquement dès qu’ils m’apercevaient. Et puis, un jour, l’un d’entre eux a commencé à ne plus avoir peur. Il s’est approché de mon campement pour y manger des noix de palme. Comme il y trouvait également des bananes, j’ai demandé à mon cuisinier de lui en déposer chaque jour. Je suis alors restée sur le campement, au lieu de grimper sur les collines comme à mon habitude, et je l’ai reconnu, c’était David Greybeard. Je l’ai appelé ainsi car je le reconnaissais grâce à sa barbe blanche. Par la suite, quand je m’aventurais auprès d’un groupe de chimpanzés avec David, sa présence suffisait à calmer les autres. Et c’est au bout du cinquième mois que je l’ai vu « pêcher » des termites.

Les chimpanzés partagent avec nous entre 98,2 et 98,6% de leur AND. En les observant, qu’avez-vous appris sur l’être humain ? Nous avons été tellement arrogants de penser que l’Homme est unique et au-dessus de tout. Les chimpanzés ont presque obligé l’être humain à réaliser que nous faisons partie d’un tout, et que nous ne sommes pas séparés du reste du monde animal. Mais bien sûr, je l’ai appris bien avant tout cela, lorsque je jouais avec mon chien quand j’étais une petite fille.

Parlez-nous du langage des signes chez les grands singes… Et quels seraient leurs mots s’ils pouvaient parler ? Les grands singes peuvent apprendre le langage des signes américain – jusqu’à 400 mots et phrases. Mais ils n’ont pas mis en place ce type de communication dans la nature, ce qui leur permettrait de parler du passé, planifier le futur, et d’avoir des discussions qui pourraient parfois mettre en place des plans d’actions pour résoudre des problèmes. Ils pourraient dire des choses comme « j’ai des sentiments comme toi, traite-moi avec amour et respect. Ne te sers pas de moi comme d’un divertissement, ne me garde pas dans des petites cages et n’utilise pas mon corps pour des expérimentations. Protège mon environnement, arrête de me chasser comme du gibier en posant des pièges dans la nature et par-dessus tout, arrête de détruire les forêts ».

Comment êtes-vous devenue végétarienne ? Qu’est-ce que cela a changé dans votre vie ? Lorsque j’ai quitté la Grande-Bretagne pour l’Afrique, j’avais 23 ans, et il n’existait pas de fermes qui pratiquaient la culture intensive ici. Puis, lorsque j’ai lu le livre de Peter Singer Animal Liberation, j’ai été choquée par la terrible cruauté animale engagée dans ce processus. Lorsqu’ensuite, j’ai vu un morceau de viande dans mon assiette, j’ai immédiatement pensé « c’est le symbole de la peur, de la douleur et de la mort ». Ce n’était pas agréable comme sentiment, et depuis je n’ai plus jamais mangé un morceau de viande ou un poisson. Il est prouvé aujourd’hui de manière scientifique que les poissons ressentent la douleur. En effet, cela a changé ma vie. Je ne pense pas que j’aurai eu l’énergie et la force de faire ce que je fais si j’avais continué de manger de la viande. Je me suis sentie plus légère sitôt que j’ai arrêté de manger de la viande. Et mon corps n’a pas à gérer tous les produits chimiques qui sont ingérés par les animaux dans les fermes intensives.

A lire dans le numéro de septembre de Jeanne Magazine, l’interview sur 8 pages du Dr. Jane Goodall. Photo Jane Goodall Institute

 

Retrouvez ci-dessous la vidéo de l’incroyable geste de Wounda à Jane Goodall lors de sa réintroduction dans le milieu naturel.

[youtube id= »olOAbZJhWLg » width= »600″ height= »350″]